Epilogue 7ème partie

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Retour du point de vue de Chloé

  Je suis tirée de mon sommeil par une conversation particulièrement bruyante dans le couloir attenant à notre chambre. Il faut croire que même dans les hôtels de luxe, le respect des autres n'est pas inné chez la clientèle. Son souffle apaisant dans mes oreilles me confirme que la nuit qui vient de s'écouler n'était pas un rêve. Je suis encore sur un petit nuage, je ne peux m'empêcher de sourire toute seule. Il ne m'a pas rejeté, au contraire, il semble même m'avoir pardonné. Cynthia avait raison ! Je me retourne de son côté et la regarde dormir sereinement. Je ne sais pas comment elle fait, comme si rien ne pouvait la toucher, d'où tire-t-elle cette force ?

  Pourtant, elle avait tout à perdre à organiser ce "piège". Thomas aurait très bien pu lui en vouloir à mort de l'avoir trompé comme ça. J'avoue que je l'espérais d'ailleurs un peu en acceptant son idée folle. Je m'étais dit qu'au pire ce serait elle qui en subirait les conséquences. Après tout, moi j'avais déjà tout perdu.

  Je ne comprends d'ailleurs toujours pas pourquoi elle a décidé de me remettre dans le circuit. Elle avait réussi, j'étais dégagée du paysage, elle avait Thomas pour elle toute seule. C'était facile pour elle de jouer la fille gentille en appelant mon frère pour prendre de mes nouvelles. Je pensais surtout qu'elle voulait s'assurer que je reste bien au fond du trou. Chacun de ses appels étaient l'occasion d'une des rares disputes avec lui. Il pensait qu'elle s'inquiétait sincèrement pour moi, je pensais au contraire qu'elle se délectait de ma situation. finalement c'est peut-être bien lui qui avait raison .

  Il faut dire que c'est (c'était ?) un peu difficile pour moi de voir du positif, alors que je ressassais à longueur de journée mes erreurs. Gabriel a bien essayé de me changer les idées. Il y a d'ailleurs en partie réussi, je vais mieux qu'il y a quelques mois quand même. Mais c'était impossible d'oublier Thomas, je ne pouvais pas envisager ma vie avec quelqu'un d'autre que lui. Gab n'était pas d'accord avec moi, il a même cherché à me présenter certains de ses potes (et pourtant j'imagine que c'était dur d'envisager caser sa petite soeur avec l'un d'entre eux, c'est dire à quel point il s'inquiétait pour moi !).

  Au départ il m'a caché qu'il recevait des appels réguliers de Cynthia, mais j'ai fini par surprendre une de leur conversation alors qu'il me croyait endormi. Je crois que je ne l'ai jamais engueulé comme cela ! Il m'énervait à me dire qu'elle s'inquiétait sincèrement, alors que je ne demandais qu'une chose, c'était qu'elle me laisse tranquille. Ensuite j'ai exigé qu'il ne lui réponde plus, mais il m'a dit qu'il ne le ferait pas, elle ne le méritait pas. Je crois que c'est là que j'ai compris qu'il avait lui aussi un crush pour elle. Je lui en ai encore plus voulu, Thomas ne lui suffisait pas, il fallait en plus qu'elle me prenne mon frère ! J'en suis venu à la haïr du plus profond de mon coeur. Si bien que le jour, où Gab m'a dit qu'elle voulait me parler directement, je me suis emparé avec plaisir du téléphone pour pouvoir passer enfin mes nerfs sur elle. Je m'attendais à ce qu'elle joue la fille compatissante avec moi pour se donner bonne conscience et je comptait lui dire de se mettre sa bien pensance là où le soleil ne brille jamais. Mais j'ai été totalement déstabilisée par la teneur de la conversation.

  Elle m'appelait à l'aide, moi à qui elle avait fait tant de mal. Elle était en larmes au téléphone, m'expliquant que Thomas ne l'aimait pas vraiment, qu'il était toujours amoureux de moi. Elle était tellement mal, que je n'ai pas pu m'empêcher d'essayer de la rassurer. Oui, je sais ce que tu dois penser cher lecteur pour qui je brise le quatrième mur, trop bonne, trop conne. Mais que veux tu que je te dise, ce doit être une déformation professionnelle, quand je suis confronté à une telle détresse, j'oublie tout mes ressentiments et j'essaie de me montrer la plus aidante possible. Je l'ai rassuré, donc en lui disant que Thomas avait été suffisament clair avec moi et moi avec lui, il n'y avait plus aucun sentiment entre nous. J'ai menti, du mieux que j'ai pu, en lui disant que j'étais passé à autre chose, qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. J'ai quand même ma fierté, je n'allais pas lui avouer que je crevais d'envie d'être à sa place, à cette opportuniste.

