Chapitre 7.8 : Délivrance

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 Novak s’était déjà fait poignarder, brûler, électrocuter, tirer dessus, arracher les ongles ; et ça pour les tortures les plus avouables par son égo. Mais rien ne pouvait être comparé à qu’il vivait à présent. Le crâne ouvert, il regardait le sol d’un œil vide alors que sa tête s’ancrait sur un portant rattaché à la table d’opération. Comme promis, on lui laissait le loisir d’assister à son propre charcutage.

 Le bruit de la scie sur l’os resterait gravé en lui, tout comme la douleur incomparable de son système nerveux lui balançant décharge sur décharge. Mais aucune réaction ne venait de ses muscles engourdis. Novak était déjà mort à Vaduz et ne continuait plus à s’animer que par vengeance. Ce bricolage ne devait tenir que le temps dont il avait besoin pour y parvenir, ni plus ni moins. Mais jamais il n’aurait cru avoir à retraverser pareil enfer.

 La tente cradingue dans laquelle on le fit entrer avait vaguement l’air d’avoir été stérilisé pour l’occasion. Vaguement. À y penser, elle ressemblait trait pour trait à ces hôpitaux de campagne, placé là pour le moral des troupes plus que part réel souci médical. Au milieu des toiles de jutes tâchées, le matériel flambant neuf scintillait d’une aura louche. Typiquement le genre d’instruments qui auraient pu dormir dans une grande caserne impériale, loin de tout champ de bataille.

 Un chirurgien aux airs de revendeurs d’abats de boucherie, deux infirmiers tout aussi suspects ; et l’une de ces saloperies de technoslave, version médicalisée. La nuque de Novak s’était raidie à sa simple vue. Un torse décharné, la peau tachetée et ramollie par son âge avancé, monté sur un large pied d’inox à roulettes et le tout muni de quatre bras effilés, comme des pattes d’araignée de métal luisant. Les trois balèzes barrèrent le chemin de la sortie à Novak aussi sûrement que l’aiguille qui s’enfonça dans sa chair le laissa inerte. Il n’était plus un homme, juste un tas de viande flasque et juteuse, consciente de son calvaire.

 La main du chef d’orchestre jouait sa sonate en toute tranquillité, assistée par deux valets et un appareillage humanoïde à la précision mécanique. Ensemble, ils dansaient une sarabande savante autour de sa carcasse, le silence seulement perturbé par les doux chuintements que chantonnaient les articulations du technoslave.

 Cette sensation de brulure, ce feu qui lui fondait le cerveau et irradiait dans le reste de son corps à chaque filament de la puce que le technoslave détachait de son tronc cérébral. Dieu, quelle douleur. Ses enfants avaient-ils ressentis la même chose ?

 Des heures durant, la drogue le laissa dans un entre deux où son esprit ne put se replier ni dans le conscient ou l’inconscient. Novak était juste assez détendu pour que son cœur ne lui fasse pas faux bond, et assez alerte pour sentir chaque morsure de ses nerfs agressés. La délivrance se fit longuement désirer. Il fulmina, supplia ; pria le dieu de sa mère, qu’il avait rejeté pour celui de l’Empire. « Tous nos choix appellent à conséquences », l’entendait-il lui murmurer depuis son paradis.

 Enfin, nouvelle puce, nouvelle identité. La bête de chair et d’électronique le referma comme le capot d’une bagnole, ressoudant l’os à l’hydrogel-biosilicium. Enfin, on laissa la victime s’échapper de son corps, la gavant de drogues aux effets moins pervers.

 L’esprit de Novak pu enfin rejoindre les siens pour quelques heures.

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