L'Important 2/2 (OS)

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Devant lui à sa table, avec sa pinte et sa chaise libre il se persuada que quelqu'un pourrait prendre cette place. Cette personne arriverait au loin, le cherchant avec un certain empressement dans la foule. Son visage s'illuminerait soudain lorsqu'elle le reconnaitrait. Le sourire qu'elle lui adresserait serait éclatant. Il se dégagerait d'elle une expression de bonheur, ses traits empreints d'un bien-être rayonnant. Celui auquel chacun aspire sans jamais l'atteindre. Elle s'avancerait vers lui - encore visiblement un peu intimidée par leur nouvelle relation, puis tirerait maladroitement cette chaise pour le rejoindre à sa table. Touchante par l'intensité de ses sentiments, elle l'aurait déjà conquis.

Nourri par une curiosité sans limite, Boris se prit au jeu et continua son cheminement de pensée. La scène était si plaisante à visualiser que ses réticences s'envolèrent. Le rythme de son cœur s'accéléra.

Après ce bref instant d'hésitation – sûrement dû à l'émotion - elle reprendrait contenance et se tournerait vers lui, emplie d'une détermination déconcertante. Elle plongerait ses yeux dans les siens, lui permettant d'y lire la même passion que l'autre fille. Cette fois-ci dirigée vers lui. Pour lui. Il n'arriverait pas à concevoir que le simple fait de le voir pourrait la rendre si ... heureuse. Dans une autre situation il aurait été embarrassé par tant d'attention, mais pas ici. L'expression de la personne à présent assise devant lui changerait tout. Etrangement, sa contemplation sans aucune retenue la rendrait captivante. Il se sentirait désarmé. A nu. Elle s'avancerait doucement vers lui puis poserait sa main sur la sienne. Serait-ce un frisson qu'il viendrait d'avoir ? Il n'aurait jamais pu considérer qu'un geste en apparence si banal pourrait le faire tressaillir ainsi.


Boris ne s'en rendit pas compte, pourtant la chair de poule commençait à s'emparer graduellement de ses avant-bras malgré le soleil de la terrasse. Ses pensées s'emballèrent.

Il l'observerait, incapable de savoir comment réagir face à tant ... à tant de ce que cela pouvait être entre eux deux. Il ne saurait même pas poser de mots dessus. Il n'avait jamais été à l'aise avec ses sentiments. Parfaite, cette personne comprendrait sa légère confusion et ne s'offusquerait pas de son manque de réaction. Mieux encore, elle l'attendrait. Une tendresse emplirait ses traits et il se mettrait à chavirer devant la chaleur dégagée par ses yeux. Elle patienterait le temps qu'il digère ce qu'il serait en train de lui arriver, ne le brusquant pas, le laissant s'acclimater doucement à cet environnement qu'il ne connaissait plus.

Son imagination semblait le faire basculer dans une profondeur de réflexion insoupçonnée, perdant presque de vue que ce n'était qu'un songe. Son cœur palpitait ; le nœud dans son ventre paraissait un peu trop réel. Boris ne s'était plus senti ainsi depuis si longtemps, depuis qu'il se l'était interdit. Il avait oublié cette sensation perturbante de ne plus avoir le contrôle sur lui-même. Décontenancé il ne put se cacher derrière son habituel commentaire sur l'amour, cette fumisterie n'étant qu'un ramassis de réactions chimiques ordinaires et programmées. Ce qu'il ressentait n'avait rien de commun.

Mû par une curiosité véhémente il lâcha prise, décidant finalement de prendre entièrement part à cette rêverie inconsciente.


Tremblant, il glisserait ses doigts dans les siens. Il remarquerait alors avec un plaisir certain l'effet de son initiative. Ces yeux dévisageant déjà avec tant d'attention se mettraient à pétiller. Galvanisé par cette action le reste de ses inhibitions s'écrouleraient, le laissant enfin goûter à l'intensité de ces sentiments. La contemplant lui aussi sans retenue, il profiterait pleinement de la beauté de ses traits. Il ne saurait pas d'où lui viendrait le courage mais sa main s'élancerait vers l'objet de sa convoitise, se posant sur sa joue et l'attirant doucement à lui.

Il repensa brièvement à la jeune romantique et son copain. A présent c'était lui qui transcendait quelqu'un. Lui que cette personne dévorait des yeux. Lui qui occupait l'ensemble de son esprit. Ou était-ce l'inverse ? Boris ne savait plus et surtout ne s'en préoccupait plus. Il avait plus important à faire ...

