— C’est l’histoire d’une fleur.

— Oh. Et d’où vient cette fleur ?

— D’une grande prairie, dans la montagne.

— Qu’a-t-elle de particulier ?

— Rien. Elle n’est pas spéciale.

— Pourtant, tu en parles.

— Oui, parce qu’elle m’a marqué.

— Oh. Alors, elle est spéciale pour toi.

— Je ne dirais pas spéciale. Juste que… c’est elle que j’ai regardé en premier, elle parmi toutes les autres dans cette prairie.

— Elle a bien quelque chose qui a attiré ton regard, non ?

— Non, pas vraiment. J’ai vu cette fleur, c’est tout, par hasard.

— Par hasard ?

— Le hasard fait bien les choses, non ?

— Les expressions ne justifient pas toujours tout. Parfois, il y a une raison.

— Alors je dirais que… c’est le destin.

— Le destin ?

— Je devais voir cette fleur-là et pas une autre, point !

— Si tu le dis… Et donc, « cette fleur », quelle est son histoire ?

— Cela fait longtemps qu’elle vit dans cette grande prairie, au milieu de toutes les autres fleurs. Seulement, elle se sent seule.

— Pourquoi se sent-elle seule ?

— Elle ne le sait pas. Elle se laisse bercer par le vent, réchauffer par le soleil, caresser par les animaux. Elle est bien entourée. Elle semble bien. Pourtant, elle est triste.

— Et du coup, elle se sent seule.

— Non ! C’est parce qu’elle se sent seule qu’elle est triste ! Suit un peu !

— Pardon…

— Je l’ai vu quand je l’ai regardé !

— Je te crois !... Que s’est-il passé ensuite ?

— Il y avait une petite fille dans la prairie. Elle venait pour la première fois. Elle a regardé la fleur et elle a compris. Elle a compris sa solitude, même si la fleur était au milieu d’autres fleurs. Elle a compris sa tristesse, même si la fleur ne pleurait pas. La fleur est triste parce qu’elle a l’impression qu’elle est la même fleur que les autres fleurs, qu’on la regarde de la même manière : trop vite et pas assez. Et du coup, tout au fond d’elle, elle se sent seule.

— Et qu’à fait la petite fille ?

— Elle s’est approchée de la fleur et elle lui a parlé. Elle lui a raconté sa journée, de là où elle vient, de sa nouvelle maison, de sa famille, de ses amis qui vivent très loin désormais, des endroits qu’elle connait. Tout à coup, alors que le vent se levait, la fleur s’est tournée vers la petite fille. Elle semblait heureuse et attentive. Elle souriait même.

— La fleur ?

— Oui ! Il était caché entre ses pétales, mais la petite fille voyait que la fleur souriait ! Et elle lui rendait son sourire. Elles ont passé un très bon moment ensemble ! Elles se sont parlé très longtemps ! Sauf que…

— Sauf que ?

— Le soleil a fini par se coucher. Il commençait à faire noir. La petite fille devait rentrer chez elle. Ce qu’elle a fait.

— Et la fleur ?

— Elle est restée dans la grande prairie. Mais la petite fille lui a promis de revenir la voir, tous les jours ! Enfin… si sa maman le veut bien.

— Eh bien… je suppose qu’elle serait d’accord, du moment que la petite fille ne rentre pas trop tard pour ne pas l’inquiéter.

— Elle lui promet ! Et… tu crois qu’elles vivront heureuses pour toujours ? La petite fille et la fleur ?

— C’est ton histoire, c’est toi qui décides comment elle va s’écrire. Mais si la petite fille prend soin de la fleur et que la fleur est toujours gentille avec la petite fille, alors oui. Elles vivront certainement de nombreuses aventures dans cette prairie.

— Oh oui ! Avec un ours, des aigles, une tempête et…

— Et le prochain chapitre sera pour demain ! Maintenant, il est temps d’aller dormir. Tu dois être en forme pour ton deuxième jour à l’école. Tu retrouveras ta fleur au terrain de jeu. Comment s’appelle-t-elle déjà ?

— Rose… Peut-elle venir demain à la maison ?

— Bien sûr. J’ai hâte de la rencontrer moi aussi.

— Merci ! Bonne nuit maman !

— Bonne nuit ma petite fleur…

© Luna Pie