Chapitre 7.7 : L'oracle

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 Toujours plus loin sous terre. Ils n’avaient plus croisé qui que ce fut depuis trois niveaux. Heres et Mad parcouraient ces catacombes de béton simplement éclairées à la lueur de leurs torches. Heres ne disait pas un mot, alors que son compagnon déblatterait une somme de banalités réhaussées d’âneries dont il avait le secret.

 – On est encore loin d’Éminence ? Entre nous, c’est tout ce qui m’importe.

 – Nous en sommes si près. Et pourtant si loin !

 La poitrine de Heres se soulevaet il souffla longuement du nez en signe de lassitude.

 – Le problème n’est pas tant la distance, expliqua Maddax. Le vrai souci c’est de pouvoir se déplacer librement. L’Empire tentera de faire un exemple. Voler tout une caserne, c’était jusqu’ici impensable !

 – Donc ?

 – Donc on aura tôt ou tard de la visite. Ils vont pas nous lâcher comme ça. On doit se faire petit et se disperser.

 – Je dois retrouver ma sœur, avec ou sans toi et…

 – Du calme, du calme ! Qu’est-ce que tu t’imagines ? Ta sœur est déjà arrivée là-bas depuis un moment. En fait, elle y était déjà quelques heures à peine après son envol de Vaduz. Mais rassure-toi, ils la garderont entière.

 Heres ne répondit pas. Ce n’était pas la réponse qu’il aurait souhaité entendre. Entière ne voulait pas dire indemne. Au moins son nouvel ami ne lui faisait-il pas l’affront de lui laisser penser le contraire.

 – Tu sais, ta sœur et toi vous retrouvez au centre d’un jeu qui vous dépasse de loin. Tu n’imagines pas ce qui se trame.

 Mad éleva sa torche comme pour chasser les ténèbres du plafond.

 – L’Empire est affaibli. En fait, le monde ne s’est jamais vraiment remis de La Chute. La Guerre des Races, puis la Croisade Artificielle. D’ouest en est, ce qu’il reste d’humain vit sous terre. Le reste n’est que bétail de despotes. Les ressources énergétiques s’amenuisent. Le monde se fait plus hostile, nous rejette. Sans doute est-ce mérité.

 – Je sais tout ça, balaya Heres.

 – Ce que tu ne sais peut-être pas, jeune homme, c’est que l’Humanité est en péril. Notre espèce dégénère.

 – Quoi ? Je ne comprends pas.

 – Pour faire simple, ne joue pas à Dieu qui veut. Nous sommes de plus en plus nombreux à vieillir prématurément, à subir les contre-coup d’expériences hasardeuses menées par une poignée de singes savants. Nos organismes sont aussi pollués par les déchets de nos ancêtres. Plastiques, métaux lourds, radiations…

 – Je ne vois toujours pas le rapport avec ma sœur et moi.

 Maddax se planta sur place et analysa Heres.

 – Comment va ta dent ?

 Un frisson le gagna. Heres n’en avait parlé à personne.

 – Ne soit pas si surpris, je sais qui était ton père. Enfin… « père ». Et je sais ce sur quoi il travaillait.

 Le jeune homme restait figé, muet. Qu’aurait-il pu répondre de toute façon ?

 – Tu as des dons. Je le sais, même si j’ignore exactement lesquels. Hormis ta capacité de guérison surnaturelle.

 Le suzerain abaissa sa torche avant de poursuivre sa route. Heres lui emboîta un pas hésitant.

 – Je t’emmène voir quelqu’un. Lui, il a certaines réponses. Tu devrais y voir plus clair après ça.

 – Pourquoi est-ce que tu m’aides ?

 – Parce que vous êtes le remède. La fin d’un cycle, le début d’un autre.

 Maddax répondait avec un sérieux inhabituel. La graine de folie de ses yeux semblait s’être éteinte.

 Le voyage ne fut pas beaucoup plus long. Gouttes d’eau s’écrasant dans la multitude d’une flaque dans un écho, grattements discrets de quelques rongeurs. Seuls les murmures du monde souterrain accompagnèrent leur pas.

 Le roi des discordiens s’arrêta au pied du petit escalier menant à une hutte d’où se diffusait une faible lueur entre les jointures de ses panneaux de tôle et de bois. Légèrement surélevée, ses pilotis de fortune s’enfonçaient dans une marre d’eau noire aux reflets oniriques et à l’odeur éthérée. Maddax ne l’accompagnerait pas plus loin.

 Heres transmit sa torche à son compagnon, monta les quelques marches d’un pas fébrile. Le grincement de ses pas annonça son arrivée, il ouvrit la porte de ferraille.

 L’oracle de son village l’attendait. L’homme sans nez ni oreilles, aux orbites oculaires vides comme la mort elle-même, toujours enveloppé de son vêtement noir et fantomatique. Il ne bougea pas d’un pouce. Toujours recroquevillé en tailleur, au centre de sa cahutte sans prétention, il laissa le jeune homme se placer face à lui. Leur rencontre n’avait que trop été retardé. Son protecteur et geôlier disparu, Heres allait enfin effectuer son voyage sur les rives des autres mondes. Il prit place. L’augure pencha la tête étrangement. Heres ne s’encombra d’aucune surprise de le voir ici, ces derniers jours le monde allait en s’érodant sous ses pas. Ce n’était qu’une étrangeté de plus.

 – L’homme de métal est sorti du monde.

 – C’est exact.

 Le mystique se mâchonna la langue.

 – La folie te guette. La connaissance est source de douleur qui ne se partage pas avec les endormis. Elle exige silence, et sacrifices.

 – Commençons.

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