J'ai mal dormi cette nuit et je n'avais vraiment pas envie de venir en cours ce matin. J'ai beaucoup réfléchi à ce que j'ai dit à Arthur et aux possibles conséquences. Il y a encore une semaine, j'ignorais (vraiment ?) que je pouvais tomber amoureux d'un garçon et me voilà quelques jours après à faire mon coming out. En même temps, c'est lui qui m'avait embrassé à la piscine et je ne l'avais pas repoussé, donc au final je ne lui ai sans doute pas appris grand-chose. Toute la semaine dernière, j'avais réfléchi à ce moment passé dans la cabine et je n'avais plus beaucoup de doute sur sa signification mais il faut bien avouer que le dire à haute voix et devant quelqu'un ce n'est pas la même chose. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. Je ne pouvais pas juste recommencer à faire semblant d'apprécier les filles, comme si rien ne s'était passé.

Oui, je suis gay et oui je suis amoureux d'Arthur.

Là, ce qui m'angoisse, c'est de le croiser au lycée. Comment je vais me comporter et comment il va réagir ? Je ne pense pas qu'il en parlera à qui que ce soit, après tout, c'est lui qui est, en partie, responsable de la situation. Il m'a invité au match et après ce qu'il avait eu entre nous... et peut-être que lui aussi, il avait imaginé un scénario pas si éloigné de celui dont je rêvais. La question, c'est pourquoi au final ça s'est si mal passé ? Ma théorie, en tout cas celle que je préfère, c'est qu'il était encore plus mal à l'aise que moi. Mais si j'ai raison, est-ce que je dois le laisser tranquille pour qu'il évolue de lui-même ou au contraire en discuter avec lui pour essayer de débloquer la situation ? J'y ai longuement réfléchi et je sais que de toute façon, je ne pourrai pas attendre sans rien faire, donc même si je suis un garçon plutôt timide, je sais qu'il faudra que je lui parle.

– Salut, Lulu !

Julie comme à son habitude se jette dans mes bras, me sortant de mes pensées de manière un peu trop brutale et nous finissons tous les deux par terre, au milieu du couloir, devant les autres élèves de la classe tous morts de rire.

Je l'aide à se relever et l'entraine dans un coin plus tranquille.

– Ça va pas, la tête ! J'aurais pu me casser le coccyx.

– Je suis désolée, mais aussi, d'habitude, tu m'attrapes. Tu as bien dû me voir arriver... non ?

– Et ben non ! sinon, on ne serait pas tombés, figure-toi.

Je crois que, finalement, je vais pouvoir profiter de cette chute.

– Du coup, tu me dois un service !

– Comment ça ? Et quel service ? Parce que, là, je suppose que tu as une idée derrière la tête ?

Bon, difficile de tromper ma Juju, autant y aller cash.

– J'ai dit à ma mère qu'on sortait ensemble.

– Et...

– Et... je sais pas... ça serait bien que, la prochaine fois que tu la vois, tu lui confirmes, ou au moins que tu ne démentes pas, si elle en parle.

– Qu'est-ce que j'y gagne, moi, à mentir à tes parents ? Et il t'est pas venu à l'idée que justement je pourrais être amoureuse de toi et là tu me demandes de faire semblant de sortir avec toi ! me crie-t-elle dans les oreilles.

Je regarde Julie dans les yeux, ne sachant plus trop quoi penser, jusqu'à ce qu'elle éclate de rire.

– Ok grand couillon, tu verrais la tête que tu fais. Je veux bien mentir à tes parents, par contre, ça ne me dit pas pourquoi tu as dit ça à ta mère ?

Ses grands yeux noisette sont braqués sur les miens et elle me fait son regard de tueuse.

– Euh ! C'est pas simple à expliquer... Oh la sonnerie, comme c'est dommage, il faut aller en cours.

– Tu ne t'en tireras pas comme ça, je veux mon explication avant la fin de la journée sinon j'appelle ta mère pour te dénoncer !

Je ne prends pas la peine de lui répondre mais je sais qu'il faudra bien que je lui explique. De toute façon, avec Juju je suis sûr que je ne risque rien. Au collège, elle avait frappé un garçon qui se vantait d'avoir participé aux manifestations contre le mariage pour tous. Ça lui avait valu deux heures de colle et plus aucun garçon n'avait osé la draguer de toute l'année scolaire !