L'invocation païenne
La procession s’avançait dans la forêt. Il était tôt. La rosée brillait sur les feuilles. Certains des assistants, portant de grands récipients de terre cuite, entreprirent de récolter l’eau de l’aube. Ils restèrent sous les frondaisons pendant que les autres pèlerins poursuivirent leurs chemins.
Après quelques minutes, ils s’arrêtèrent à la pierre dressée de la clairière aux fées. Une prêtresse s’approcha, psalmodiant des prières aux esprits qui les entouraient. Ils demandaient la paix et l’amitié pour cette journée importante. Un cerf blanc apparut. Ses yeux doux détaillèrent un à un les membres de l’assemblée. Puis, en deux bonds, il s’éloigna dans les fourrés. Le présage était bon. La maîtresse de cérémonie se frotta le ventre contre le menhir et s’éloigna. Chacun à son tour, les participants touchèrent la pierre avant de repartir.
La sablière, perdue en plein milieu des bois, les vit apparaitre bientôt. Plusieurs petits groupes se formèrent. Les uns s’éparpillèrent pour chercher du bois sec, les autres se changèrent et revêtirent des vêtements faits de longs voiles blancs, d’autres montèrent un mât de misaine d’où pendait une multitude de rubans. D’autres mirent en place les mets qu’ils avaient apportés. Enfin, les derniers sortaient et accordaient leurs instruments de musique : violes, tambours et tambourins, flûtes doubles, lyres et harpes, vièles à archet.
La journée était joyeuse et festive. Elle devait éloigner toute la tristesse, les pensées négatives et les mauvais esprits. Les danses se succédaient, les chants résonnaient dans les arbres, le vin coulait dans les gosiers et les viandes remplissaient les estomacs.
Au crépuscule, le bûcher fut installé, les flammes s’élançaient jusqu’au ciel. Après quelques temps, les danseuses et la prêtresse s’enduisirent la peau de cendres. À la mort des dernières lueurs du soleil, la cérémonie commença. Les assistants qui ne dansaient pas chantaient les hymnes liturgiques en rythme avec la musique, plus lancinante. Seules les voyelles sacrées sortaient des gorges. Les danseuses s’installèrent autour du bûcher, des couronnes de fleurs fraîches ornant leurs chevelures. Elle se disposèrent en cercle autour des flammes en se tenant la main. Leurs doigts joints s’élevèrent vers le ciel, descendirent vers le sable de la terre sainte.
Puis elles se lâchèrent les mains et commencèrent à danser dans des mouvements de plus en plus désordonnés. La prêtresse leur faisait respirer les senteurs interdites des plantes bénites. La musique se faisait de plus en plus monotones, de plus en plus fortes, de plus en plus hallucinantes. La maîtresse de cérémonie prit la rosée puis en aspergea les participantes. Alors la première danseuse tomba au sol, en transe, parcourue de mouvements convulsifs. Un deuxième chuta à son tour puis une troisième. Peu à peu, toutes s’écroulèrent. La prêtresse s’adressa alors aux dieux :
— Écoutez ma prière, mes seigneurs ! Le rituel est accompli. Nous venons humblement demander vos conseils et votre aide. S’il vous plait, donnez-nous accès à la connaissance universelle !
Elle psalmodia d’autres paroles rituelles puis le même cerf blanc approcha le cercle. Sans peur aucune, il mis les pattes dans le brasier et s’immola. Lorsque le bûcher s’éteignit, son corps s’était totalement consumé. Les croyants virent que les dieux, taquins, avaient accédé à leur requête. Au milieu des cendres et des braises, trônait un ordinateur avec un petit papier.
« il ne vous reste plus qu’à découvrir l’électricité et vous pourrez vous connecter à Internet. Bon courage.»
Les participants se regardèrent en ce demandant ce qu’était cet objet étrange et ces nouveaux signes cabalistiques.
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