Chapitre 22 (mardi 29 mars 2022)

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L'entraîneur venait de donner le départ. Comme souvent, les nageurs terminaient leur entraînement par une course chronométrée dans des conditions proches de la compétition. Thomas avait pris un départ moyen, son handicap ne lui permettait pas d’avoir la même efficacité que ses camarades d'entraînements, mais arrivé au premier virage il était déjà en tête. Il reperdit un tout petit peu de son avance, car là aussi il était légèrement désavantagé, ne pouvant utiliser qu'une seule jambe pour pousser contre le mur de la piscine. Le bassin dans lequel le club s'entraînait ne faisant que vingt-cinq mètres, sur cent mètres le même problème se reproduisait donc trois fois, mais comme souvent, cela n'empêcha pas le jeune homme de gagner la course assez facilement.

– Félicitations les garçons ! Vous avez tous réalisé d'excellents temps. On va faire de superbes courses de relais.

Les nageurs sortirent tous de l'eau pour se diriger directement vers les vestiaires.

– Thomas ! Tu peux rester cinq minutes s'il te plaît ?

– Bien sûr, il y a un problème ? C'est avec les jeunes ? Cyril a été particulièrement pénible à l'entraînement la semaine dernière et j'ai dû intervenir plusieurs fois. Tu as eu ses parents au téléphone !?

– Non, non. Je n'ai eu personne et tu sais que de toute façon dans ce cas, nous soutenons toujours nos entraîneurs. Et puis vu son comportement, Cyril ne va surement pas se plaindre à ses parents. Non, il ne s'agit pas de ça... je voulais te reparler du cent mètres. Tu sais quel temps tu as fait aujourd'hui ?

– Non, mais je suppose qu'il doit être aux alentours des cinquante-trois secondes.

– Cinquante-deux secondes et cinq dixièmes ! Tu te rends compte, c'est exceptionnel ! Depuis le début de la saison, tu nages de manière beaucoup plus relâchée, ta technique s'est améliorée et tes progrès sont constants.

Après, quelques instants d'hésitation, Stéphane, l'entraîneur principal du club reprit.

– Tu sais à combien est le record de France ?

– Oui, quarante-six secondes quatre-vingt-quatorze.

– Tu sais très bien que je ne te parle pas du record d'Alain Bernard.

– Pourtant c'est le seul que je connaisse, répondit un peu sèchement Thomas, que cette discussion commençait à agacer.

– Réfléchis Thomas, avec un tel un temps tu pulvériserais le record de France et tu serais qualifié pour les J.O.

– Tu devrais plutôt dire les jeux paralympiques ! Mais tu ne comprends pas que j'en rien à faire !

Thomas avait encore haussé le ton et plusieurs personnes s'étaient retournés et regardaient les deux hommes. C'était assez rare qu'il perde son sang-froid, mais ils avaient déjà eu cette conversation plusieurs fois et le sujet l'énervait particulièrement. Néanmoins, il reprit plus calmement.

– Je te l'ai déjà expliqué, je refuse de me laisser définir comme nageur handicapé. Je suis un nageur comme les autres, avec des qualités et des défauts et avec encore j'espère une grande marge de progression. Certains ont une capacité respiratoire plus faible, d'autre moins de puissance, moi il me manque juste un morceau de jambe, et c'est comme ça. Je vis ma vie normalement. Lorsque je nage mes copains essaient de me battre, ils n'essaient pas de battre le nageur handicapé. Je ne ferais sans doute jamais les Jeux Olympiques et peut-être même jamais le cent mètres des championnats de France, mais c'est pour ça que je viens nager cinq fois par semaine... pas pour faire les paralympiques. Je comprends tout à fait que certains aient envie de cette reconnaissance, mais pas moi. Je veux juste être un homme... comme les autres. Pour moi, le sujet est définitivement clos.

– Ok, je comprends. Le président voulait que je t'en reparle, je l'ai fait, mais je te promets que je ne t'embêterais plus avec ça.

– Merci. À jeudi.

Thomas prit la direction des vestiaires, un peu plus calme que deux minutes auparavant, mais sans avoir complètement décoléré. Il détestait ces discussions. Il avait mis plusieurs mois après son accident pour reprendre le cours normal de sa vie. La piscine était le premier endroit dans lequel il s'était senti bien. Il avait très vite eu envie de nager dans un club, mais pas pour faire des compétitions, en tout cas au début. Il voulait juste être le plus à l'aise possible dans l'eau. Très vite le club avait voulu l'inscrire sur des compétitions handisports, mais il avait toujours refusé. Les jeux, qui n'étaient plus que dans deux ans, et les excellents temps qu'il réalisait avaient relancé un débat qui pour lui n'avait jamais existé, et il était hors de question qu'on lui impose quoi que ce soit.

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