Chapitre 23 : Maya

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Maya se précipita aussitôt dans sa chambre pour se changer avant de voir qui que ce soit. Si elle voulait taire l’existence de Priya, elle allait devoir cacher son « altercation » avec les deux mystérieux attaquants de la veille. Son père se douterait de quelque chose s’il la voyait rentrer sans sa veste et les vêtements encore humides. Une fois présentable, elle prit le chemin du bureau de son père.

La vaste pièce avait une atmosphère calme et chaleureuse. La décoration était plutôt simple pour une pièce que le roi occupait régulièrement. Les meubles en acajou étaient finement sculptés, mais ne comportaient aucune dorures ou pierre précieuses incrustées. Aux murs, quand ils n’étaient pas occupés par des bibliothèques, on ne voyait qu’une horloge et quelques portraits. Différentes plantes agrémentaient les petits espaces entre les rayonnages, dans les coins de la pièce et près de la porte. Les rayons de soleil filtrant à travers la baie vitrée baignaient de lumière la verdure et le bois, donnant un aspect vivant à l’espace.

Quand il la vit entrer, son père se leva pour l’accueillir. Il la prit dans ses bras, et Maya le serra contre elle.

  • Est-ce que tu vas bien ? demanda son père qui avait reculé pour l’examiner.
  • Rien de cassé ! sourit Maya.
  • Tant mieux, je suis désolé que tu n’aies rien trouvé, mais tu as encore le temps, ne te décourage pas.
  • Je… n’ai rien trouvé ?

Il fronça les sourcils.

  • Ce n’est pas le cas ? Le prince Elios m’a dit que tu étais déprimée de n’avoir rien trouvé, alors tu as préféré passer la soirée dans une auberge. Je sais que tu ne crains pas grand chose dans la capitale, mais je me faisais quand même du souci.

Maya fit de son mieux pour effacer la confusion sur son visage.

  • Ah oui… c’est vrai que j’étais un peu déprimée, mais ça va mieux maintenant. Comme tu l’as dis, j’en ai encore du temps.

La princesse se sentait extrêmement mal à l’aise, et décida de couper court à la conversation avant que son père ne s’en rende compte.

  • Je vais dire bonjour à Tristan, il doit s'inquiéter aussi ! Bonne journée !

Elle embrassa son père sur la joue avant de s’éclipser. Elle pouvait sentir le regard curieux de son père sur son dos,, jusqu'au moment où elle ferma la porte du bureau.

Au moins ce n’était pas un mensonge, elle allait réellement voir Tristan. Ses pas la guidèrent automatiquement vers la bibliothèque et elle se trouvait devant la porte quand elle réalisa qu’il n’y était peut-être pas à cause de ses blessures. Non, se rassura-t-elle, il devait déjà aller mieux grâce aux guérisseurs du château, et Tristan était un tel rat de bibliothèque qu'il s'y rendrait en rampant si nécessaire. Une fois à l'intérieur, elle se mit à scanner les alentours. Elle tourna brusquement la tête quand elle entendit un éclat de rire. Maya reconnut aussitôt la voix de Tristan, et le repéra assis à une table avec le prince Elios. La princesse n’en crut pas ses yeux. Quand il la vit approcher, Tristan se raidit, visiblement embarrassé, puis finit par sourire.

  • Maya ! Content de voir que tu vas bien.

Maya fut rassurée de voir qu’en plus d’être rétabli, il ne semblait plus être en rogne contre elle. La princesse lui fit un clin d’œil.

  • Contrairement à toi, je sais me défendre en cas de problème… Sinon, qu’est-ce que vous faites ?

Elle se retint de rajouter « ensemble » , mais Tristan comprit. Il évita son regard et se tourna vers Elios avec une expression qui l’implorait de le sortir de là. Le prince eut un petit rire et expliqua avec tout le naturel du monde :

  • Tristan et moi nous sommes réconciliés, le fâcheux conflit d’hier était simplement dû à la mauvaise humeur de Tristan après son malheureux incident, rien qu’une simple conversation ne puisse réparer. Après avoir découvert que Tristan était un avide lecteur, j'ai proposé de poursuivre la discussion dans la bibliothèque, voyez-vous, j’aime beaucoup lire aussi.

Maya était encore plus confuse.

  • D’accord.

