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Ce matin, je déambule dans les rues des Saintes Maries de la Mer comme si j'y pénétrais pour la première fois.

Ma connaissance de la ville semble s'être évaporée laissant les belles choses se révéler à mes pupilles ébahies et autoriser chaque splendeur à renaître sous un regard neuf. Le parfum des pins et du romarin inonde mes narines alors que le jacassement des pies s'insinue dans l'intense et infernal chant des cigales, quant au vent, chaud, il vient déposer sur mes lèvres une caresse salée, inévitable.

À côté du Carrousel qui s’impatiente de l’arrivée des marmots estivants, la majestueuse statue du taureau semble défier les arènes. L’animal rebelle me domine de sa fierté quand ses congénères négligent leur vulnérabilité, qui les conduira hors de l'arène dans un silence de mort, traînés par l'arrastre (1), avec leurs pattes qui tenteront d’effacer une amer traînée rouge, imprégnée dans le ruedo (2). Mais jusqu’à sa dernière heure, la bête aura été la fierté des gardians, entraînée et présentée comme une star de sa manade. Aucun animal élevé pour sa viande ne peut se prévaloir d'autant de prérogatives et d'admiration le temps de sa courte vie !

Ébloui par un soleil déjà haut dans le ciel, je quitte le front de mer. Seuls quelques camping-cars de retraités grappillent l'espace dans les rues étroites de la ville. Pour gagner un peu de fraîcheur, je me dirige vers Notre Dame, où, tel un touriste, je m'arrête un instant sur les dalles lustrées du parvis de la cathédrale, hésitant à entrer pour saluer Sara la noire.

— Donne-moi ta main ! s'impose dans mon dos, une voix au fort accent gardois.

Je n'y crois pas. Voilà qu'une gitane à la peau tannée m'entraîne contre les murs de l'église et entame son baratin.

Amusé, je la laisse me prédire un avenir qu'elle dessine pour moi. Et cette bavarde, habituée à composer des histoires aussi louables qu'envoûtantes, éveille mes sens. Je la questionne et elle me fait signe qu'il faudrait que j'aligne un petit billet, le prix d'une messe serait idéal.

Naïf, je souris à l'exhortation et à l'habileté de la demande.

Je lui tends vingt euros qui disparaissent aussitôt sous les châles de ma fabuleuse narratrice. Satisfaite, elle poursuit son intrigue pour m'appâter encore et m'inciter à lui céder mes derniers billets. J'ai beau connaître le principe, je me laisse emporter par ses poétiques boniments.

Soudain, sa parole ralentit et elle fait mine de percevoir quelque chose de spécial. Son regard perçant me jauge s'assurant d'avoir ferré sa prise. Ce serait mérité de lui décerner l'Oscar de la meilleure actrice inconnue !

— Le grand amour ! me dit-elle avec des trémolos dans la voix. Celui que peu de gens rencontre. Seulement quelques "élus" ont la chance de bénéficier de ce miracle dans leur vie. Toi, tu es l'Elu. Va chercher ton grand amour. Va sur les pyramides. Pars... Aujourd'hui !

A ces mots, je manque éclater de rire. Les pyramides ! rien que ça… Elle y va fort quand même, pensè-je en moi-même. Mais la pythie insiste et ses yeux planent au loin comme si elle croyait elle-même à l'histoire qu'elle raconte.

— La lettre C, ça te parle, mon petit ?

— Euh, c'est la troisième lettre de l'alphabet... répondis-je bêtement et un peu hilare, un sourire niais sur les lèvres.

J'aime entendre les mots doux qu'elle me chuchote comme s'il s'agissait d'un secret d'État. Son bel accent chantant me berce doucement, m'envoûte, m'hypnotise presque.

— C'est une jolie brune, un peu étrange... insiste la vieille femme d'une voix soudain dépouillée de son accent aux mélodieuses sonorités.

Le ton de sa dernière phrase semble venu des tréfonds de la terre et me glace le sang. La résonnance de sa voix pique ma curiosité et je tourne les yeux vers elle pour découvrir que ses pupilles ont disparu pour laisser place à une teinte noirâtre recouvrant toute la surface de son œil. Je me serais enfui si elle n'avait pas été agrippée à mon bras.

