Chapitre 4.5 : Rencontre

6 minutes de lecture

 La nuit était déjà bien entamée lorsque le trio arriva jusqu’à son objectif. Sa progression avait été fortement ralenti par le nombre conséquent de dispositifs défensifs déployés autour de l’avant-poste militaire. Entre autres sentinelles, les trois compagnons avaient eu à traverser un terrain parsemé de mines. Une chance pour eux que la région où ils grandirent en fut truffée au cours des derniers conflits, car ils apprirent ainsi à déjouer ces pièges mortels dès leurs premiers pas à l’extérieur.

 À force de persévérance, ils trouvèrent finalement un étroit conduit d’évacuation qui leur permettrait de se glisser sous terre jusqu’à la petite ville, du moins en théorie. Ils se retrouvèrent à avancer péniblement à la lueur d’une torche de fortune, faite d’un bâton et d’un bout de tunique de Doren, trempée dans leur dernier fond d’huile extirpé avec le maigre butin de la carcasse volante. Ils progressaient dans une galerie étriquée d’où s’évacuait une partie des eaux usée générée par la bourgade. De leur couloir vaseux à l’odeur fétide, ils débouchèrent rapidement sur un tunnel plus spacieux, bien que toujours un peu bas de plafond, lequel était parcouru en son centre par un canal peu profond d’eau brunâtre aux relents explicites.

 – Ils ont vraiment construit tout ça juste pour se débarrasser de leur merde ? questionna Doren.

 – C’est le mot juste, soupira Clovis. Mais au moins, ça doit être plus propre chez eux que le village ne l’a jamais été.

 Heres, qui marchait en tête, se stoppa et fit signe à ses deux amis de se taire. Ils se figèrent, alors qu’un petit drone de surveillance passait devant eux dans un papillonage nonchalant. Ce drone ci n’était en rien équipé pour la guerre et était donc à première vue inoffensif. Le véritable danger résidait en réalité dans la multitude d’yeux qui couvrait sa face ainsi que sa capacité à prévenir ses propriétaires de toute intrusion dans la seconde même où il repérerait cette dernière.

 Les trois jeunes hommes restèrent donc figés tel des statues, ne sachant que faire dans cette galerie qui n’offraient aucune cachette. Doren leva lentement le fusil modifié, prêt à intervenir. Mais le petit appareil passa le croisement de deux galeries sans même les voir. Il continua simplement sa route en bourdonnant paisiblement. De tous ses yeux, nombreux étaient en réalité ceux étant défectueux, ou simplement couvert de crasse. C’était sans aucun doute le cas pour ses autres capteurs, ce qui expliquait sa cécité. À l’évidence la maintenance des appareils de surveillance de la forteresse laissait à désirer. Probablement personne au sein de celle-ci n’aurait un jour pu s’imaginer que ceux qu’ils considéraient comme des primitifs n’auraient l’audace de s’infiltrer dans leurs égouts.

 Les trois intrus se détendirent en soufflant de soulagement avant de reprendre leur route. Ils déambulaient à travers le réseau d’assainissement sans pour autant trouver comment en sortir, tâtonnant en espérant finalement tomber sur une issue.

 – On est perdu, constata Clovis.

 – Il y a forcément une sortie, répondit simplement Heres.

 De Clovis et Doren, aucun des deux n’osa poser de questions dérangeantes à leur ami depuis leur entrée dans cette aventure insensée. Clovis se risqua enfin à entamer la discussion à ce propos.

 – Heres. Tu sais… peut-être qu’on ne retrouvera pas ta sœur.

 – Ouais. Peut-être.

 – Et même si on la retrouve. Eh bien. Peut-être que tu n’aimeras pas ce qu’on retrouvera. On ne sait pas ce qu’ils font des survivants. En fait c’est même la première et…

 – Et quoi ?!

 Clovis baissa la tête et esquiva le regard alors qu’il cherchait ses mots en balbutiant. Il supportait difficilement de voir Heres de mauvaise humeur et ce depuis toujours. Alors que la colère de ce dernier soit dirigée contre lui, cela le laissait totalement démuni, lui qui essayait simplement d’aider. Aussi, Heres reprit avant lui.

 – On va retrouver ma sœur, puis foutre le camp d’ici. Et ensuite on fera comme a dit Harbard. On ira aussi loin qu’on le peut vers l’est.

 – Oui. Entendu, osa Clovis sans plus relever la tête.

 C’est finalement Doren qui trouva comment s’échapper de ces galeries putrides, apercevant au fond d’une discrète impasse une échelle s’élevant dans un boyau de béton à la verticale. Heres toujours en tête jeta la torche essoufflée dans le ruisseau boueux, puis ils grimpèrent avec l’espérance de quitter enfin ces lieux. Cependant la peur n’était pas loin. Les galeries puantes de merde en décomposition avaient au moins le mérite de les cacher de ceux qui les traquaient. Qu’y auraient-ils là-haut ?

