15h35
Je me réveille en sursaut… Je regarde autour de moi, je cligne des yeux, il n’y a rien ! Plutôt, je ne vois rien. Mes yeux sont bien ouverts et pourtant je suis dans l’obscurité la plus totale. Je tourne la tête de tous les côtés. Je… je suis aveugle ! Moi qui ai toujours eu du mal à émerger, je me réveille d’un coup ! Je panique. Mon cerveau panique. Il ne comprend pas… J’écoute. Rien. Je ne perçois rien, pas même un murmure, un chuchotement, un bruissement d’aile ! Pourtant, je suis dehors : je sens un léger vent sur ma joue, l’odeur d’un lilas... Je me lève d’un bond et je tourne sur moi-même, je scrute les ténèbres, je tends l’oreille… tout est vide et silencieux. Je n’ose pas bouger. Mes oreilles bourdonnent, le silence est assourdissant.
Sans vue, sans ouïe, je ne parviens pas à m’orienter. J’ai tout à coup vraiment conscience de la moindre parcelle de mon corps. J’ai chaud. Des gouttes de transpiration commencent à perler sur mes tempes. Ma bouche s’assèche. Ma respiration est hâchée. Je m’accroupis et j’effleure au sol une sorte de tapis moelleux humide… et je retire prestement la main au contact de… d’une substance, molle, et collante ! Mon cerveau tourne à toute allure. Soudain, je me souviens : assis sous le cerisier, j’ai fermé les yeux quelques instants, j’ai dû m’assoupir. Il est simplement tard. Je souffle et souris de ma bêtise. Par réflexe, je jette un œil à mon poignet : 15h35. Cela ne peut être l’après-midi, on ne distingue absolument rien ! Je panique de nouveau. Puis je relâche mon souffle : la bonne nouvelle, c’est que je ne suis pas aveugle. Mais pourquoi n’y a-t-il aucune lumière, aucun son ? Je ne suis pas à l’aise. Je ne comprends pas. Je stresse et je ne sais pas pourquoi.
Soudain, je me fige ! Deux yeux jaunes avec des pupilles verticales me fixent, à quelques mètres de moi, au ras du sol. L’animal ne bouge pas, ne fait aucun bruit… moi non plus. Je déglutis… Je ne peux détacher mon regard de ces deux points lumineux. Une minute… deux minutes…
Puis, sans prévenir, la lumière revient, l’aube se lève en mode accéléré et je reconnais mon jardin. J’entends alors mon souffle se relâcher ; je n’avais pas conscience d’avoir retenu ma respiration ! Des gazouillis se font entendre, d’abord timides, puis l’air se remplit de chants d’oiseaux. De sa démarche souple, mon chat s’approche en miaulant doucement ; il vient se frotter à mes jambes, paupières closes, quémandant des caresses.
Le sang reflue dans mes veines, je respire de nouveau normalement, mon cerveau se remet en marche. Enfin, je comprends… je souris… c’était aujourd’hui… fichue éclipse…

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