Mec à dame blanche

de Image de profil de Romain JultautRomain Jultaut

Avec le soutien de  Pattelisse 
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  Sylvain déposa son dernier passager au lieu-dit de la Hucherais : « C’était vraiment une bonne soirée mon gars... On se refait ça un de ses quatre, pas vrai ?

  - J’suis cent pour cent d’accord, cette boîte est vraiment… hips... top ! T’aurais vu la go… hips... que j’ai serré... une bombe, gueula son passager qui enchaîna immédiatement sur un grand rot avant de sortir de l’habitacle. Bon… hips… c’est pas le tout mais je dois aller pioncer…

  - Moi aussi…

  - Fais attention sur la route hein… On sait jamais, des fois que tu tomberais sur un dégénéré pervers avec une… hips… hache, dit-il en s’esclaffant. Non, sérieusement… hips… t’es sûrement moins bourré que moi mais t’as bu et c’est toi qui tient le… hips… volant alors…

  - Merci Daniel, ne t’inquiète pas pour moi… Allez il faut que j’y aille, ciao !

  - Ciao Syl... hips… vain !

  Pour tout dire, en cet instant précis, c’était surtout l’état de son jeune ami qui inquiétait le conducteur. Alors qu’il venait de repartir, le pauvre Daniel, lui, recroquevillé à même le sol en terre battue, en était encore à chercher ses clés à tâtons. Clés qu’il venait de faire tomber après deux échecs consécutifs d’ouverture de porte d’entrée. Ce sera sa femme qui finira par lui ouvrir la porte, en lui assénant une vigoureuse taloche sur le museau.

  Enfin, Sylvain, qui n’avait rien vu de la scène et qui pour tout dire et à cet instant s’en fichait éperdument, n’en saurait probablement rien tant il serait honteux pour son ami de la lui raconter.

En réalité, Sylvain avait menti à Daniel, il n’avait aucune envie de dormir, du moins il n’y arriverait pas. Sa soirée au Mango Club fut désastreuse. D’abord en arrivant, s’apercevant lorsqu’il voulu payer son premier verre que son portefeuille avait été oublié dans sa voiture. Lui qui était venu dans l’idée d’offrir d’innombrable cocktails à d’innombrable belles jeunes femmes qui, selon un certain imaginaire propre à la gent masculine, lui aurait permis d’en séduire tout autant. Raté. Le jeune homme se contentera de la générosité timide de ses camarades de bamboche. Plus tard dans la soirée, les déboires continuèrent. Alors qu’il avait finit par accepter l’idée de faire la fête sans carte bleue, l’apprenti Don Juan s’était joint au pas de danse de dizaines d’autres fêtards sur une piste bouillante animée par un DJ du coin. Malchance, tenu trop mollement dans sa main droite, son godet de jäger bomb se fracassa au sol, créant aussitôt une vague de moquerie générale autour de lui. La honte. Et ce n’était pas fini, non ! Le clou du spectacle fut enfoncer lorsqu’un homme maladroit et (surtout) fort éméché vint vomir sur la jambe droite de son pantalon, gâchant ainsi toutes ses chances d’une aventure tardive tant il sentait la bile.

Inutile de vous dire qu’après une telle soirée, sa frustration était immense.

Contrairement à ses amis, Sylvain habitait en ville. Il devait emprunter une route de campagne sinueuse et réputée dangereuse par l’imprudence de ses chauffards. Ce soir il roulait au pas. Non par prudence, Sylvain s’est toujours comporté comme un fou du volant. Son corps était là mais son esprit tentait de voguer dans le long métrage de cette soirée, éparpillé dans sa mémoire. Jalousant les images qu’il avait de son ami Daniel, tenant dans ses bras cette jeune femme qui ressemblait plutôt à une adolescente. Remémorant ses échecs simultanés et le massacre qu’avait été sa soirée. Des phares trop allumés, en face, lui éblouirent la vue. Il klaxonna. « Culé va ! » s’énerva-t-il, tout seul dans sa voiture. Comme si le juron était destiné à lui-même. Ou alors parce qu’il pensait que quelqu’un d’autre pouvait l’entendre. Assurément que non, il ne pouvait y avoir personne sur une route bordée d’arbres forestiers. Même muni de son fusil, un chasseur se pisserait dessus en se baladant là-dedans en pleine nuit.

Que nenni !

Alors qu’il continuait de rouler à la vitesse d’un escargot sous caféine, à quelques centaines de mètres une silhouette féminine apparu sous la lueur des premiers lampadaires encore lointain de la ville. Soudain, le jeune homme s’éveilla, sortant brutalement de son amollissante mélancolie. Tentant de décrypter cette mystérieuse silhouette, il remarqua d’abord qu’elle était statique puis il confirma que… que c’est une femme ! Quelle chance ! Une auto-stoppeuse. Pour moi. Se dit-il sans se rendre à l’évidence de l’absurdité de son propos. Il ne perdit pas une minute, se servant de son rétroviseur comme miroir pour se recoiffer puis balayant furtivement de sa main le siège passager. Il chercha un chewing-gum mais se rendit compte que la boîte avait été vidée par ses amis un peu plus tôt dans la soirée. Tant pis se dit-il. En revanche, il ne se rendit compte qu’il était encore sacrément saoul.

Il stationna au beau milieu de la route devant cette silhouette devenu corps. Il ouvra la porte côté passager.

