Des mots pour mémoire

Une minute de lecture

 Non, la guerre n’est pas difficile. Et le vieux belître de la gare du Nord vous le soutiendra. Léon n’a pas usé des balles de son fusil pour gagner la guerre. Qu’importe la couleur du drapeau qui y figure, cet arsenal chaotique de grenades et d’obus n’était finalement qu’un vulgaire tas de ferraille dangereusement mortel. Il vous le dira. S’il eut appuyé mille fois sur cette foutue gâchette, ce n’était pas pour remporter le territoire d’en face. Ni par goût de l’affrontement, bien que cela ait suffi à illuminer la cervelle d’une poignée de fous furieux. Non. A l’époque où le néant des celliers et des gardes mangers annonçait l’insécurité sanitaire, où déserter et rentrer chez soi était synonyme de mort, Léon faisait feu de son arme pour se sauver. Un paradoxe supplémentaire à la guerre me diriez-vous. Mais la guerre elle-même en est un. L’ancien combattant vous racontera ces moments brefs où il mangeait la pitance. Ces repas répétitifs qui ne payaient pas de mine mais qui vous assuraient de ne pas crever la dalle sur le champ de bataille. Une ration de pain, de la saucisse et de l’eau, ni plus ni moins. Cela n’avait jamais effrayé Léon. Pas plus que sa matrone de tante qui l’attendrait au lendemain de la guerre. Cette « vieille salope de péripatéprostipute » braillait-il joyeusement après la descente d’un énième verre de pinard. De ce qu’il disait, étant petit, elle le battait. Mais il la haïssait de toutes ses forces depuis le jour où elle l’avait étranglé avec son collier de perle. Le laissant pour mort, inconscient pendant des heures sur le bitume de la cour intérieure. Alors pourquoi flipper de la guerre quand on a été élevé par une pareille femme ? Léon n’avait pas cette faiblesse dont certains souffraient. Sinon la Mort l’aurait déjà cueillie de sa faux au creux de la brume. Mais non. Léon, clair dans ses pensées, vous le dira. La guerre n’est pas difficile. Le contraire serait un euphémisme. La guerre est absurde.

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