Le doute pouvait s’entendre dans sa voix, mais ils firent comme si de rien n'était. Forçant un sourire, la princesse dit avec désinvolture :

  • Tristan, j’ai besoin de toi pour quelque chose, tu peux venir avec moi s’il te plaît ?
  • Hein ? Heu… J’arrive.

Il lança un regard d’excuse au prince avant de se lever.

  • Veuillez nous excuser, Votre Altesse, dit Maya.
  • Ne vous en faite pas, je comprends. Et après tout ce qu’il s’est passé, je pense que vous pouvez m’appeller pas mon nom. Puis-je faire de même avec vous ?

La princesse hésita. Elle voulait faire confiance au prince. Après tout, il s’était montré parfaitement poli et charmant envers elle. Mais quelque chose l’en empêchait. En fait, plusieurs choses. Tout d’abord, elle n’arrivait pas à cerner sa personnalité. Certes, ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps, mais Maya était plutôt bon juge de caractère. Il ne lui paraissait pas une mauvaise personne, mais elle n’arrivait pas à se sentir complètement à l’aise avec lui. Il ne semblait pas réel, en quelque sorte ?

Si on lui demandait de le décrire, le seul adjectif qui lui viendrait à l’esprit serait « princier ». Rien d’autre. C’était comme avoir un personnage de roman en face d’elle et non une vraie personne. Il était l’image même du prince idéal. Mais une image restait une image, et comme un mirage qui s’efface à mesure qu’on s’en approche, elle avait la sensation que peu importait avec quelle persévérance elle tendrait la main, elle ne saisirait aucune substance. Elle n’arrivait pas à distinguer la personne derrière le personnage.

La princesse était aussi déconcertée par la facilité avec laquelle il avait menti à son père. S’il arrivait à mentir au nez du roi sans sourciller, qui savait ce dont il était capable ? Et c’était sans compter le changement de comportement soudain de Tristan.

Cependant, il restait un prince d’Ashralynn, peut-être même qu’elle avait devant elle le futur Empereur. Malgré ses doutes, elle se dit qu’en l’absence de preuve, il était toujours préférable d’avoir une bonne relation, même superficielle plutôt que d’envenimer la situation sans raison précise. Et peut-être qu’elle était naïve, mais elle voulait croire qu’il n’avait pas de mauvaises intentions.

  • Très bien (elle hocha la tête), dans ce cas...Elios ?
  • Maya, lui répondit-il en souriant.

Elle lui sourit en retour puis s'éclipsa avec Tristan. Une fois qu’il se furent assez éloignés de la bibliothèque, Maya se tourna enfin vers son ami.

  • C’était quoi, ça ?
  • De quoi tu parles ?

Maya leva les sourcils avec un air dubitatif.

  • Si tu me sors que c’est un truc d’homme, ou une autre stupidité du genre, tu risques de te retrouver de nouveau à l’infirmerie dans cinq, quatre, trois, deux…
  • C’est bon, c’est bon ! J’ai compris (il soupira). T’es vraiment agaçante, tu le sais ça ?
  • C’est ma meilleure qualité ! déclara-t-elle fièrement en croisant les bras.
  • Je ne vois pas pourquoi tu en fais tout un plat… je me suis seulement… excusé.
  • Excusé ?

La voix du jeune homme n’était devenu qu’un murmure sur la fin de la phrase et la princesse ne put s'empêcher de taquiner Tristan, qui était devenu rouge d’embarras. Ça ne le dérangeait pas de faire des blagues auto-dérisoires, mais le jeune homme avait sa petite fierté quand il s’agissait d’admettre ses torts. Lui arracher des excuses était presque un exploit. Encore heureux qu’il ait souvent raison.

  • Hmm… et tu es sûr qu’il ne te fait pas chanter avec quelque chose ? Maintenant que j’y repense, tu t’es retrouvé à l’infirmerie le lendemain de la réception.
  • Non non non ! Tu fais complètement fausse route ! Elios n’a rien à voir avec ce que…

Il s’arrêta soudain, puis avec une voix plus posée, il reprit :

  • S’il te plait, fais moi confiance ? Je ne dis pas que tu dois faire complètement confiance à Elios, mais il ne mentait pas, je me suis vraiment réconcilié avec lui. C’est vrai que j’ai… autre chose qui me tracasse, mais je te promets de t’en parler plus tard. Marché ?

La princesse n’était pas totalement convaincue, mais par-dessus tout, elle avait confiance en Tristan. Alors elle laisserait tomber l’affaire pour le moment. Cependant, elle restait curieuse.