— Tu dois partir mon garçon, insiste-t-elle de ce ton qui s'impose à moi comme une mise en demeure. Pars ! Sans attendre. Pars au pays des pyramides...

Alors que sa voix résonne encore de cette assignation à quitter le pays, ses yeux toujours anormalement teintés, elle accroche à mon t-shirt une breloque en fer blanc. Puis ses doigts enserrent mon bras d'une pression étonnante pendant que son regard s'abîme dans des brumes redoutables et lointaines.

Bouleversé par ce qu'il vient de se passer, je me sens comme un enfant qui aurait pris une paire de gifles, honteux et un peu ridicule. Mais avec une indicible impression d'être la marionnette de quelque chose que je ne maîtrise pas.

J'entre dans Notre Dame par la petite porte latérale et m'assois sur les premières chaises. La faible lumière de l'intérieur me donne l'impression d'être protégé. Là, le temps est arrêté, le calme du lieu me réconforte. Assis parmi les quelques bigotes agenouillées, j'éprouve toujours cette sensation étrange de ne plus rien contrôler. Avec cette phrase qui tourne en boucle dans ma tête "pars au pays des pyramides".

Cinq heures du matin. Port Saïd.

Depuis le pont du bateau, je m’émerveille du lever de soleil sur la Méditerranée.

Quelques traînées de brumes orange, jaunes et blanches strient l'énorme boule de feu rougeoyante qui inonde l'horizon.

Les manœuvres d'accostage terminées, je quitte le paquebot avec quelques dizaines de passagers. À peine je pose un pied sur ce continent, que la terre sèche et légère comme de la poussière, virevolte autour de moi dans un nuage dansant et guide mes pas vers un vieux véhicule, surement réformé d’un pays Européen, qui va me conduire à Al-Qāhira, « La Victorieuse », la plus grande ville d'Egypte avec ses seize millions d'habitants.

A l’intérieur la température est déjà très élevée, et la clim qui ronronne doucement ne parvient pas à rafraîchir cette atmosphère moite. Escortés par des jeeps remplies de gardes armés, la guimbarde nous brinquebale sur les routes mal entretenues. Je laisse mon regard flotter sur les paysages arides et je m'interroge encore sur ce qui m'a poussé à faire ce voyage. Pourquoi avoir suivi les conseils de cette diseuse de bonne aventure ? Je me souviens comment elle m'avait pris la main et m'avait annoncé le grand amour. Celui avec un grand A. Je ne comprends toujours pas à quelle force inconnue je dois ma présence ici.

Le Caire. Déjà trente-cinq degrés, et il n'est pas huit heures.

Nous longeons un instant le Nil puis franchissons le fleuve nourricier pour rejoindre la rive ouest et venir se stopper sur les parkings où les chapelets de bus déversent leurs touristes.

A la descente, la lumière éblouissante m'aveugle et la fournaise est accablante. Ici, le soleil est encore plus présent que n'importe où ailleurs, sûrement un clin d'œil à Râ…

Face à nous, le spectacle des grandes pyramides me laisse sans voix. Immenses, monumentales, elles semblent nous narguer depuis leur grand âge. Je lève les yeux sur leur sommet qui se fond dans un ciel brouillé par la poussière et la pollution.

Le site fourmille de sentinelles qui patrouillent et se mêlent aux vendeurs ambulants. Depuis le massacre de Louxor dans la vallée des Rois, tous les sites archéologiques sont sous surveillance, ça rassure les visiteurs…

Les marchands s’affairent à proposer leurs babioles aux nuées de passagers tout juste débarqués. Je suis parmi eux mais je me sens tellement différent. J'achète un imamah (3) pour me protéger du soleil et de la poussière et sans attendre, m'en entoure la tête. Je reproduis les gestes ancestraux pour que ce morceau de tissu me garde au frais, mais alors que je n'avais jamais mis les pieds dans ce pays, mes mouvements sont précis comme si je les avais exécutés mille fois.

Les deux monuments dressés à plus de cent trente mètres de haut me toisent, tels de grandioses géants. Je m’éclipse de la surveillance des troupes en arme, laissant sur ma droite la Barque Solaire et la foule de photographes qui plient sous le poids du Canon vissé à leur estomac. Je contourne Khéops d'un pas assuré et m'aventure sur la façade ouest, déserte.