 Aussi silencieusement que possible, le jeune homme poussa la dalle d’acier qui couvrait la sortie du monde souterrain. Évaluant rapidement la situation, Heres conclu qu’il était pour le moment sans risque de s’aventurer à l’air libre. Les trois amis sortirent en vitesse, replacèrent correctement la bouche d’égout derrière eux, puis se mirent à l’abri des ombres en évitant les lampadaires.

 Un univers bien différent du leur et pourtant très similaire à la fois se déroulait sous leurs yeux. Pas une seule torche, ou même de lampes à huile. Uniquement des ampoules alimentées en électricité, partout. L’énergie que devait engloutir ces infrastructures était sans mesure et demandait à n’en pas douter des moyens colossaux. Ils comprenaient en partie les mécanismes de cette ville dont le niveau technologique n’était à première vue pas si éloigné du leur, mais restaient cependant ébahit de cette opulence énergétique. Des routes goudronnées et lisses, de hauts bâtiments aux aspects solides, des véhicules motorisés, des centaines d’éclairages n’illuminant que le vent. Tant de choses si précieuses chez eux paraissaient ici tellement… banales. Ils comprirent en quelques coups d’œil à quel point leur monde était démuni, lui qui ne se trouvait qu’à quelques heures de vol d’ici.

 Les intrus passèrent un moment à errer de façon chaotique à travers l’obscurité, sans vraiment savoir vers où aller, ni que faire. En fait, ils étaient arrivés jusqu’ici sans jamais se demander comment parvenir à remplir la mission qu’ils s’étaient fixé.

 – On est bien avancé, fit remarquer Clovis. C’est grand, comment on va savoir où aller ?

 – On va bien finir par trouver, répondit Doren. Faudrait juste demander notre chemin « gentiment ». Je crois qu’on a un candidat.

 Il pointa le doigt en direction d’un homme s’aventurant dans leur direction. Ce dernier s’avançait dans le halo de lumière d’un lampadaire, disparaissait quelque peu pour mieux rejaillir sous l’éclat d’un suivant, et ainsi de suite. Visiblement trop distrait il ne sentit pas arriver l’étranger qui lui mit son arme sous le nez à peine sorti des ténèbres. L’habitant de la bourgade releva la tête doucement. Ses yeux perçants croisèrent le regard déterminé et empli de colère du jeune homme menaçant lui faisant face. Deux mondes se rencontrait, les représentants de ces derniers soutinrent le regard méfiant et provocateur de l’autre sans vaciller.

 – Où est ma sœur ? demanda simplement le jeune homme armé.

 Elias eut vite fait de reconnaître l’individu lui faisant face. À son accoutrement, il ne pouvait qu’être un sauvage des terres désolées. L’une de ces choses qu’il traquait depuis des années sans relâche ni ménagement. Fort de nombreuses années d’expérience martiale, le lieutenant désarma sans mal son agresseur en lui arrachant son fusil dans un éclair qui laissa Heres les bras ballants.

 Il retourna alors l’arme contre ce dernier, prêt à tirer. Mais Elias dut se rendre à l’évidence. Il ne pourrait jamais éliminer le barbare lui faisant face et se retourner à temps pour s’occuper de celui qui pointait un autre canon dans son dos. Sans décrocher la mâchoire, il leva les deux mains vers le ciel étoilé. Clovis prit soin de lui reprendre son arme tandis que Doren le maintenait en joue.

 – Vous êtes morts. Tous les trois.

 Clovis s’écarta d’un pas de Heres, comme pour s’assurer que ce dernier n’accaparerait pas à nouveau son arme. Celui-ci remarqua mais ne releva pas l’attitude de son ami. Il s’adressa à nouveau à cet homme au sang-froid inquiétant, toujours maintenu en joue par Doren. C’était un guerrier de l’Empereur, aucun doute.

 – Tu sais où est enfermée la fille que vous avez capturé, non ?

 – Je le sais.

 – Alors tu nous conduits là-bas.

 Elias analysa la situation attentivement, prenant quelques longues secondes en silence, se retournant sans geste brusque pour observer celui qui le menaçait toujours de son arme. Résigné, il se décida à acquiescer d’un hochement de tête. Il n’était pas certain que le meneur serait vraiment prêt à lui faire du mal. Mais son acolyte, ce colosse blond aux airs impassible. Lui avait l’allure de ses hommes conscients de leur devoir et capable d’aller jusqu’au bout. Il dégageait une aura que le chasseur avait déjà ressenti auparavant. Principalement chez les chefs de ces assemblées tribales qu’il traquait depuis des années. Abaissant les mains le long du corps mais les gardant bien en vue, Elias se mit à rebrousser chemin pour prendre la direction de la forteresse, suivit dans l’ombre par de jeunes idiots dont il ne se débarrasserait pas si facilement.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Morpheus "Troglodyte Ier" Scaja ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0