  • Très bien. Mais, si comme tu dis, Elios n’a rien avoir avec tes sautes d’humeur, pourquoi est-ce que tu lui as parlé comme ça quand on est allés te visiter ?

Le jeune homme s’empourpra.

  • Peu importe, c’est vraiment stupide. Dis-toi que j’avais une gueule de bois et que j'étais de mauvaise humeur après ma chute. Fin de l’histoire.

Maya haussa les épaules.

  • Si c’est ce que tu veux.

Tristan semblait soulagé qu’elle n’insiste pas. Toutefois, elle n’allait pas encore le laisser filer.

  • J’ai besoin de toi pour autre chose. Elios n’a peut-être pas menti sur votre nouvelle amitié, mais il a bien caché quelque chose à mon père.

Elle regarda autour d’elle pour s’assurer que personne ne les écoutait, puis lui chuchota à l’oreille :

  • J’ai une piste par rapport aux disparitions.

Son ami écarquilla les yeux.

  • Viens, dit-elle, on va continuer cette conversation dans ma chambre.

***

Une fois dans la chambre de Ma ya, Tristan se précipita sur le lit, tombant platement sur le ventre. La princesse s’adossa à son bureau, tandis que le jeune homme s’appuyait sur ses coudes, la tête entre ses mains, prêt à l’écouter.

  • On se met à l’aise à ce que je vois.

L’expression moqueuse, il répliqua aussitôt :

  • Quel scandale ! La princesse héritière invite un homme dans sa chambre en pleine journée ! Que vont penser ses nombreux admirateurs ? Quelle tristesse ! Quelle tragédie ! J’entends déjà les cœurs se briser dans tout le royaume.

La jeune fille fronça les sourcils.

  • Pas héritière. Pas encore.

Tristan leva les yeux au ciel.

  • C’est ça qui te dérange ? Tu sais que ce n’est qu’une question de temps, n’est-ce pas ? Ce n’est pas comme s’il y avait d’autres candidats.
  • Tu crois que ça me fait plaisir de savoir que si je suis désignée, c’est parce que je ne suis en compétition avec personne ?
  • Ne déforme pas mes propos, tu sais ce que je voulais dire.

Maya soupira, le sourire maussade.

  • Oui, je sais. Désolée.
  • Très bien, donc est-ce qu’on peut, tu sais, en venir au sujet principal ?

Il s’était redressé et était maintenant assis, les jambes croisées.

  • Voilà ce qu’il s’est passé...

Au bout d’une bonne vingtaine de minutes d’explications, durant lesquelles elle avait tiré la chaise de son bureau pour s’assoir à l’envers, Maya put enfin poser sa question :

  • Alors ? Qu’est-ce que tu en penses ?

Après plusieurs secondes de silence, Tristan dit :

  • Je ne sais pas vraiment quoi penser, c’est beaucoup d’informations à digérer. Est-ce que je peux voir le bracelet ?

Le jeune homme inspecta l’objet, les yeux pétillant de curiosité.

  • Je n’ai jamais vu un tel matériau. Et apparemment il y en aurait d’autres quelque part dans le château d’après ta « mystérieuse » source ?
  • Ne me fixe pas comme ça, je ne suis pas la seule à vouloir garder des choses pour moi, hein ? Si je dois en parler, je te promets que tu seras le premier sur la liste. Marché ?

Tristan grimaça, mais ne trouva rien à répliquer et finit par acquiescer.

  • Et donc, vraiment aucune piste ?
  • Tu n’as vraiment pas l’intention d’en parler à qui que ce soit ?
  • Non, je t’ai dit que je voulais quelque chose de plus… concret, irréfutable. Une preuve que je suis tout aussi capable que n’importe quel magicien.
  • Je crois que tu as fait bien assez comme ça mais… Je suppose que ce n’est pas une mauvaise idée de garder ça entre nous pour l’instant.
  • Pourquoi ?
  • On a encore trop peu de renseignements, mais imagine que ta source aie raison et que le reste de ces bracelets se trouve effectivement dans le château. Ça voudrait dire que quelqu’un en a dérobé un pour l’utiliser lors des enlèvements. Et je suis sûr que de tels instruments ne sont pas à la portée de tout le monde.
  • Tu veux dire que…

Tristan hocha la tête.

  • Comme j’ai dit, rien n’est encore sûr.

Maya souffla :

  • Il y a un traître dans nos murs.

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