Immédiatement, j'escalade la première rangée de blocs de pierres. Perché sur l'une des sept merveilles du monde, la première, mais aussi la dernière à être encore debout, je me demande comment, il y a quatre mille ans, des hommes aux mains nues ont su empiler ces cubes de granit de plusieurs tonnes.

Malgré cette chaleur étouffante, je grimpe vite. Je suis en nage et mes vêtements me collent à la peau. Je ne comprends pas d'où me vient cette force incroyable qui me permet de gravir ces blocs de pierre de plus d'un mètre de haut, moi qui ne suis pas un sportif émérite.

Au bout de quelques heures à m'activer sur ces gradins antiques, j'atteins enfin le niveau recherché. En dessous de moi, les touristes minuscules ressemblent à des fourmis.

Posté à plus de quatre-vingt mètres du sol, le vertige me gagne. Je me plaque contre la muraille pour ne pas m'écrouler et longe la pyramide jusqu'à l'angle nord Est. J'ai trouvé ce qui me réclamait, ce qui m'attirait : la fameuse encoche ! Elle est là, à deux pas devant moi.

Soulagé, je m'accroupis pour ne pas être vu ; grimper sur les pyramides est formellement interdit ! Si je suis pris, il sera difficile d'expliquer mon geste.

Je profite un instant de cette situation qui m'offre une vue exceptionnelle sur Le Caire. La ville s'étale à mes pieds et je ressens en moi la force de ces monstres de pierres. Loin des fabuleux clichés des cartes postales qui montrent les pyramides entourées de sable fin, la réalité est tout autre. Les bas quartiers se sont déployés et lèchent maintenant ce site privilégié.

La vision de ces six mille ans d'histoire qui se juxtaposent à notre XXIè siècle me laisse coi quand je constate que le sol est recouvert de détritus. La tristesse me submerge car je sais que jamais cette terre, où les précipitations sont si faibles que l'eau y est un élément précieux, ne pourra décomposer ces témoignages crasseux de notre civilisation soi-disant moderne.

Alors que mon regard survole l'immensité désertique, une femme se tient à mes côtés. Elle est apparue comme par magie. Je ne sais pas d'où elle vient. Elle me dévisage et sans un mot, s'agenouille et entreprend de délacer mes chaussures, avant de vider sur mes pieds nus une huile précieuse au parfum envoûtant. Médusé, un peu ailleurs, je la regarde faire, pendant que son œil noir me jauge. La réminiscence de la gardoise des Saintes s'infiltre brièvement dans mes pensées.

Sans un mot, la femme se redresse et enfonce le bouchon de son flacon vide dans l'entaille d'un des blocs de pierre. La paroi s'ébranle dans un léger frottement, s'anime et coulisse pour dégager l'accès à un étroit couloir obscur.

D'un geste du menton, elle me fait signe d'entrer dans la galerie sombre qui vient d'apparaître. Je me penche à l'intérieur, mais tout est noir. Prêt à réfuter l'ordre de la vieille, la cavité semble reprendre vie et expire un souffle qui illumine soudain le boyau.

Alors j'obéis comme s'il s'agissait du devoir de ma vie et m'engouffre dans le passage exigu, qui m'avale avec difficulté. Mon instinct m'oriente dans les entrailles de ce joyau et les coursives du labyrinthe défilent à une vitesse folle. J'évite tout juste un puits et tourne à angle droit dans un conduit qui se rétrécit tant que mes épaules en frôlent les parois.

Ce dernier couloir débouche dans une vaste chambre aux murs recouverts de signes colorés. Là, sur un socle central, repose une sorte de coffre de granit fermé par une épaisse chape sculptée de hiéroglyphes.

Je souffle sur la poussière et les fines particules millénaires s'envolent dans une pluie scintillante, féérique. De mon doigt, je suis les signes comme si je les décryptais parfaitement. Je me sens comme le fils spirituel de Champollion. Le dessin d'un bec crochu retient mon attention et de la main je libère l'animal de sa délicate couverture séculaire.

