Chapitre 8.4 : Arrogance

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 Glacial. Le général Tarkon avait toujours était ainsi, comme la plupart de ses frères. S’abaisser à toute forme de sympathie avec les « inférieurs » revenait à insulter la pureté de son impeccable lignage génétique. Comment discuter avec un type pareil ? Naka agitait frénétiquement sa langue entre ses dents, les mots sortirent enfin comme des fusées folles.

 – Vous avez laissé des survivants, à Vaduz.

 L’hercule éleva un sourcil doré.

 – J’en serait très surpris.

 Naka n’argumenta pas d’avantage. Il tritura sa bague et fit ainsi jaillir le rapport sur l’incident de la caserne de Nouvelle-Vienne.

 – Pas une goutte de sang n’a été versé. S’en est même humiliant.

 – Abrégez Friedrich.

 – Ils ont eu accès à l’armurerie grâce à une identification d’officier. La puce du lieutenant Elias Novak.

 Naka décela enfin une émotion chez cette grosse statue de marbre. Son front se plia alors que sa mâchoire se resserrait davantage. Le mastodonte aurait pu mâcher des cailloux.

 – C’est fâcheux.

 – Très !

 Le grand maître inquisiteur scanna Tarkon du regard. Le général avait quitté son armure d’apparat pour un modèle beaucoup plus sobre, chose étonnante. Les rumeurs sur sa blessure et l’endommagement de son équipement étaient sans doute vraies. A l’évidence, leur plan sans accro avait quelque peu capoté.

 – Et donc, qu’attendez-vous exactement ?

 – Eh bien je me disais que, peut-être, vous accepteriez une nouvelle petite chasse à l’homme ?

 – Hors de question, ce n’est pas de mon niveau.

 – Pourtant, vous avez participé à la première.

 – Sur ordre direct de Cadian, avoua-t-il dans une nouvelle grimace. Lui-même mandaté à la place du Maître de Guerre.

 Naka ferma la projection sortant de son nouveau holodesk. Son titre de Grand Maître faisait de lui un homme tout aussi élevé qu’un général de premier ordre comme Tarkon, ce qui ne manquait pas de lui laisser un petit rictus provocateur au coin des lèvres.

 Nouveau titre, nouveaux quartiers. Si son ancien bureau était déjà richement décoré, celui-ci l’était tout autant, mais trois fois plus grand et la hauteur sous plafond deux fois plus élevée. Cela en devenait ridicule, Tarkon n’était pas homme à se laisser impressionner par si peu.

 – Donc… c’est un non ?

 – Savez-vous seulement ce qui se passe, Friedrich ?

 – Eh bien à chaud je dirais qu’il faut essuyer derrière vous.

 Tarkon, esquissa un sourire. Naka n’était pas dupe, le martien n’arquait la bouche qu’à l’idée de lui broyer la nuque.

 – L’Union du Grand Orient est en alerte. Leurs armées se massent à la frontière. Et les flottes de la Petite Ceinture et de Venus sont déployées.

 – Ils ont assez mal pris que vous rompiez le pacte d’Astana. Enfin je crois.

 – Prétexte, balaya Tarkon. La vérité est qu’eux aussi tordent sans arrêt les réglementations extra-terriennes. Ils deviennent juste plus gourmands.

 – Donc ?

 – Donc nous allons nous en charger. Comprenez que je me moque de votre lieutenant en vadrouille, s’il est toujours vivant.

 – Nous avons perdu le contact avec les deux escouades envoyées pour le débusquer, lui et ses acolytes. Vous les connaissez aussi si je ne me trompe pas. Vous avez dû les croiser à Vaduz.

 La mine hautaine de Tarkon fondit un peu plus. Naka ralentit la cadence de ses provocations.

 – Quoiqu’il en soit, je vais mettre plus d’hommes sur le coup ! C’est qu’ils ont l’air coriaces.

 – Et moi je vais continuer à m’occuper de sujets réellement importants. Cependant, en guise de bonne fois, je vous laisse quelques-uns de mes propres hommes. Afin de gérer cette affaire au mieux.

 – Une offre très généreuse que j’accepte avec joie ! Du reste, j’ai déjà ma petite idée quant à la suite des évènements.

 – Friedrich, tout ça n’a rien d’un jeu. Je pense que vous perdez de vue notre mission.

 Le grand-maître inquisiteur s’enfonça plus profondément dans son ridicule trône rococo. Impossible d’avoir l’air sérieux dans pareil immondice stylistique, et pourtant il réalisait cet impossible.

 – Vous savez ce que je crois ? Je crois que vous vous êtes totalement planté à Vaduz. Je pense que vous avez ramené la mauvaise cible, et laissez courir derrière vous de réelles menaces. Pas seulement pour ce petit jeu auquel nous jouons, que vous le reconnaissiez ou non, mais pour Éminence elle-même. Je vais donc faire tout mon possible pour rattraper vos conneries en espérant qu’il ne soit pas trop tard. Et tout ça sans attirer l’attention sur cette affaire.

 Si les yeux d’acier du général de Mars avait pu se changer en poignards, ils auraient perforé cette vermine arriviste de dizaines de trous béants. Au lieu de ça il bondit. Son fauteuil passa à travers une vitrine d’exposition. Tarkon s’empressa ensuite de passer la porte sans même l’ouvrir de ses mains, laissant son pied faire le travail avec fracas.

 Il traversa l’immense couloir sans aucune discrétion, ses lourds pas résonnant sur le marbre et le son s’écrasant à travers les alcôves de cette allée cyclopéenne. Des survivants, mais comment ? Il avait suivi les ordres à la lettre, quitte à enfreindre un traité vital à l’équilibre des forces terriennes.

 Quant à la cible, Naka était-il sérieux ? Était-ce encore une manœuvre étrange ? La gamine correspondait à la maigre description de la matriarche. Si cette idiote ne s’était pas effacé la mémoire avant de se repentir… Quelle dinde stupide ! Le garçon, celui qui avait osé le défier du regard. Non, il avait quelques années de trop.

 Tarkon s’arrêta dans l’une des alcôves et se figea devant la baie vitrée qui surplombait la cathédrale de Sainte Aliénor. Cette vision l’apaisât légèrement, laissa son énorme cœur ralentir à un rythme plus supportable. L’idée même d’avoir échoué l’insupportait, mais était-ce le cas ? Il avait rempli sa part, avec le peu d’informations disponibles. L’Inquisition faisait sûrement barrage, pour des raisons qui ne regardaient que cette bande d’intrigants. La garce et son roquet de Naka… Lui était à l’image de l’Empereur, eux n’était que des sapiens, une espèce dépassée. Ils paieraient tôt ou tard leur arrogance.

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