Le Secret du Machu Picchu   2/2

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Dans l’œilleton argenté, d’autres images défilent à présent, plus énigmatiques, et auxquelles j’ai du mal à donner un sens. Tout à coup, je ne sais pourquoi, je ressens une excitation étrange, comme des papillons dans le ventre, mon cœur bat la chamade, j’ai le souffle court. Je comprends que je tiens quelque chose : dans le tube, les clichés d’une salle assez vaste — un caveau assurément — et des trous tout en longueur, de tailles différentes. Je ne distingue rien dans ces cavités, mais je le sais, j’en suis sûre, ce sont des tombes...

J’éloigne le kaléidoscope de mon œil et Maman remarque que je suis toute pâle. Je lui tends le cylindre, elle regarde dedans, mais bien sûr elle n’y observe que les habituels jeux de couleurs et de lumière provoqués par ses cristaux. Je n’en suis pas surprise : l’objet magique me parle à moi, rarement aux autres, et seulement en cas d’extrême nécessité.

J’explique alors ce que je viens de voir : le passage, la porte, derrière la porte, un escalier, et tout au bout, la grande salle, le caveau, et les tombes. Neuf au total, si j’ai bien compté. Maman fronce les sourcils, Papa est intrigué. Il s’approche du muret, commence à en caresser les pierres, tente de trouver une fente pour regarder à l’intérieur : rien. Un frisson me parcourt et je m’entends dire, d’une voix habitée, que le véritable secret du Machu Picchu est là, juste derrière cette porte. Papa observe encore, mais aucun orifice : les pavés sont parfaitement imbriqués. Il frappe doucement du poing contre la roche, pas de résonance, les murs sont trop épais.

Maman épluche son guide, elle cherche une information, une référence, un article qui parlerait d’une entrée dissimulée, d’une pièce interdite à la visite, mais elle ne trouve aucun renvoi. J’insiste, je répète que l’objet magique me désigne un élément important, j’évoque la phrase dans ma tête, cette autre façon que le kaléidoscope a de communiquer. Papa et Maman sont sceptiques, mais moi je le sais, je le sens, il y a ici un passage caché. Un trésor tout proche, que le cylindre d’argent m’indique clairement, mais qui n’a pas encore, de toute évidence, été révélé au monde entier. Derrière cette porte se tient, j’en suis sûre, un tombeau !

Au bout d’un moment, mes parents renoncent, et disent qu’il faut rentrer. Devant ma moue, Papa sourit. Il rappelle que ce n’est pas parce que j’ai eu raison au sujet de la colère d’Urubamba que je dois jouer les voyantes et imaginer des mystères partout. Le Machu Picchu étant l’un des sites archéologiques les plus étudiés et analysés depuis cent ans, il existe peu de chances pour qu’il ait encore des secrets à livrer ! J’insiste un peu puis je renonce, légèrement vexée de ne pas être suivie, surtout déçue que mes parents ne ressentent pas les mêmes choses que moi. Mais je ne peux pas leur en vouloir. Je le sais depuis que je suis en sa possession : l’objet magique m’ouvre à d’autres univers, à d’autres réalités...


Je n’ai pas percé le secret du Machu Picchu, mais je suis sûre de l’avoir approché. Au regard inquiet de Maman et aux mots sages de Papa, je reconnais avoir pris peur, j’ai compris que la mission était trop grande pour moi. Avec douceur, tous deux m’ont remise à ma place, ils m’ont rappelé que je ne suis qu’une enfant, et que mon kaléidoscope ressemble à un jouet... Mais les pouvoirs de ce dernier me dépassent, et je me demande parfois si ce n’est pas une bombe que j’ai entre les mains. Ou si le brocanteur ne me l’a pas vendu par erreur, car je ne suis pas sûre d’être à la hauteur de ce qu’il attend de moi.

J’ai tout de même compris une chose importante dans cette aventure : il reste de par le monde des énigmes à résoudre, de grands mystères à révéler et, contrairement à ce que je pensais, je ne suis peut-être pas née trop tard. Un jour je deviendrai, si je le souhaite — grâce à mon objet magique et à l’éveil qu’il me procure — l’héritière des explorateurs d’autrefois. Ma vie ressemblera à celle des hommes et des femmes qui ont fait avancer l’Histoire, les chercheurs de toujours, ceux dont les parcours continuent de me fasciner. Et si c’est ma mission, alors je reviendrai au Machu Picchu et je révélerai au monde son dernier secret.


Nota bene :

Peu de temps après avoir écrit cette histoire, j’ai eu la grande surprise d'apprendre que le secret du Machu Picchu existait réellement... Un touriste français a en effet repéré, en 2010, une porte cachée sur le site du Machu Picchu, une porte scellée depuis des siècles, sans doute par les Incas eux-mêmes.
Il l’a signalée aux archéologues, convaincu qu’une partie inexplorée de la citadelle se trouvait derrière, mais sans véritable succès. Par la suite, une équipe de recherche française a procédé à des mesures qui ont révélé la présence quasi certaine d’une cavité souterraine, peut-être une crypte, au cœur même de la cité. Pour des raisons assez obscures, ces recherches ont été suspendues et, treize ans plus tard, la porte n’a toujours pas été ouverte ! Les spécialistes français pensent avoir approché un site funéraire d’une grande importance, sans doute celui de l’Empereur Pachacútec lui-même et de toute sa lignée, mais tout reste encore à explorer et à prouver.

J’ai essayé de réécrire mon histoire à la lumière de ces informations, puis j’y ai renoncé... Après tout, n’est-ce pas la magie du kaléidoscope qui l’a inspirée ;-) ?

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