C'est alors que très lentement le caisson s’éveille. Le couvercle s'ébranle et pivote jusqu’à ce qu’un murmure s’en échappe, comme s’il reprenait sa respiration.

Stupéfait et ému, c'est en explorateur comblé que je me penche au-dessus du coffre. Béat, je contemple le sarcophage de bois précieux, recouvert d'or et de pierreries qui se trouve à l’intérieur. Mes mains fébriles et maladroites époussettent le masque. Hypnotisé par sa beauté, je m'en approche si près que l'uraeus (4) situé sur le front, se réveille et sans que je puisse réagir, vient se lover à l'intérieur de ma bouche… Je crois perdre connaissance…

C'est alors que tout s'éclaire autour de moi. La pénombre du caveau laisse place à une luminosité blafarde et je me trouve au milieu d'une foule mouvante qui chuchote. Puis, un silence de mort accueille celle que tout le monde semble attendre. Droite comme un i, elle avance avec son port de tête royal, autorisant seulement ses yeux, exagérément maquillés, à se tourner à droite et à gauche.

La pièce de théâtre irréelle dans laquelle je me croyais se révèle être d'une telle véracité que je comprends que je viens d'être projeté plus de 2000 ans en arrière, au centre d'un des couronnements les plus importants de la civilisation Égyptienne.

La vision du corps de cette déesse-femme sous sa tunique paralyse mon regard. La mise en valeur du corps féminin n'est pas l'apanage des créateurs de notre siècle, car le tissu qui entoure ses hanches comme des écailles, imite les ailes d'un vautour et redessine ses formes généreuses d'où se détache une taille exagérément fine. Une croix de la vie accrochée à sa ceinture complète sa tenue. Et cette future reine tient dans sa main gauche le flagellum (5) et dans la droite le héka (6).

Installé au premier rang, je comprends que je suis le témoin d'un moment historique important. Et alors que j'avais la sensation d'être invisible, la femme brune se dirige vers moi. Elle se stoppe à ma hauteur, me dévisage et son regard imposant m’enjoint de saisir son héka. Je m’exécute d’un geste novice, puis elle empoigne mon autre main. Je ne suis plus seulement l'observateur choisi, mais partie prenante de ce moment de l'histoire des pharaons. Mon cœur tape comme s'il voulait s'évader de sa cage. Mais il n'y a pas d'échappatoire, je suis maintenant acteur de cette pièce improbable.

Cette femme tient ma main dans la sienne comme elle tiendrait celle d'un enfant. J'en perçois une douce chaleur, réconfortante. Ensemble, nous remontons lentement l'allée centrale pour rejoindre son père, sous les regards d'un peuple loyal qui nous vénère déjà.

Je sais maintenant pourquoi je suis là. Elle est la femme de ma vie. Elle est d'une dignité époustouflante, d'une magnificence rare, unique, incroyable. Je me sens minable à son bras. Mais, moi, Jérémy des Saintes Maries de la Mer, je tiens dans ma main droite le symbole du pouvoir des pharaons.

Devant l'assemblée qui retient sa respiration, Ptolémée XII dépose sur la tête de sa fille une couronne en or figurant un lys aquatique duquel un serpent de pierres précieuses émerge du calice de la fleur.

Je comprends parfaitement les mots qu’il prononce. La langue chamito-sémitique n'a aucun secret pour moi et je sens mes lèvres qui articulent les syllabes. Je suis aux premières loges du couronnement de cette femme que je connais depuis toujours. Cette femme pour qui j'ai un amour infini, inconditionnel.

Enfin, nous quittons la cérémonie et elle m'entraîne dans ses appartements. Dans une gigantesque pièce, où des voiles irisés agencent l'espace, elle s'arrête face à un bassin rempli d'une eau blanche et opaque. Nous nous dévisageons sans nous lâcher la main et à cet instant je comprends ma présence ici. Cette femme est l'incarnation vivante de la beauté, de la jeunesse et de la grâce. Le grand amour. C’est pour elle que j’ai entrepris ce voyage.

Des servantes accourent et me sortent de ma rêverie. Elles me débarrassent de mes ornements puis, d'un geste délicat, tirent sur une bretelle de la robe de cérémonie de la reine. Le tissu s'entasse à ses pieds dans un bruissement soyeux. Totalement nue, elle me sourit et ses yeux m'invitent à entrer dans le bain avec elle.

