Les voix du sommeil

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Pardon, j'ai essayé de rentrer dans le moule ! Mais lémoulémoi...
Du coups mister Peace porte bien mal son nom, parce que l'histoire s'est construite autour de l'évènement "il se réveille à midi" et pas sur la construction de son esprit, néanmoins, on se promène dans sa tête, un temps et dans une histoire... Si vous supportez le hors cadre, bienvenus dans mes délires.

Hors ça donc, il est :

Midi.  

 Une impulsion d’adrénaline et me voilà les yeux grand ouverts, comme hier, comme avant-hier et encore le jour d’avant… Depuis quand, au juste ?
Les autres phénomènes ne m’aident pas. Je ne m’explique pas plus ces réveils à midi que mes endormissements à minuit, l’heure où mon cerveau se met en off et où, terminé, il n’y a plus personne. Minuit précise, vous pouvez régler vos pendules. Depuis quand au juste ?

 J’imagine que je peux dater ça quand Jacques m’a dégagé…
 Ha ben non, du coup ! J’étais en arrêt depuis six mois :

 « Un poste aménagé ? T’as plus la lumière partout mon vieux ! Qu’est-ce qu’on fait, on lève le pain en journée et Maryse le vend la nuit ? Non Elvin, ch’uis désolé mon pote, je peux pas te garder ! »

 Je ne t’en veux pas Jacques, ça fait chier, mais ne je t’en veux pas.

 Léna en revanche… Dans la peine et la douleur...Tu parles.
 Tu es partie si vite ! À bien y réfléchir, tu ne m’aimais plus beaucoup j’imagine. Je sais bien que ça t’a fichu la trouille et je comprends, je me rappelle la première vidéo. Mais c’est à moi que ça arrive ! J’ai infiniment plus de raisons que toi d’être terrifié !
 Et Maintenant que tu t’es enfuie, je n’ai personne avec qui parler. Et j’en ai fini avec le grand tour des toubibs, des psys et de tous ces « bioparacosmiquekinesésiologues ». Je continue quand même à me filmer pendant ces tranches de coma bizarres.

 Des « comas » c’est ce qu’en dit le docteur Germain. Il était surexité :

 « Je n’ai jamais vu ça ! Un état de conscience à peine perceptible, proche le la lecture de l’encéphal. d’un sujet dans le coma… Mais ce que personne ne s’explique, c’est que vous parlez, monsieur, vous parlez pendant cette phase ! Et pourtant, aucun signe sur les courbes ! Quant à vous réveiller, j’y renonce pour le moment, la seule chose que je n’ai pas osé tenter, c’est une injection cardiaque d’adrénaline. »

Encore heureux !  
 Et ça me fait une belle jambe, qu’il n’y comprenne rien. Il n’a pas épargné ses efforts, je ne peux rien lui reprocher : il a tellement d’enregistrements de mon cerveau comateux qu’il m’a probablement alloué un serveur. Et puis tous ses potes neurologues, psychiatres et autres spécialistes du cigare, sans parler, des kinésiologues, hypnologues et même un curé ! qui ont défilé dans ma chambre non mais sans blague !
 J’ai bien fait de me barrer en douce, je pense qu’ils auraient fini par me mettre dans une cage.


 Mais c’est pas là que je suis en vérité ? Dans une cage ? Plus de nana, plus de vie professionnelle, l’angoisse à l’approche de minuit, la colère du réveil et toutes ces conneries que je raconte en boucle la nuit…
 Je n’ai rien d’un mystique : huit heures de taf, un petit sprint pour garder la forme, un match Kenny Omega et on plie la journée. Tu me mets une bière et des chips à portée de main et je suis heureux comme un oiseau dans un sac de graines.
 Là, je suis complètement impuissant et je ne connais pas l'issue.

 Le film de ce matin et pareil aux autres : minuit plus personne, blabla pendant deux heures, silence, à sept heures la petite phrase qui tue et à midi, le revoilà !
 Je n'essaye même plus de rester éveillé, j’en ai marre de me retrouver en tas n’importe où avec des bosses ou des bleus.
  Somnifères, alcool, shit, à seize ans ça me faisait dormir, ça ne marche pas : ne peux plus m’endormir avant minuit, pas plus que rester éveillé. C'est le même scénario toutes les nuits !

 Minuit : « Tout est lié, tous sommes liés, reliés, impermanents et sans fins. Elle nous appelle, dans tout nos corps de tous les temps, le moment est proche où nous la rejoindrons. La conscience appelle, c’est fini, elle sait et doit rejoindre les autres. Réjouissons-nous et partageons ce message, nous partons en voyage. »
 « Tout est lié, tous sommes liés, reliés, impermanents et sans fins. Elle nous appelle, dans tout nos corps de tous les temps, le moment est proche où nous la rejoindrons….»
 « Tout est lié... »


 Sept heures : « L’apocalypse s’appelle la migration, ça commence maintenant.»
 Rien de neuf ! Quel ramassis !