« Bonjour mademoiselle. Vous n’habitez pas loin ? Je peux vous ramener chez vous maintenant. S’exclama-t-il en affichant un sourire niais dont il n’était probablement pas conscient.

- Bonjour, je veux bien rentrer dans votre voiture monsieur. Mais...

- Oh ne vous inquiétez pas ! Je ne vais pas vous agresser, ce n’est pas mon genre !

- Ce n’est pas ce que j’insinuais, je veux bien rentrer dans votre voiture mais à une seule condition.

- Allez-y dites moi, mais rentrez, rentrez, vous allez avoir froid dehors mademoiselle. »

Le tableau de bord affichait exactement 26 degrés Celsius, en plein été caniculaire…

« Pas tant que vous aurez accepté ma condition. »

Mais Sylvain, se pencha et agrippa d’une brutalité inouïe la robe couleur neige de la jeune dame. Celle-ci chancela et tomba adroitement sur la place du mort.

« Pourquoi s’embêter avec des conditions ? Sylvain ne pu s’empêcher de roter, crachant un souffle aigre au nez de la femme qui n’eut nullement l’air de s’en soucier, ni lui d’ailleurs. Qu’est-ce que tu fais là à quatre heure du mat’ ?

- Il est primordial de connaître ma condition pour m’accepter dans votre voiture. Sinon…

- Sinon quoi ? Tu m’as l’air vraiment chelou comme meuf. »

Encore une pouffiasse, pensa-t-il.

Se souvenant qu’il était stationné en travers du goudron et maintenant que la femme était plus ou moins installée, le jeune mâle embraya aussitôt en première et appuya vivement sur l’accélérateur sans retirer le frein à main. Ce qui, vous vous en doutez, fit crisser lourdement les pneus pendant quelques secondes. Il retira d’un coup sec le frein à main. Le véhicule s’élança en trombe. Sylvain était incroyablement fier. Il se tourna vers la jeune femme qui l’accompagnait. L’expression impassible de son visage pourtant si sensuel jeta un froid dans le corps tout entier de Sylvain.

« Bon… Je t’emmène où ?

- Nulle part. » Sylvain, qui n’a d’habitude pas le rire si facile, et encore moins avec les femmes, se mit à rire comme jamais il n’avait rit auparavant. Jamais. Il riait tellement qu’il ne prêtait à peine attention au chemin qu’il empruntait. Le bougre avait déjà dépassé sa propre ville, prenant par défaut la direction « autres directions ». Sylvain pleurait à en remplir des carafes tant l’émotion qui le bousculait était puissante.

Il fini par se calmer. Revenant à ce qui lui a fait oublié sa frustration passée. Cette dame. D’apparence si douce. Vêtue de cette magnifique robe de soie blanche qui lui sculpte si parfaitement ce corps à la fois svelte et charnu. Quel âge avait-elle ? Peut-être trente ans, ou dix-huit. Sylvain préférait s’imaginer qu’elle était plus jeune que lui. Ça l’excitait. Que pensait-elle de lui, elle ?

« Tu m’as fais rire. Mais je veux que tu me fasses jouir.

- Pourquoi ? Demanda-t-elle d’un ton étonnement solennel.

- Les meufs c’est pas fait pour faire rire les mecs. Il marqua une pause pour éructer. Quand on arrivera chez toi, je veux que tu me fasses plaisir.

- Chez moi ? Mais nous n’allons pas chez moi. » Sylvain lui caressa la jambe de sa main droite, gardant l’autre main pour assurer la tenue de route. La chair de son avant bras devint subitement granuleuse et ses poils s’hérissèrent. Il retira brusquement sa main d’un reflex similaire à quelqu’un qui se brûle. Son visage s’affaissa. Ses yeux scintillants s’assombrirent violemment. Il se mit à pleurer. À gémir même. Les larmes coulaient tant qu’il ne devait maintenant apercevoir que la lueur de la lune.

« Tu veux connaître la condition ? »

Il gémissait tellement fort que ses propres tympans se mettaient à siffler. Ne tenant quasiment plus le volant qui ne lui était de toute façon bientôt guère d’une grande utilité. Le véhicule se mit à bringuebaler, le bruit métallique des graviers sous les essieux indiqua qu’il venait de dévier de sa route. Sylvain ne voyait rien de la scène et pour tout dire, il s’en fichait éperdument. Il n’avait plus que ses yeux pour pleurer. Alors il pleurait. Et quand le pare-choc percuta la glissière de sécurité, il pleurait. Quand la voiture voltigea au-dessus de la falaise, il pleurait. Quand la carrosserie s’écrasa au sol, des larmes continuaient de couler sur son visage, du sang s’y mêla.

La dame en blanc s’éleva, toisant le visage meurtrie du jeune homme, plongeant son regard dans le sien : « La condition ? C’était de me laisser vous emmener. »

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En réponse au défi

La Dame Blanche

Lancé par Pattelisse

Bonjour à tous,

Aujourd'hui je vous propose d'écrire sur une légende urbaine bien connue : celui de la Dame Blanche.

Votre personnage (cela peut être vous) est seul dans sa voiture, il fait nuit, la route est déserte. Soudain, une femme vêtue de blanc apparait sur le bord de route, elle semble en détresse et fait signe au conducteur de s'arrêter.

A vous d'imaginer le reste :)

Style : roman

Genre horreur bienvenu !

Commentaires & Discussions

Mec à dame blancheChapitre2 messages | 3 ans

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