Son visage – plus particulièrement ses lèvres - seraient si proches de celles qu'il désirerait qu'il ne pourrait plus reculer. Leur effleurement le laisserait transi pendant quelques secondes. Passé le frisson du contact il l'embrasserait doucement, profitant de la tendresse de sa bouche. Rapidement leur baiser se ferait plus intense voire féroce. Pour l'approfondir sa main passerait derrière sa tête qu'il inclinerait, glissant délicatement sa langue malgré son excitation pour rejoindre la sienne. Sensuelle, cette caresse ferait l'effet d'une explosion. Leurs échanges se multiplieraient, passant de maladroits à plus assurés voire demandeurs à mesure qu'ils s'intensifieraient. Possédé par une envie devenue presque bestiale, sa main parcourant fougueusement ses cheveux se ferait plus pressante, accentuant sa pression pour rapprocher leurs deux visages. Il ne penserait plus qu'à se plonger à corps perdu dans cette danse charnelle. Sa pinte, la table, les chaises, tout aurait pu se renverser qu'il n'y prêterait aucune attention. Elle accaparerait toute la sienne. L'impression de ne plus pouvoir ressentir tellement ses sens étaient sollicités l'envahirait. Il se perdrait en elle. Chaque mouvement lui procurerait davantage de plaisir, sa langue étreignant langoureusement la sienne. Ses lèvres avides les interrompraient ponctuellement par des baisers fiévreux, avant de les laisser se retrouver avec une intensité redoublée. Tout ce qu'il lui importerait serait de prolonger ce moment.

Son cœur était sur le point de lâcher, battant comme jamais.

Ce qui était ironique vu que rien de tout cela n'était réel.


Il percuta. Malgré les brumes de ses pensées intenses, le souvenir que tout était fictif remonta brutalement. Il sentit un étau serrer sa poitrine qui finit par le ramener à la réalité. Abasourdi, Boris prit une pause et ferma les yeux. Il n'avait même pas réalisé qu'il les avait gardé ouverts. Il était resté immobile sur sa chaise, fixant aveuglément un point au loin devant la place vide en face de lui. Quel abruti. Il ne saurait dire combien de temps s'était passé. Il se força à expirer lentement. Tout cela n'était qu'un fragment de son imagination, il en était parfaitement conscient. Pourtant son esprit s'était emballé à une vitesse folle dans cette réflexion. 

Il souhaitait seulement s'imaginer. Seulement se demander ce qu'il aurait pu ressentir. Seulement se sentir désiré comme il ne l'avait plus été depuis ce qui lui semblait être une éternité. A la place une multitude d'émotions l'avait assailli, le laissant interdit. Un vrai désordre. Ses réactions lui échappaient complètement. Embrasser quelqu'un n'était pas si dingue ! 

Boris ouvrit les yeux pour poursuivre son expérience plus posément, persuadé qu'avec davantage de contrôle aucun autre épanchement se pourrait se produire. Au lieu de cela il se figea. Quelqu'un d'autre avait pris place à sa table. F@ded_Gravity. Il était à présent nez à nez avec celui qu'il attendait avec impatience. Il l'avait complètement oublié. Le rendez-vous. Les jeux vidéo. Sa boîte. La collaboration. Son obsession. Son cerveau se réveilla, rétablissant l'ordre des choses comme si rien ne s'était passé. Le brouhaha de la terrasse lui parvint à nouveau aux oreilles, l'odeur des cafés avoisinants lui chatouilla les narines et les mouvements de tous les clients l'entourant semblaient reprendre à cet instant. Balbutiant devant lui, Thibault s'excusait pour son retard d'une trentaine de minutes, vociférant sur les voitures qui ne respectaient rien en bloquant le passage des tramways.

Le résidu de songe qui avait tant transporté Boris semblait maintenant lointain. Le moment s'était évaporé, passé aussi vite qu'il était venu. Tout comme cette personne. Seuls ses yeux emplis d'intensité s'accrochèrent plus longuement dans son esprit, avant de finir eux aussi par se faire emporter par le retour à la réalité.


La distraction était finie. Le pitch de Boris commença à lui revenir en mémoire, l'idée de convaincre son geek providentiel l'animant de nouveau. Il se devait d'être persuasif pour le succès de son entreprise, l'ensemble du travail qu'il avait accompli et surtout celui que les deux hommes pourraient réaliser sur son nouveau projet. 

Des gens comptaient également sur lui. Comme ses employés qui l'attendaient quatre rues plus loin, déballant les cartons et installant le matériel propice au développement de sa boite. L'entrepreneur n'avait pas le temps pour des frivolités. Sa résolution avait été prise il y a quelques années et il s'y tenait. Le reste n'était pas compatible. Toutes ces pensées, cette imagination, voire ces divagations n'étaient qu'un fantasme stérile ... Ce n'était pas lui. Les choses ne pouvaient être faites à moitié. Boris ne se laisserait pas détourner de ses objectifs. Cela reviendrait à tout perdre. A renoncer. A se résigner. Or il était et resterait un battant allant toujours au bout de ses envies.


C'était sa vie, entièrement dédiée à sa volonté d'entreprendre.
C'était son choix. Son engagement. Sa vocation.

Et c'était cela le plus important.



En espérant que cela vous ait plu :) 

Je vous remercie pour votre lecture. N'hésitez toujours pas à laisser des commentaires constructifs, j'en raffole ! Vous trouverez des explications complémentaires sur mon blog Wordpress si ça vous intéresse (fun facts, concepts d'écriture, personnage ... ect).

Un grand Merci à mon Amour pour sa relecture x)

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