— Viens, dépêche-toi, Tim, le Durantozore prépare une attaque !
Je saisis la main de Max. Il se met à courir, son bras élastique traîne sur le sol. Le couloir sombre de l’école s’étire. Nous allons si vite que je perds tout repère.
Dans l’embrasure d’une porte, Clémence apparaît. Ses yeux cousus d’un fil noir me fixent avec inquiétude. Malgré sa peur, son sourire reste figé, comme celui d’une poupée. Elle me parle d’une voix pressante :
— Dehors, le Durantozore nous attend. Il veut nous anéantir. Il faut le défier et gagner. Toute la classe compte sur nous ! La tyrannie s’achève aujourd’hui !
Un grondement éclate. Les murs vibrent et s’écroulent à mes pieds. Une silhouette gigantesque surgit. Le ciel vert bouteille m’écrase. Clémence me touche le nez et s’exclame :
— Soldat, tu es maintenant prêt pour le combat !
Casques en place, carquois pleins sur l’épaule, arcs en main : nous nous approchons de la bête.
Autour de nous, une centaine d'élèves crient :
— À bas le Durantozore !
Les énormes paluches poilues du monstre frappent le sol. Clémence et moi tanguons quand mon camarade s’effondre. La créature tente de l’attraper, mais le corps mou de Max glisse entre ses doigts.
Paniqués, nous battons en retraite pour établir un plan. Clémence prend la tête de l’opération :
— Regardez !
Je me tords le cou pour détailler le Durantozore. Ses yeux globuleux rentrent et sortent de leurs orbites. Je distingue à peine ses oreilles, tellement petites comparées à son énorme bouche qui renferme une langue de vipère. Je tente de retrouver mes esprits et écoute mon amie :
— Pour le vaincre, il faut qu’on détruise son arme secrète : son ouïe !
— Oui, Clémence, tu as raison, comme ça il arrêtera de dire à tout bout de champ : « Pas de bavardages », « Max, je vous entends d’ici », renchérit mon ami. Tu en penses quoi, Tim ?
— J’ai encore mieux, les amis. Il suffit de lancer nos flèches dans sa bouche, comme ça il ne pourra plus parler, et même s’il nous entend, il ne pourra rien nous dire, et la tyrannie sera terminée !
— Ce plan est parfait, affirment-ils en chœur.
Nous tendons nos arcs, prêts pour l’assaut final. Nos trois flèches terminent dans la bouche du Durantozore. Le monstre s’écroule et rampe. Son œil exorbité roule jusqu’à mes pieds. De la bave sort de sa bouche. Il est à bout de force.
— Tim, réveille-toi ! Tu m’empêches de dormir, tu n’arrêtes pas de crier “À bas le Durantozore !” Oh oh !
J’ouvre un œil, puis l’autre. Mon frère me dévisage.
— Ah bah enfin !
Je marmonne en me retournant dans mon lit :
— T’es pas cool, Léo… J’allais gagner la bataille contre Monsieur Durant.