  Mais là où elle m'a vraiment scié, c'est lorsqu'elle m'a dit que pour en être sûr, il fallait qu'elle nous voit coucher ensemble. J'avoue, à ce moment là, j'ai failli raccrocher en la traitant de folle. De toute façon, je connais Thomas, il n'aurait jamais accepté de tromper Cynthia, même avec son assentiment, donc le problème était réglé avant même qu'elle l'évoque. Mais je ne sais pas pourquoi, peut-être par curiosité, peut-être par pitié en me rendant compte à quel point cette fille était insécurisée et manquait de confiance en elle, j'ai choisi de l'écouter.

  Mais je dois dire que dans sa folie, il y avait une certaine cohérence. Elle aussi savait que Thomas aurait refusé par respect pour elle, d'envisager tout type de relation avec moi. Quitte à se rendre malheureux pour le reste de sa vie. Parce qu'il fait les choses bien, mais qu'il a parfois du mal à écouter son coeur. Elle a donc eu l'idée de ce rapprochement anonyme entre nous, sous couvert de jeu. Dans son esprit, si il ne me reconnaissait pas c'était que notre histoire était réellement finie. Mais par respect pour nous deux, elle comptait quand même dévoiler à Thomas la vérité à la fin, tablant qu'à ce moment là, il serait capable d'entendre les choses. Cela peut paraître fou, mais je crois qu'elle avait raison, il lui aurait pardonné, j'en suis persuadée. C'est lorsque j'ai commencé à poser des questions sur le scénario envisagé que je me suis rendu compte qu'elle avait gagné. Car malgré moi, cette petite flamme d'espoir que je cherchais désespérément à éteindre depuis des mois, se remettait à briller plus intensément. Je n'en ai parlé à personne même pas à ma psy, de peur que quelqu'un vienne la souffler définitivement.

  Elle m'a emportée dans sa folie, nous avons même retrouvé cette complicité féminine, qui avait existé pendant cet été si particulier. Je crois qu'à élaborer, ce stratagème ensemble, une bonne partie de ma haine envers elle s'est dissipée. Le reste est partie dans ces quelques mots adressés dans le feu de notre excitation qui ont provoqué la mise en échec de son plan. Que se serait-il passé si je n'avais pas brisé notre pacte ? M'aurait-il reconnu ? J'ose espérer que oui, mais je ne le saurai jamais. Ce qui est sûr, c'est que vu ce qui a suivi, je ne peux pas le regretter.

  Même lorsque je fantasmais son pardon entre deux crises de larmes seule dans le canapé-lit de Gab, je n'osais pas rêver de telles retrouvailles. La présence de Cynthia n'en a rendu paradoxalement les choses que plus belles. C'est comme si nous avions repris notre relation là où elle n'aurait jamais dû s'arrêter. En partageant cette complicité à trois, nous avons pu échanger les rôles à de nombreuses reprises. Mes orifices douloureux sont là pour en attester. Nos rapports ont été sauvages, frénétiques, passionnés. Pourtant paradoxalement, j'ai l'impression que ce qui a surnagé dans nos retrouvailles à visage découvert, c'est la tendresse, l'empathie et l'attention à l'autre. En m'insérant dans leur duo, ou en laissant Cynthia rester dans le nôtre, je ne sais pas encore vraiment quel est la bonne configuration et qu'importe, je crois qu'une obligation de ne pas laisser de côté les envies de l'autre s'est imposé à nous trois. C'était indispensable pour que personne ne se sente mis de côté.

  Tout se mélange dans ma tête, mais il y a eu des moments à trois, à deux, moi et Cynthia, moi et Thomas, Cynthia et Thomas. Je n'ai jamais eu autant d'orgasmes de toute ma vie. Lors des quelques pauses, nous avons parlé, longuement, exprimant tous nos sentiments sur la situation.

