Chapitre 14 - Le Strīx de cristal (Partie 2)

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L’entraînement s’est terminé, plus de cinquante minutes auparavant. Nous finissons le repas mais mon corps est toujours lourd et je peine à garder les yeux ouverts. Voilà quatre semaines que je vole sans relâche chaque matin et que je manque de m’endormir chaque midi.

Une seule chose me fait tenir. Le Strīx.

Chaque matin, je m’entraîne, chaque après-midi, je l’observe.

Ces moments, je les chéris. D’abord, parce que je peux me reposer. C’est un avantage non-négligeable, pensais-je en m’affalant épuisé contre une racine du géant.

Mais surtout car la course du rapace dans les courants est pareille à une danse dont je ne me lasse pas. La bête colossale semble virevolter comme une plume. C’est en admirant de nombreux vols que j’ai pris conscience de la prodigieuse puissance de l’air.

Cependant ces contemplations ne sont pas vaines, j’ai tant progressé ces dernières semaines au moyen d’un entraînement acharné mais surtout de l’étude du Strīx. Je lui dois beaucoup, et malgré ma crainte, j’ai développé une sorte d’attachement pour l’animal.

Aïe ma tête. Un livre tombe à ma droite.

« Oups ça m’a échappé. Tu roupillais loustic. » s’excuse un Vīian très peu crédible.

Ronchon, je me redresse.

« Il est déjà 14 heures ? » je bougonne, la tête embrumée et les yeux gênés par la clarté ambiante.

« Il est même 15 heures passées. Allez, débarbouille-toi en vitesse et rejoins-moi au point habituel » ordonna le maître. Il disparut à travers l’un de ses portails.

J'ai dormi deux heures. Désormais, parfaitement réveillé, je souris en comprenant que le maître m’avait accordé une sieste. Une sieste avec, en bonus, un réveil violent à grand coup de livre, mais tout de même. Je lui étais reconnaissant de prendre soin de moi, bien qu'il ne l'admettra jamais.

Debout, je rejoins le bord du lagon pour me passer un peu d’eau fraîche sur le visage.

Je discerne une boule rousse parée de deux grande oreilles et d’une queue touffue, enroulée autour de son petit corps, qui flotte paisiblement, endormie au centre du lac. Une oreille tressaute pour faire fuir une mouche envahissante. Attendri, un doux sourire pointe sur mon visage.

Sans faire le moindre bruit, je me mouille la tête puis m’éloigne en prenant soin de ne pas réveiller Ooka.

À plat ventre au bord de la falaise, ma transe se poursuit. Le vent est impatient aujourd’hui et souffle comme jamais il ne l’a fait depuis que nous sommes sur le mont. En dépit de l’élément déchaîné, le Strīx fait son entrée, nullement dérangé. Ma vision méditative s’est élargie ces dernières semaines, et je discerne nettement ses contours alors qu’il dépasse l’orée du bois.

J’aimerais ouvrir les yeux pour admirer le plumage rutilant de l’oiseau, animé de mouvements amples, mais je me garde de le faire pour persévérer dans mon exercice. Le Strīx s’harmonise avec les courants changeants pour s’éviter trop de travail pendant la remontée. Déjà, ses contours se marient au vent et ses ailes, étendues au maximum de leurs envergures, battent plus tranquillement.

Lorsqu’il arrive proche de l’entrée de son nid, porté par un flux rapide ascendant, l’oiseau exécute un battement d’aile calculé pour s’extraire du courant. Pendant un dixième de seconde, l’afflux qui soutenait le rapace est brisé, ce qui lui permet de s’introduire dans son repère.

L’action me donne mille idées et j’ouvre les yeux pour en faire part au maître, allongé à ma gauche.

Le bonhomme dort. Quelle ironie Maître.

Je cherche des yeux le livre qui m’a agressé précédemment, mais il est trop bien gardé dans les bras de l’homme. Résigné, je réveille Vīian, trop gentiment à mon goût, et nous rentrons à la maisonnette pour discuter. La belle Ooka nous attends sur le canapé, endormie, fatiguée de sa sieste précédente. Quelle dormeuse !

Le lendemain, je m’exerce déjà à ces nouvelles techniques. En vol, alors que je cherche à changer de direction, je décide d’imiter un saut rapide. L’action ne brise pas le flux qui me portais mais me déplace d’un mètre en avant et le courant que je visais m’emporte. Satisfait, je m’exerce toute la matinée puis enthousiasmé par mes réussites, je continue même l’après-midi.

Alors que je m’assois près de lui, fourbu et courbaturé, Vīian se lance dans une description de ma danse dans le ciel.

« Je pense sincèrement, gamin, que ton vol est bien plus fluide depuis que tu as intégré cette méthode. Au fil des semaines, voler deviendra une nouvelle manière de marcher, je peux te l’assurer. Nous passerons bientôt à ma partie préférée, les techniques d’attaques et défenses. Dis-toi que les exercices que tu fais maintenant sont faciles à maîtriser. » explique le maître avec un sourire sadique.

Trop fatigué pour exprimer autre chose qu’une moue faussement dépité, je suis ravi de constater combien j’ai progressé en seulement cinq semaines. La perspective de n’être qu’au début de l’aventure ne m’effraie pas le moins du monde. Je suis bouillonnant de soif d’apprendre. Que sont quelques heures d’acharnement en plus pour réaliser son rêve ?

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