Chapitre 4.4 : Questionnements

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 Thalie pleurait au fond de sa minuscule cellule sans fenêtre, recroquevillée sur un lit miteux. C’est à peine si elle osait lever la tête pour supplier de ses grands yeux mouillés le curieux qui l’observait. On la fixait depuis une mince fente, ouverte dans la porte blindée d’une pièce souterraine faiblement éclairée par une série de lampes à l’agonie. Novak referma le judas d’un coup sec avant de se tourner vers le général Tarkon. Accompagné de son technomancien, il mettait au point un protocole de sécurité pour leur prochain vol digne des pires transports de prisonniers ou de bêtes sauvages. Doublement des liens, cage de transport à renforcer et même tranquillisant et aiguillon électrique !

 Le lieutenant avait du mal à saisir comment ces colosses pouvaient seulement penser qu’une jeune femme d’à peine vingt ans serait en mesure de leur opposer la moindre résistance. Le seul épisode de Tarkon arrachant la tête du cyborg avait été suffisamment éloquent pour dissuader toute personne sensée de s’opposer à lui. L’imposant Martien sembla subitement se rappeler de la présence du simple humain.

 – Vous pouvez disposer, Lieutenant.

 – Bien, Général.

 – Votre contribution à cette opération fut capitale, sachez-le. Sans votre expertise du terrain et la discipline de vos hommes, l’objectif aurait sans doute pu s’enfuir avant que nous ne le coincions. Vous vous êtes également montré remarquable en guidant l’assaut dans les tunnels. Tout ceci sera notifié dans mon rapport final, soyez en assuré. Une belle carrière vous attend à Éminence.

 – C’est un honneur d’avoir servis sous vos ordres, Général, répondit simplement Novak en s’inclinant légèrement avant de s’éclipser.

 Le lieutenant sortit des geôles. Il leva la tête afin de contempler la timide lune se cachant partiellement derrière les montagnes assombries. Maintenant qu’il y pensait, ces cellules n’avaient pas dû servir depuis des années. Novak ne se souvenait même plus de la dernière fois qu’on y plaça un étranger capturé en mission. D’ordinaire, la politique des escadrons brillait de limpidité à ce sujet : aucun prisonnier. Alors pourquoi s’encombrer de cette jeune femme ? Et pourquoi la prendre elle et pas ce fameux Harbard, ou plutôt Woden de son vrai nom ? Maintenant qu’il était mort, comment retrouver cette arme qu’on l’avait envoyé retrouver ?

 Tarkon avait l’air de penser que la clé de l’affaire était cette gamine effrayée. Mais il n’en avait pas dit d’avantage au lieutenant, le laissant lui aussi de côté en refusant de partager toutes les informations en sa possession. « Une affaire pour l’Empereur en personne… », songea Novak. Avait-il un quelconque lien personnel avec cette Thalie ? Non, c’était invraisemblable. Dieu ne pouvait avoir de lien avec les simples mortels, fusse-t-il humain autrefois lui-même. Encore moins avec une sauvage.

 Novak se força à évacuer ces questions de son esprit. Il avait rempli sa mission avec la même assiduité qu’à son habitude, il était maintenant temps de passer à autre chose. Sa famille l’attendait à la maison et il avait un déménagement à préparer. Bientôt il quitterait ces montagnes pour rejoindre les Hauteurs, ces quartiers de la capitale réservés à une poignée de privilégiés. Une nouvelle vie, pour lui comme pour les siens, à qui il pourrait offrir le meilleur de ce monde.

 Car à l’évidence le meilleur du monde ne se trouvait pas ici. L’avant-poste de Vaduz, autrefois fourmillant de vie, avait perdu de sa superbe. Nombre de maisons abritant autrefois les soldats et leur famille restaient vide. Le matériel se faisait vieillissant, tout comme les officiers. Novak ne pourrait arpenter les forêts brumeuses toute sa vie et il avait mérité plus que n’importe quel bureaucrate de rejoindre les Hauteurs. Il savourait le calme du soir qu’apportait la semi-désertion de ce village fortifié, regrettant toutefois cette décrépitude qui courrait cette armée qu’il avait rejoins par conviction.

 Sa marche nocturne fut cependant l’occasion pour son esprit de le torturer avec plus de questions encore, mêlé au souvenir dérangeant du comportement extrême des Martiens. Des actes hérétiques de la part d’un technomancien approuvé par un général de l’Empire en personne. Cela sortait totalement de la logique, sans parler des valeurs de la Foi.

 Mais pour l’heure, le lieutenant Novak avait fini sa mission et sa journée. Ne restait qu’Elias, père de famille qui devrait sans doute faire preuve de moins de rigidité s’il comptait intégrer les services secrets où il en verrait sûrement beaucoup d’autres. Malgré son dégout prononcé pour la capitale et ce qui s’y tapissait, il prendrait sur lui, pour l’avenir de ses enfants.

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