  Thomas nous a avoué qu'il pensait à moi quasiment tous les jours, qu'avec le temps la blessure de mes errements avait disparu pour laisser place au manque de ma présence. Cynthia elle a pu dire, qu'elle avait cette peur sans doute irrationnelle que Thomas la quitte en lui disant qu'il s'était trompé et préférait retourner vivre avec moi. Pour cette raison elle avait inhibé ses besoins, cachant à Thomas qu'elle avait envie de plus, de peur de le perdre. Jusqu'au jour où elle avait voulu sortir du statu-quo, quitte à tout perdre, afin de ne pas dissoudre totalement sa personnalité dans l'amour qu'elle portait à Thomas. Celui-ci s'était alors excusé, en lui disant que dans ses malheurs et ses combats, il s'était trop reposé sur elle, sans s'intéresser à ce qu'elle pouvait vraiment ressentir.

  Ensuite ça avait été mon tour de m'exprimer, je leur ai confié à quel point j'avais été près de quitter ce monde quand j'étais sortie de l'appartement. j'ai avoué à Thomas que tout ce que je lui avais dit alors, je ne le pensais pas, c'était pour mieux lui permettre de se séparer de moi. J'ai également fait part de toute la colère que j'éprouvais à l'égard de Cynthia. Elle m'a dit qu'elle comprenait, même si cela l'attristait. D'un baiser je lui ai alors prouvé que cette colère avait maintenant disparu, fini les ressentiments ! Evidemment, ce n'est pas si simple, mais je crois, que la reconnaissance que j'éprouve, ainsi que l'affection que j'avais déjà pour elle, devrait me permettre de les faire disparaitre à plus ou moins courte échéance.

  Après mes souvenirs s'estompent. J'imagine que petit à petit soulés d'émotions et de plaisirs, nous avons dû nous endormir, tous les trois collés dans le lit.

  Et maintenant, qu'est ce que nous allons faire ? Ce qui est sûr, c'est que je ne lâcherai plus Thomas. Je ne ferais pas deux fois la même erreur. Le problème, c'est que je ne pense pas que Cynthia va s'effacer pour me laisser la place. Je ne vais pas demander à Thomas de choisir entre nous deux non plus, ce serait sans doute contre-productif et puis ni l'un ni l'autre ne mérite que je les place dans cette position. Alors est-ce que je me vois prête à faire un ménage à trois ? Il y a quelques mois, j'aurais sûrement répondu absolument non. Mais après tout ce que j'ai vécu, je ne peux plus être aussi catégorique. Avec quelqu'un d'autre que Cynthia ça serait sans doute inenvisageable, mais j'apprécie autant sa personnalité, que nos moments plus intimes.Je ne peux pas dire que ce serait un sacrifice de vivre avec elle, je peux voir ça comme une colocation et plus si affinités. Il ne s'agira pas d'amour comme celui que j'éprouve pour mon chéri (ça me fait tout drôle d'employer à nouveau ce terme à son égard), mais je pense que j'éprouve une affection sincère pour elle. Bon il ne me reste plus qu'à leur parler de mes intentions.

  C'est là que mes inquiétudes reviennent. Et si ils n'étaient pas intéressés par ma proposition. Si ça se trouve, ils vont me dire que mon plan est fou. Comment est-ce qu'on pourrait le faire accepter à nos proches et si on ment laquelle serait cachée ? Et puis plus tard si on a des enfants, comment ça se passera ? La polygamie est interdite en France jusqu'à nouvel ordre. Plus j'y pense, plus c'est sûr qu'ils vont refuser. Je n'aurais plus qu'à reprendre ma vie de célibataire seule dans son appartement, entourée de mes chats. Je me vois déjà surinvestir mon travail pour compenser ma tristesse de ne pas avoir d'enfants avec l'homme que j'aime. Terminer ma vie seule dans un petit appartement miteux, sans personne pour me pleurer.

  Le film que je me fais de cette vie de solitude, me fait monter les larmes aux yeux à mon corps défendant. C'est la douceur de ses doigts qui viennent essuyer la goutte qui coulait sur ma joue qui me fait prendre conscience qu'il est réveillé. Je me tourne vers son visage qui bien qu'ensommeillé est plein de sollicitude, mais aussi d'une inquiétude sous jacente.

  - Qu'est ce qu'il y a ma puce, tu regrettes ce qu'il s'est passé, ou c'est autre chose ?

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