Chapitre 10

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  En marchant dans les rues de la ville, profitant de la fraîcheur du matin, je me disais que la veille avait été compliquée à encaisser. Durant ces derniers jours, il me semblait qu'un lien s'était créé entre elle et moi, mais je sentais qu'elle restait évasive sur certains sujets comme par pudeur. Pourtant hier elle avait réussie à évoquer une grande partie de son passé, même si cela lui avait grandement coûtée de revenir dessus.

  Ce jour-là, le vent en poupe, je décidais de faire un détour par le monument. Malgré la multitude de fois où j'avais pu l'observer, des frissons me parcoururent lorsque mes yeux se posèrent à nouveau dessus. Je restais un instant à le contempler en me rappelant tout ce qu'il signifiait, cette bataille, le sang versé au nom du peuple et tout ce que j'avais pu apprendre à ce sujet récemment. J'imaginais quel goût avait dû avoir la victoire lorsqu'une fois revenue de mes pensées, je m’aperçus que l'heure avait tournée plus vite que prévue. Je m'empressais donc de reprendre ma marche.

  Ce matin, je devais mener ma patiente au marché. Celle-ci m'avait demandée la veille de l'y accompagner. Elle souhaitait se munir de quelques ingrédients afin de me concocter son fameux velouté aux légumes dont elle me parlait et n'en finissait pas de s'en venter depuis notre rencontre.

 Aujourd'hui nous inversions les rôles, était-ce une façon de me remercier de prendre soin d'elle ? En tant qu’auxiliaire de vie sous couverture, n'était-ce pas mon but de lui rendre la vie plus facile ? Je m'étais vraiment habituée à cette vie. Comme écouter les consignes de mon fidèle guide pour la journée, approuver leur rabâchage en levant les yeux au ciel histoire de le faire un peu ruminer durant sa journée... il fallait bien l'occuper ! Je ne cessais de sourire en repensant à l'image de son visage consterné chaque matin, à ses mimiques lorsqu'il comprenait qu'encore une fois je le faisais tourner en bourrique, puis quand il rougissait à chaque fois que je l'embrassais sur la joue avant de partir ! Enfin, jusqu'à hier... Mon cœur battait la chamade rien qu'à cette pensée. Puis venait le moment où j'arrivais chez la vieille femme afin de me consacrer à elle, de l'aider dans ses vieux jours, et faire plus ample connaissance. Oui, je me sentais vraiment bien même si j’appréhendais cette journée. Les révélations de la veille avaient été un choc et de l'avoir aperçue dans cet état n'épargnait pas ma souffrance.

  Mais cette journée ne se passa pas comme je l'avais espérée et ce mauvais pressentiment que j'avais alors ressenti en quittant Naphaël ce matin avait pris tout son sens...

  Je siégeais désormais au pied du lit de mon arrière grand-mère, les mains ficelées autour de celui-ci. Rose n'était pas en meilleure posture,également saucissonée sur son fauteuil.

  Notre geôlier était sortit, nous laissant ainsi. Ne m'y attendant pas, je restais un instant complètement hébetée avant de trouver la force de me ressaisir. Ce départ sonnait comme une deuxième chance, je ne devais pas perdre de temps, il pouvait revenir à tout instant et la prochaine serait la bonne. Je regardais la veille femme, toujours l'air dévastée mais en acceptation avec son sort. Elle ne m'accordait aucun regard, comme si elle souhaitait me préserver de la réalité. Je détournais la tête, il fallait que je sois en plein moyen de mes capacités pour nous sortir de là. Que pouvais-je faire ? Les liens me maintenaient. Impossible de bouger...

 Puis je me souvins. Les images me revinrent à l'esprit.

 Naphaël. Naphaël avec qui j'avais passé une douce et folle nuit. Ce n'était vraiment pas le moment de penser à ça, m'enervais-je !

