Chapitre 4.8 : Tabula rasa

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 – Frère Ajax, interpela Tarkon.

 – Monseigneur ? questionna le technomancien.

 – Protocole Tabula Rasa. Toute la vallée.

*

 Avachi contre la console de commande, Elias lançait des regards noirs de fureur à ces trois barbares qui avaient réussi à le mettre hors service, une fois de plus. Mais son visage tuméfié ne leur inspirait plus aucune crainte. Clovis se crut malin de s’approcher pour narguer l’impérial. Elias lui répondit par un crachat au visage, laissant sur la face du jeune homme un glaviot chargé d’hémoglobine. Le bras de Clovis fut retenu par Doren.

 – Arrête. Il en a déjà eu assez.

 Vexé, Clovis essuya son visage avec sa manche et s’éloigna de quelques pas en maugréant. Le lieutenant avait perdu la bataille et ils quittaient tous la vallée pour une destination que lui seul devait connaître. La tentation d’appliquer les mêmes méthodes que lui et les siens restait cependant très forte.

 Coupant court aux délibérations sur son avenir, les nuages du ciel bleuté de la nuit se marbrèrent d’une étrange couleur orangée. Elias se releva pour s’approcher avec curiosité des fenêtres de la locomotive. La colère glaciale qui assombrissait son visage s’évanoui en un instant. L’incompréhension s’installa sur ses traits amochés, et la terreur lui tordit le ventre plus fort que les coups qu’il avait reçus.

 – Non ! Non ! hurla-t-il comme un dément en frappant le plexiglass de ses poings.

 Heres, Clovis et Doren observèrent eux aussi ce spectacle étrange, mais sans en comprendre le sens. Puis elle creva les nuages, cette comète nimbée du feu du soleil qui chassa les ombres de la nuit. Elle explosa non loin de l’avant-poste de Vaduz. Il y eut un flottement, quelques secondes d’un calme irréel avant que la détonation monstrueuse ne leur parvienne. Le sol sembla se soulever, le train manqua de dérailler. Un vent rapide et brutal à en fendre les pierres venait de souffler sur la terre, et le feu s’était abattu des cieux d’hiver. Les trois barbares se redressèrent pour constater le triste spectacle d’un homme hurlant comme un torturé, continuant de frapper de ses poings meurtris sur la vitre qui ne voulait pas lui céder.

 – Non ! Non ! J’ai tout fait, tout ! Tout ce que vous demandiez !

 Pendant son passage à tabac, Elias ne donna aucune satisfaction à ses ennemis, il ne leur céda pas un seul gémissement. Mais là, le pauvre homme souffrait avec une intensité inégalable, s’abandonnant à des extrêmes tranchant radicalement avec l’attitude froide et prédatrice qu’il avait affiché jusqu’ici. Il brûlait de l’intérieur, comme si l’explosion l’avait touché personnellement et que le destin s’était refusé à le laisser mourir en paix.

 Son fils, sa fille, sa femme. Une fraction de seconde. Son monde s’était évaporé. Sa vie venait d’être pulvérisé sous ses yeux impuissants. Pourquoi son cœur battait-il encore ? Comment battait-il encore ? Lui qui venait de se fendre en le laissant mort-vivant, dénué de tout, en vie mais préférant mourir. Elias se laissa glisser lentement par terre, son âme s’étiolant un peu plus à chaque centimètre qui la rapprochait du sol. Il se recroquevilla, la tête entre les mains, pleurant et gémissant comme un enfant. Le soldat d’élite n’était plus.

 Doren et Clovis restèrent abasourdi par cette vision. Heres, quant à lui, ne pouvait détacher son regard étonné, apeuré, mais aussi fasciné du spectacle qui se jouait à l’extérieur. La puissance du cataclysme avait chassé les nuages, laissant s’élever dans la clarté lunaire une gigantesque colonne de mauvais augure, à la forme de champignon morose.

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