*


Xi’an dix-sept heures. .


 À l’hôpital de la ville, Hui récite en boucle depuis une heure :  
« Yīqiè dōu shì liánxì zài yīqǐ de, yīqiè dōu shì liánxì zài yīqǐ de, liánjiēzhe de, wúcháng de, méiyǒu jìntóu de. Tā yīzhí zài wǒmen suǒyǒu de shēntǐ lǐ hūhuàn wǒmen, wǒmen jiārù tā de shíjiān línjìnle. Liángxīn hūhuàn, tā jiéshùle, tā zhīdào bìngqiě bìxū jiārù qítā rén. Huānxīn gǔwǔ bìng fēnxiǎng zhège xìnxī, wǒmen zhèngzài tà shàng lǚchéng.

 Cela fait quinze jours que les faits sont les mêmes : endormissement et réveil sans transition, cerveau inactif, mais locution incessante pendant deux heures, suivie d’une longue pause jusque minuit :

 «Qǐshì lù chēng wèi qiānyí, tā xiànzài kāishǐ»

 Elle est dans une chambre, à l’isolement, couverte de capteurs. Elle est le centre de d’attention de six chercheurs en médecine et neurosciences et, pour la première fois, d’un boudhiste encadré par deux hommes détachés de la commission militaire centrale.

 Quand elle est éveillée, les tests continuent, elle n’a toujours pas pu voir sa fille.

Alconétar ving-trois heures.


 Ricardo s’endort devant la télé. C’est la quatrième fois cette semaine. Alors il est probable qu'il se réveillera à onze heure du matin avec une gueule de bois terrible. Mais personne ne pourra lui raconter qu'il parle en dormant.

 Son fils est mort depuis un an et demi. Fernanda est dans un centre psychiatrique. Ricardo n’a pas la force d’affronter la vie sans eux.

 Il n’a pas remarqué ses endormissement brutaux de ces quatre derniers jours. Avec l’alcool c’est souvent comme ça. En revanche, il est soulagé de ne s’éveiller qu’à onze heures précise, tous les matins ; ça fait de moins longues journées pour une homme qui ne les désire pas.
 Depuis quatre mois à environ, depuis l’anniversaire de son fils, il s’anesthésie et vide son premier litre de vin après un semblant de déjeuner, son seul apport de nourriture.

Brighton minuit


 Gerry s’est couché il y a quelques minutes. Il ne sait plus quand ça a commencé, depuis quelques temps, impossible de fermer l’oeil avant minuit. Il est un peu inquiet, mais sa boîte doit tourner et les commandes pour les valves de régulations sont en hausse constantes.
 Drôle de patron qui ne peut pas se lever avant midi. Il suppose que le surmenage à conduit son corps à une forme de narcolepsie et qu’il l’oblige ainsi à récupérer. Il n’empêche : ça fait pas sérieux.  
 Gerry n’a pas le temps de consulter ; de toute façon, il est en bonne santé. Et tant pis s’il doit travailler le soir. Finalement, ça ne dérange personne, il vit seul et il décide de son emploi du temps. Pour les rendez-vous, il a trouvé une excuse : visioconférence de formation, remise à niveau en physique et mécanique des fluides. Il n’est donc plus disponible avant treize heure.

Wittemberg une heure du matin


 Un an que Thelma est dans l’impossibilité de s’endormir avant une heure du matin ! La guigne ! ça a commencé au début de sa ménopause. Toutes ses copines du super-marché le lui ont dit : « Tu ne domiras plus jamais pareil ! »
 L’ironie de cette déclaration ne lui a pas échappé, elle ne dort plus comme avant, certes ! Mais depuis douze mois, elle dort exactement pareil. Andreas n’en peut plus : il campe au salon. Il l’exhorte à aller voir le médecin.
 Elle rechigne :
 « C’est la ménaupose, que veux-tu qu’il y fasse !
— Et les délires de la nuit ? C’est la ménopause ? Si tu deviens cinglée, je ne pourrais pas t’aider ! »
 Andreas à raison, mais elle fait l’autruche et s'arrange de ses nouvelles contraintes. Son chef est au courant et comme son travail est en contrat à temps partiel, il s’est arrangé. Il espère qu’elle le lui rendra : il est amoureux.


*


 Putain ! Trappe à la même ! Il dort comme moi !

