La chance

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Nous ne disons mot et demeurons les yeux fixés vers l’endroit où les responsables de la sécurité publique et le médecin ont disparu ; nos deux puissants turbomoteurs tournent au ralenti et au beau milieu de cette averse de neige nous attendons patiemment, bercés par la rotation des pales au-dessus de nos têtes… puis quelques instants plus tard nous apercevons enfin ces six hommes qui reviennent péniblement vers nous en se déplaçant tant bien que mal grâce à leurs raquettes  dans cette neige à la profondeur insondable ; l’un d’entre eux branche son casque dans la prise extérieure…

—   Alors ?

—   Je viens de rencontrer le Maire, les habitants n’ont besoin de rien et ils sont en bonne santé, ni malades ni blessés ! Ici, le froid les gens le connaissent bien, ils ont tout prévu depuis longtemps, les provisions, les médicaments, le carburant, le gaz, et ils peuvent tenir au moins un mois !

—   Ces coordonnateurs nous envoient n’importe où, ils nous font faire n’importe quoi ! Ils se prennent toujours de panique et leurs informations sont très mauvaises ! Bon remontez, on rentre à la base avant qu’il fasse nuit…

Le Commandant de bord a parlé, il a déjà pris sa décision… le mécanicien navigant et moi nous nous regardons, inquiets et incrédules.

—   Mike ?

—   Oui ?

—   Nous avons déjà eu suffisamment de mal pour atteindre ce village, la petite route est restée invisible, il a fallu suivre son tracé d’après l’alignement des arbres et nos roues ont même frôlé leur cime tellement les nuages étaient  bas, en plus comme les gens n’ont absolument besoin de rien, nous allons donc repartir avec les mêmes passagers et l’ensemble du chargement, le lait, la farine, le sucre, les conserves et tout le reste…

—   Je suis d’accord avec ton copilote Mike, la tempête fait rage. Attendons ici, bientôt il y aura peut-être une éclaircie.

—   Ce n’est pas ce que la météo a prévu, la soirée et la nuit vont être terribles ; en plus dans une demi-heure le soleil sera couché !

—   Nous sommes lourds Mike, beaucoup trop lourds, et la visibilité est quasi-nulle, nous ne pourrons pas décoller à plat il faudra effectuer un décollage vertical qui demandera beaucoup plus de puissance… il vaudrait mieux bâcher sur place, planter les piquets, attacher les pales, mettre toutes les protections ; les habitants pourraient nous accueillir et nous repartirions demain matin, nous n’avons pas le choix !

—   Tu sais à combien le thermomètre descend dans ces régions durant la nuit ?

—   Moins quinze je suppose…enfin non, pardon, j’ai encore du mal avec les degrés Fahrenheit…je voulais dire…

—   Tu y es presque ! Entre moins cinq et moins vingt ! Tu crois que nous  pourrons tout refaire fonctionner aussi facilement ? Sans hangar, sans abri, sans chauffeuse après une nuit entière passée dans le blizzard ? Dans quelques heures notre appareil sera enfoui sous une épaisse couche de neige verglacée ! Veux-tu rester ici jusqu’au printemps ?

—   Non.

—   De plus l’hélicoptère est déjà réservé pour demain ; allez, il n’y a pas de temps à perdre !

Plus personne ne parle, j’échange un dernier regard dubitatif avec le mécanicien…

— Nous partons en vol aux instruments dans une pareille tempête ?

—   Oui ! C’est indispensable, ce sont bien des conditions pour utiliser les instruments, tu ne crois pas ? Je viens de vérifier les courbes et comme nous sommes en plaine avec une très basse température nous avons suffisamment de puissance pour décoller verticalement ; mets-toi gentiment en stationnaire puis affiche lentement le couple maximum et sélectionne les surpuissances, elles pourront toujours servir ; tire calmement sur le pas collectif en maintenant l’hélicoptère bien à plat, comme tu as appris ; c’est un mauvais moment à passer, rien de plus !

Je m’exécute à contrecœur, les essuie glaces balayent le pare-brise à leur vitesse maximale, tous les antigivrages ont été sélectionnés…seront-ils suffisamment efficaces ? Je tire tout doucement sur la commande de puissance, les moteurs vrombissent et péniblement nous nous dégageons de cette neige omniprésente dans laquelle nos roues étaient enfoncées.

— Voilà, attends que les couples s’équilibrent et continue de tirer.