 Naphaël posant les mains sur ma nuque pour m'accrocher ce magnifique bijoux... La géolocalisation en cas de problème ! Mais comment l'atteindre ? Je me souvenais l'avoir mis en hâte dans la poche arrière de mon pantalon le matin même de manière précipitée n'étant pas en avance. Saloperies de liens ! si j'arrivais à soulever ce foutu lit je parviendrais sûrement à glisser une main dans la poche de mon jean ! Maintenant qu'il n'était plus dans la pièce, pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ! Le coup à la tête et le stresse m'avait littéralement ôtés la capacité de réfléchir vite. Je ne devais pas perdre de temps, je m'adonnais à la tâche, c'était notre seul espoir. Avec l'adrénaline, j'arriverais sûrement à soulever ce fichu lit en bois et ainsi à me donner un peu de leste afin de recupérer le collier. Je m'activais tentant plusieurs fois mais en vain. Il était trop lourd ! Je regardais la vieille femme en reprenant mon souffle, elle posa à son tour les yeux sur moi avec attendrissement. Elle me redonna du courage et dans un dernier effort je bandais mes muscles. C'était peine perdu. Je pestais intérieurement. J'entrepris une autre stratégie et me contorsionnais dans tous les sens. Enfin ! Après de rudes efforts, je réussis à attraper le pendentif et appuyais plusieurs fois sur le bouton en espérant que Naphaël aperçoive mon signal de détresse. Mais déjà j'entendais les pas de notre agresseur résonner dans l'escalier. Non, ça ne pouvait pas se terminer comme ça. L'espoir de nous en sortir disparut avec le peu de force qu'il me restait.

 Quand il entra, Il s'accroupit l'air complètement hagard et resta un moment en face de moi, la tête baissée, les mains sur les genoux comme s'il se donnait du courage. Cela faisait bien dix minutes lorsqu'il se releva et pointa son arme vers elle, sans la regarder. La scène devint alors iréèlle, les secondes devinrent des minutes, les minutes des heures, le temps prenait un malin plaisir à s'étirer ainsi. Je la vis lever la tête et compris qu'à cet instant elle avait toujours su comment cela se finirait. Résignée, elle m'adressa un dernier regard pleins de tendresse. L'homme s'excusa et le coup partit.

 - Non ! Rose ! Hurlais-je. Non, c'était impossible, il n'avait pas pu. Mon coeur refusait de l'accepter, d'accepter cette vérité. Comment ! Comment c'était possible, je bougeais dans tous les sens. Il avait tué mon arrière grand-mère, une marre de sang coulait à ses pieds, elle ne bougeait plus, c'était fini. Comment ? Pourquoi ? Je ne comprenais pas. Je pleurais, j'hurlais ma rage, ma tristesse, mon désespoir. « Pas elle ! » , je ne cessais de crier. L'inconnu s'excusait en pleurant, complètement perdu.

  Je tremblais de tout mon corps en lui hurlant de me tuer, la douleur était trop dure à supporter. Il n'y arrivait pas. L'arme lui tomba des mains. C'était insupportable pour lui aussi, il continuait de s'excuser. Non, non ce n'était pas possible ! j'allais me réveiller ! Je fermais les yeux en espérant ne plus jamais les rouvrir. Toutes les personnes autour de moi mourraient. Pourquoi continuer à vivre, je n'avais désormais plus de famille. Je restais un long moment à sangloter quand l'homme en face de moi se ravisa et ravala les siens.

  Il reprit l'arme dans ses mains et je lus dans ses yeux à travers son masque plus que de la colère envers moi. Il pointa son arme sur moi d'un air déterminé, en expliquant que tout ce qui s'était passé depuis le début n'était que de ma faute et que j'avais fais de lui un tueur. Ses mains tremblaient mais cette fois ce n'était pas dû à l'état de choc d'avoir ôté la vie de quelqu'un. Non, c'était de la fureur. Mon estomac se noua, c'était à présent mon tour, je détournais les yeux en espérant que cela ne serait pas trop douloureux. Je pensais à Naphaël et à la vie que j'avais vécue. Elle ne m'avait pas épargnée sur certains points mais j'avais quand même pu vivre de merveilleux moments. Je sentais mon bourreau hésiter , quand allait-il enfin tirer afin d'achever ce calvaire ?!   

 Puis tout se passa en un rien de temps, il s'apprêtait à appuyer sur la gâchette lorsque la porte s'ouvrit avec fracas. Un dernier coup de feu retentit.

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