J'étouffe. J'éructe et je crache sur le sol. Je suis penché au-dessus d'un sarcophage. Agenouillé, épuisé, vidé, je sens la transpiration qui coule sur mes tempes, comme rescapé d'un effrayant cauchemar. Les yeux exorbités, je regarde autour de moi. L'évidence se fait jour, comme par magie je suis de retour dans la chambre souterraine au centre de la pyramide. Je reprends mes esprits et découvre ce qui m'entoure : les outils, les paniers désagrégés, dans lesquels devaient se trouver les offrandes et les mets destinés au pharaon pour traverser le royaume des morts. A côté des vases Nou (7), j'aperçois sans doute des ustensiles de toilette, des miroirs et des brosses. Je suis accroupi dans ce tombeau que tous les égyptologues du monde recherchent depuis des décennies et je n'en tire aucune gloire. Peu m'importe. La seule chose qui m'intéresse c'est de rejoindre le spectacle dans lequel je peux, par un miracle inouï, m'inviter dans la peau de l'amant de cette femme éblouissante.

Alors, j'approche à nouveau ma bouche entrouverte au-dessus du masque mortuaire pour que le serpent s'engouffre dans le fond de ma gorge, jusqu'à m'étouffer…

Des mains douces caressent mes épaules. C'est elle. La magie du voyage dans le temps s'est opérée de nouveau.

Elle vient coller sa bouche sur la mienne. Mon corps réagit immédiatement à ce contact charnel. Allongé dans ce lit à côté de cette impétueuse reine, j'ai tant de mal à croire ce que je vis que je me pince le bras. Ses yeux s'étonnent de mon geste, puis elle sourit et dans un mouvement gracieux se redresse et vient s'asseoir sur moi jusqu'à ce que nos corps s'épousent et que l'extase nous emporte.

Blottie dans mes bras, cette femme forte et fragile me révèle ses faiblesses. La jeune reine me confie ses peurs, les coutumes terribles des pharaons, ses suspicions quant au projet de son frère de vouloir la faire assassiner. Cette femme fière veut préserver son royaume des vues de ses voisins et être la favorite de César est une aide précieuse, même si cela suppose que le monde voit en elle une catin.

Moi, improbable confident de cette déesse majestueuse qui règne sur tout le peuple Égyptien, je reste suspendu à ses lèvres, et suis le plus heureux des hommes.

L'espace d'une seconde, la vision d'une vieille bohémienne, une voleuse de poules, qui m'avait prédit le grand amour apparaît comme un mirage et brouille mon esprit quelques secondes. Chassant l'illusion d’un battement de paupière, je resserre mon bras autour du corps de mon amoureuse qui dort, paisible.

Près du lit, une coupe déborde de fruits mûrs aux couleurs chatoyantes et aux parfums d'été. Je salive de les voir. J'en imagine leur chair juteuse me couler dans la gorge. Je tends la main pour saisir les grains noirs d'une grosse grappe.

Une tête fine se faufile parmi les pêches et les figues. Sa langue vive entre et sort comme pour guider son chemin. Mes doigts détachent quelques gros raisins lorsqu'une frappe puissante s'abat sur le dessus de ma main. Des crocs acérés se sont plantés et ont injecté leur fiel mortel. Immédiatement, mais bien trop tard, je retire ma main et retiens un râle pour ne pas réveiller mon aimée endormie. Déjà, la toxine irradie dans mon bras et me paralyse.

La vipère au venin mortel a inoculé son poison. Pourtant, je ne regrette rien. Je sais maintenant pourquoi j'ai fait ce voyage. C'est pour Elle que je suis venu.

La Gardoise avait raison, je suis un élu et en mourant je sauve Cléopâtre.

* - * FIN * - *

(1) train de mules qui entraîne la dépouille du taureau hors de l'arène

(2) piste couverte de sable dans l'arène

(3) long morceau de tissu qui sert à se protéger du soleil et des tempêtes de sable.

(4) cobra femelle

(5) sceptre en forme de fouet à triple lanière

(6) sceptre en forme de crochet

(7) vase rond destiné à contenir des offrandes

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