A quelques mètres du sol nous ne voyons déjà plus rien puis insensiblement nous entrons à l’intérieur de cette averse de neige, à moins que ce ne soit déjà le nuage… de toute façon il est impossible de distinguer quoi que ce soit. Je regarde alternativement l’horizon artificiel, la sonde altimétrique, de nouveau l’horizon artificiel puis la puissance des moteurs et ainsi de suite ; l’attitude est bonne, nous n’avançons ni ne reculons, notre inclinaison est nulle et poussivement l’aiguille de la sonde altimétrique commence à bouger… cinquante pieds…cent pieds…

— Attends d’atteindre trois cent pieds avant de prendre de la vitesse, ça devrait suffire et nous laisser suffisamment de marge, les reliefs sont bas par ici.

—D’accord mais ce sera long.

L’effet de sol qui nous aidait un tant soit peu a complètement disparu car nous sommes désormais trop haut. L’hélicoptère est presque à sa masse maximale et il peine de plus en plus. Cent cinquante pieds… au moins nous montons mais le variomètre n’indique absolument rien car notre taux de montée est beaucoup trop faible…deux cent pieds… deux cent cinquante pieds…

Ah non ! Ce n’est pas possible, curieusement l’aiguille de la sonde s’est figée, elle ne bouge plus du tout…

— Regarde nous avons cessé de monter !

— Reste comme ça, attendons un peu et ne sollicite pas d’avantage les moteurs, conserve la puissance maximale mais n’essaie pas de la dépasser, si les tours du rotor chutent c’est foutu !

L’horizon artificiel m’indique que l’attitude est toujours bonne mais à présent la sonde altimétrique commence lentement à redescendre…de nouveau nous passons deux-cent pieds puis cent cinquante pieds… l’hélicoptère ne parvient plus à nous porter, à nous arracher de la surface…cent pieds… j’essaie de regarder à l’extérieur mais tout est blanc, le nuage, la neige, devant, à droite, à gauche, en dessous… je sais que tôt ou tard nous allons toucher le sol mais où sommes-nous exactement ? Forcément depuis la mise en vol stationnaire le vent a dû nous pousser dans une quelconque direction et nous ne sommes sans doute plus à la verticale de l’aire de décollage. Si par hasard en dessous se trouve un champ, un espace dégagé, nous nous poserons tant bien que mal mais si nous descendons sur des arbres, un rocher, une habitation ou sur je ne sais quoi c’est le crash assuré, l’hélicoptère se renversera, les pales iront heurter tout ce qui se trouve autour et même éventuellement des personnes si par hasard elles sont situées non loin d’ici puis ce sera sans doute un incendie, une explosion… je n’ose même plus regarder la sonde altimétrique ; il ne fallait pas vouloir décoller dans une pareille tempête, quelle obstination ! En outre effectuer un décollage vertical avec un tel chargement, c’est insensé même si ces fameuses courbes nous permettent de le faire… nos yeux sont désespérément fixés vers l’extérieur afin de découvrir une forme quelconque, un objet qui pourrait nous aider… je ressens les battements de mon cœur, ils emplissent mon corps, ma tête toute entière, ils sont rapides, puissants, il me semble que c’est le seul bruit que je parviens encore à percevoir… je sais que d’ici quelques secondes nous sentirons un choc accompagné d’un bruit violent puis ce sera la catastrophe ! Mes pensées avancent à toute vitesse mais je suis incapable de prononcer une seule parole… j’espère que le mécanicien a prévenu les hommes se trouvant à l’arrière et leur a demandé d’adopter la position préconisée avant un accident… comme je plains ces passagers ! Même si ceux-ci sont aguerris pour ce genre de mission de sauvetage et de soins peut-être ils ne se doutent de rien et supposent que nous allons de nouveau atterrir… en ce qui concerne l’équipage ce n’est pas la même chose, c’est notre travail, nous sommes payés pour toujours faire le maximum, tenter l’impossible, ce sont les risques du métier…

— Alors çà c’est un sacré coup de pied aux fesses !

La voix du mécanicien vient de me sortir de la torpeur dans laquelle j’avais fini par m’enfoncer ; nous montons de nouveau et à une vitesse verticale qui ne cesse d’augmenter ! Je n’y crois pas…les fameux trois cent pieds tant attendus ont été très vite effacés, je peux enfin prendre de la vitesse et à soixante nœuds nous grimpons de plus belle à un merveilleux taux de montée indiqué par le variomètre… mille pieds par minute puis bientôt mille cinq cent ! C’est comme si la tempête avait soudain décidé de nous tirer vers le haut, de nous happer brutalement vers ce ciel invisible… six mille cinq cent pieds atteints en quelques minutes, ces petites minutes qui nous séparaient d’une fin certaine se sont soudain transformées en instants de vie et d’espoir ! Enfin nous sortons de la première couche nuageuse et demeurons stables à cette altitude, cependant d’autres nuages bien soudés se trouvent encore plus haut… je suis toujours incrédule, peut-être la mort ressemble-t-elle à cela et si c’est le cas, alors ce n’est pas si désagréable… je me demande si je fais déjà partie des défunts ou encore en train de voguer quelque part entre mon intense peur et la fin de ma vie, à moins que finalement tout ceci ne soit qu’un rêve…

— C’est de ma faute les gars, vous aviez raison !