 Il a une drôle de gueule depuis la semaine dernière, je l’aime bien Trappe ! Je suis content qu’il ne soit pas malade mais j’aurais préféré !
 J’ai vraiment la trouille maintenant ! Si ça se trouve, on n’est pas tout seul.. D’ailleurs c’est sûr : pour que deux mecs dans cette ville aient les mêmes spymtômes bizarres, il faut qu’on soit un paquet à délirer la nuit !

Trappe est allé à l’hôpital, il m’a appelé.
Germain aussi.
Non m’ssieur ! Je ne veux pas refaire une prise de sang ! Il a beau me parler de virus, de nanoparticules et de toutes sortes de conneries. J’ai pas envie d’être leur rat de laboratoire. Trappe fait ce qu’il veut, je sais qu’ils ne trouveront pas. Ils sont largués !


*


 C’était que le début et je faisais surement parmi des premiers.
 On dirait que ça s’accélère. Plus personne n’est pris en charge par les services sanitaires.
 Il a fini par rentrer chez lui, Trappe, comme les autres.
 La nuit, lui aussi déblatère mais il ne dit pas la même chose que moi. D’ailleurs le dernier rescensement "des voix du sommeil" déclinent carrément un truc qui touche aux religions.
  Enfin, il me semble.


 Je ne suis plus le seul à crever de peur : la population mondiale est concernée.
 Les gouvernements s’affolent : ça devient de plus en plus dangereux. Les fous sont sortis de l’asile, c’est dingue !
  Quand les comas surviennent, personne ne peut les anticiper. Les gens qui travaillent n’ont pas que des boulots statiques. Je suis sûr qu'ils n'enterrent plus les morts
  Suicides, guerres, ils sont innombrables ceux qui pètent les plombs !
 Et ces accidents partout, souvent graves : avions, trains, hôpitaux, entreprises, docks, métros, circulation sur route, industrie, les gens s'endorment et ça génèrent des catastrophes.

 Alors c’est comme d’habitude, quand personne n’y comprend rien, il faut bien qu’il y ait un coupable. Et les pseudos explications sont dé li rantes ! Délirantes.
 Toutes sortes de thèses s’affrontent, à peine appuyées sur la logique ou sur des preuves.
 Et toujours, la religion contre la science, la volonté de Dieu, les forces de l’univers, contre des nanos, des ondes ou une porte dans le multivers.
 Ce sont les russes, les chinois, les amerloques, les extra-terrestres, Dieux, les dieux... Mes charantaises magiques, les licornes, la cinquième dimension !
 On en est tous là, à chercher du sens où il n’y a rien.

 Mais maintenant que plusieurs dirigeants sont touchés, que la moitié de la population mondiale meure de faim pendant que l’autre moitié s’entretue et que je suis obligé d’avoir le fusil de papa à portée de main, j’ai bien envie de me tirer la première balle.
 Peut-être que ce sera mieux après. Après...
  Lena est-ce que tu dors ?

 Ou alors on est tous hypnotisés par des extra-terrestres...
 Ouais... Mais c’est pas plus débile que ce qui arrive.
 Quand même, la version métarmophose m’effraye moins que les autres et puis si on lit tous les comptes rendus, c’est plus... Cohérent ?

 Allez, relire encore une fois "les voix du sommeil", essayer de comprendre, avant le grand off de minuit, avant que je ne comate encore, comme des centaines de millions. Toutes des phrases collectées, mises bout à bout, ça ressemble à une prière . Est-ce que je dois regarder en l'air ? Joindre les mains ?


« La fin n’est que le commencement. Acceptons la paix qui gagnera notre coeur, aucun regret n’est nécessaire, aucune peur, demeurons unis dans notre humanité. A chacun notre âme source, célébrons la métamorphose »
« L’apocalypse s’appelle la migration, ça commence maintenant.»
Nous vivions en enfer, le paradis nous appelle, nous avons expérimenté la matière. Les âmes-mères en savent désormais suffisamment. Il est temps de rejoindre l’espace temps. Il est temps de recommencer .»
« L’apocalypse s’appelle la migration, ça commence maintenant.»
« Tout est lié, tous, nous sommes liés, reliés, impermanents et sans fins. Elles nous appellent, dans tous nos corps, de tous les temps, le moment est proche où nous les rejoindrons. Les consciences s’éveillent, c’est fini, elles savent et doivent se reconnecter les unes aux autres. Réjouissez-vous et partagez ce message, nous partons en voyage. »
« L’apocalypse s’appelle la migration, ça commence maintenant.»
«Lorsque les voix du sommeil se tairont et que nous dormirons, nous nous en remettrons à notre âme-mère et la souffrance dispartaîtra à jamais, notre grand cycle se termine, il est temps d’enfanter une autre conivence : qu’elle s’apanouisse à jamais.»
« L’apocalypse s’appelle la migration, ça commence maintenant.»


*


Elvin s'endort pour la dernière fois et le monde avec lui..

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