— Nous avons eu de la chance Mike, heureusement le vent a tourné… maintenant nous connaissons bien ce que tous les malheureux qui se sont déjà écrasés ressentent juste avant l’impact… mais ensuite quelle montée !

Cette conversation entre mes deux compagnons me fait soudain revenir à la réalité et contribue à me rassurer.

— Le rabattant était terrible mais l’ascendance qui a suivi était bien plus puissante ! Nous n’avons pratiquement pas givré sauf une antenne fouet qui s’est mise à vibrer puis a fini par se casser, rien de plus! Bon, tu peux faire demi-tour, nous rentrons à la base.

Trente minutes de vol nous séparent de notre petit aérodrome, mes mains qui au fil de ce décollage s’étaient mises légèrement à trembler ont de nouveau retrouvé leur calme,  une douce quiétude a désormais envahi l’habitacle et dans cette mince partie de ciel clair j’aperçois au loin le soleil qui frôle l’horizon et qui très bientôt disparaîtra dans sa longue nuit boréale. En dessous la couche nuageuse commence peu à peu à se morceler et quelques minutes plus tard je parviens enfin à distinguer les quelques bâtiments déjà éclairés et ce lopin de terre sur lequel nous sommes momentanément basés pour les besoins du nouveau travail saisonnier qui nous a été demandé.

Comme à l’accoutumée au retour de chaque vol, je me pose près des pompes à kérosène ; le responsable de l’aérodrome qui est aussi un peu homme à tout faire a déjà préparé le tuyau d’avitaillement et nous questionne de quelques gestes afin de savoir si nous repartons tout de suite et si le plein va s’effectuer rotor tournant, mais non, cette fois-ci nous coupons les moteurs et freinons les pales, la journée est terminée et enfin avec notre équipe de secouristes nous descendons de  l’hélicoptère.

— Que vous est-il arrivé ? Un problème ?

Cet homme en charge de l’infrastructure et des carburants et que nous rencontrons tous les jours a bien remarqué l’expression de nos visages et la pâleur inattendue qui à cet instant les caractérisent. Il est d’origine amérindienne et se nomme Waban ; avec lui j’avais pris peu à peu l’habitude de plaisanter au sujet de nos « visages pâles » mais ce soir nos faces affichent une teinte plus que blanchâtre, nous sommes totalement livides…  sans attendre Mike a pris la parole et se met à tout raconter, il admet sa faute, il reconnait avoir pris une mauvaise décision et plus tard ce même discours il le répètera à l’envie pour tous ceux qui voudront bien l’entendre lorsqu’à l’issue de notre long détachement dans le Nord nous rentrerons à la base principale ! Il est honnête, avec ses milliers d’heures de vol il est aussi très expérimenté, et il sait que les erreurs des uns peuvent toujours servir à d’autres dans des circonstances similaires. Un jour peut-être j’occuperai le même poste que lui, je serai moi aussi le Commandant de bord de cet hélicoptère de fort tonnage, je me doute bien qu’à ce niveau de qualification la tâche ne doit pas être simple car toutes les responsabilités nous incombent et nous subissons la pression plus ou moins avouée de notre direction, de nos clients, de tous ceux qui attendent de nous des actions rapides et efficaces… en un mot des miracles ! Je n’ai pas à juger cet homme, il a choisi ce qui lui paraissait être la meilleure solution au vu des circonstances… moi-même comment aurais-je réagi à sa place ? Dès demain nous revolerons ensemble et nous formerons de nouveau un bon équipage, sans aucune amertume, rancœur ou arrière-pensée ; d’ailleurs depuis le début j’ai toujours apprécié de travailler en sa compagnie car il me laisse manœuvrer les commandes de vol plus souvent qu’à mon tour ce qui évidemment ne manque pas de me plaire, de temps à autre il se contente simplement de me demander gentiment si je peux lui prêter momentanément cette puissante machine…

  Arrivés dans nos baraquements je me contente d’avaler une soupe aux pois brûlante accompagnée de pain brun et de morceaux de jambon sec. Je me couche de très bonne heure mais je ne parviens pas à m’endormir tout de suite car je pense à tous ces mois que j’ai déjà passés dans cet immense pays, je me souviens de cette annonce écrite en anglais qui demandait une quinzaine de pilotes expérimentés pour travailler dans le grand Nord Canadien… ce n’est pas du haut de mes vingt-cinq ans et de mes huit cent cinquante heures de vol que je pouvais postuler à un emploi pareil mais j’ai quand même envoyé ma candidature et finalement j’ai été recruté comme deuxième pilote ; puis ce fût le départ vers cette grande ville de Colombie Britannique, l’établissement d’un contrat de travail signé au siège de cette importante société et l’obtention du visa assorti, l’adaptation à cette nouvelle vie, à cette compagnie aérienne, à toutes ces personnes inconnues jusqu’alors. Je suis le seul français au milieu de quelques québécois, les autres sont canadiens anglophones, américains, allemands, et il y a même des mexicains mais de toutes façons ce sont notre métier et notre passion commune qui nous unissent, comme si nous étions les citoyens d’un même pays, la petite nation des gens de l’air… évidemment l’anglais courant est de mise mais contrairement à ce que je pensais la façon de parler et l’accent de mes collègues sont nettement plus faciles à comprendre que ceux pratiqués au Royaume-Uni, ce qui finalement me facilite grandement la tâche ! A l’issue d’un mois passé sur place dans cet Ouest si lointain  ce fût de nouveau le départ vers cet immense état du centre qui s’étire depuis le Dakota du Nord jusqu’aux rives de la baie d’Hudson, pour les besoins des divers travaux qui nous avaient été confiés.

Bien pelotonné dans mon lit, je pense à tout cela  … comme elle me semble loin ma petite France !

Ce soir je me sens vidé, épuisé, car sans doute la fatigue nerveuse est bien pire que la fatigue physique ou intellectuelle… aujourd’hui en quelques minutes j’ai compris qu’en fait la seule peur qui mérite d’être citée, d’être considérée est la peur de la mort et uniquement celle-ci…

Demain sera un autre jour, diverses personnes devront être transportées  ainsi que leur matériel accroché sous élingue ; apparemment et sauf imprévu le premier décollage est programmé vers onze heures et cela me laissera donc le temps de bien me préparer puis de discuter un peu avec ceux qui se trouveront sur place…

 

Aujourd’hui le ciel est limpide, rincé de toute son humidité, il est d’un bleu profond, la tempête s’en est allée et elle a laissé place à un faible vent du nord d’une douzaine de nœuds mais le froid est vif, piquant et cette impression se trouve encore accentuée par la légère bise qui souffle sur un sol totalement glacé et enneigé, mais finalement je préfère cette saison froide à l’été car lorsque je suis arrivé ici et durant les mois les plus chauds la présence permanente de mouches et de moustiques a été franchement désagréable. Moi qui ai toujours aimé le froid et la neige, eh bien dans ces contrées je peux affirmer que je suis bien servi !

— Salut ! Alors, bien reposé ?

— Bonjour Waban, oui, j’ai dormi comme un bébé ! Aujourd’hui c’est plus calme, nous ne repartirons que vers la fin de la matinée.

Le responsable de l’aérodrome est tout seul dans la vaste salle qui nous sert à la fois de réfectoire, de salle de réunion et de salle de repos. Comme d’habitude il a dû commencer son travail de très bonne heure et à présent il s’accorde une courte pause devant un grand café et des œufs agrémentés de quelques tranches de lard fumé qui embaument agréablement toute la pièce ; de temps à autre il feuillette d’une façon nonchalante les pages du journal déplié devant lui sur la longue table en bois. J’apprécie cet homme, il doit avoir quarante-cinq ans, peut-être cinquante, ses tempes sont grises et pour moi il fait déjà figure d’ancien ; son visage a un teint  cuivré, il est grand, très grand, et fort, ses mains sont épaisses et calleuses, je pense qu’entre ses gros doigts il pourrait facilement briser la tasse qui contient sa boisson… dès mon arrivée ici nous nous sommes bien entendus, bien compris, pourtant tout nous sépare, la nationalité, la façon de vivre, le métier, la langue, l’âge, l’aspect physique, mais dès que nous nous regardons il me semble que nous nous comprenons avant même d’avoir prononcé une seule parole.   

— Café ?

— Oui merci, avec du lait !

Nous parlons de choses et d’autres, nous n’évoquons même plus les évènements de la veille. Comme à l’accoutumée, nous recommençons à nous raconter des histoires et quelques plaisanteries aussi bêtes les unes que les autres ! De temps à autre je regarde vers l’extérieur à travers la baie vitrée en partie couverte de givre, je vois le petit aérodrome, les étendues blanches et l’interminable forêt de conifères qui s’étire au loin… puis insensiblement je remarque l’arrivée inattendue d’une jeune femme qui se déplace le long de la voie d’accès partiellement déneigée, effectue le tour du bâtiment, entre à l’intérieur de la salle et se dirige directement vers nous ; elle ôte sa capuche fourrée de laine épaisse et son chaud vêtement libérant ainsi de superbes cheveux noirs qui viennent recouvrir ses épaules, elle doit avoir dans les vingt ans et elle est d’une surprenante beauté… Waban a suivi d’un air amusé mon regard étonné autant qu’admiratif…

— Tu ne connaissais pas ma fille Alyanna ?

— Ah non… c’est…

— Bonjour !

— Bonjour !

— Assied-toi avec nous Alyanna, je te sers un café. Elle s’intéresse à tout ce qui vole et aujourd’hui je devais lui montrer votre hélicoptère gros porteur, des modèles comme celui-ci on en voit pas souvent par ici ! C’est un « Puma » c’est bien ça ?

— Oui, c’est bien ça.

Alyanna et moi échangeons quelques regards et à chaque fois elle ne manque pas de sourire… je me dis qu’un tel sourire pourrait à lui seul éclairer le monde entier puis réchauffer et rendre heureux tous ses habitants…

— En France vous avez donné des noms d’animaux à tous vos hélicoptères ! Alouette, gazelle, lama, puma…

— C’est vrai Waban, tandis que les américains quant à eux ont utilisé pour certains de leurs appareils des noms de tribus indiennes… Iroquois, Kiowa, Apache, Cheyenne…

— Ils n’auraient pas dû se donner autant de mal, surtout quand on découvre ce que sont devenues les nations indiennes…heureusement ils n’ont pas encore utilisé le nom des « Cree » !

Alyanna s’est mise à rire et désormais je pense deviner les origines ancestrales de Waban et de sa fille ; de nombreuses questions au sujet de leur civilisation me viennent à l’esprit et me préoccupent puis à mon tour j’aimerais leur parler de mon pays d’origine mais aujourd’hui nous n’aurons sûrement pas le temps d’aborder de tels sujets…

— Bon, mon équipe va arriver, nous avons du travail avec toute cette neige qui est tombée pendant la nuit ; peux-tu rester avec Alyanna et lui faire visiter ta machine volante ? Moi ce matin je n’ai vraiment pas le temps…

— Mais oui, bien sûr !

Aussitôt Waban se lève, avant de partir il pose affectueusement sa grosse main sur l’épaule de sa fille puis il me jette un bref regard, souriant et plus ou moins espiègle…

Alyanna et moi restons là tous les deux seuls dans cette salle entièrement vide, légèrement réservés mais néanmoins curieux de faire connaissance et nous poursuivons calmement la conversation ainsi amorcée.

Soudain le temps semble s’être arrêté…  de temps à autre je me demande si je ne suis pas encore en train de rêver… mais non cet instant est bien réel, car nos paroles et notre attitude sont vivantes et ancrées dans le présent. J’aime prolonger cet instant de tranquillité et de découverte mutuelle et je sais qu’un peu plus tard nous devrons aussi rendre visite à ce soi-disant animal volant qui pour le moment est encore endormi au fond de son abri ; à ce moment-là je ne manquerai pas de lui expliquer et de lui montrer tout ce qu’elle souhaitera connaître.

Pour le moment je prends plaisir à regarder cette ravissante personne aux yeux sombres et à la peau mate qui se trouve assise juste en face de moi ; je me dis que la chance tourne, elle va, elle vient, selon son bon vouloir. Tantôt cette chance m’avait empêché de mourir, elle avait préservé mon existence, elle m’avait permis d’échapper à cette violente bourrasque de neige, puis curieusement ce matin elle a pris la forme de cette jeune et belle amérindienne arrivée jusqu’ici à ma grande surprise et semblant provenir d’un mystérieux et secret royaume du Nord.  

Hier durant quelques terribles instants j’ai pensé que j’allais passer de vie à trépas tandis qu’aujourd’hui je sais que je vais exister plus intensément qu’à l’ordinaire, mon cœur le sait bien lui aussi car insensiblement il a de nouveau augmenté sa cadence mais cette fois-ci les raisons en sont bien différentes…

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