Chapitre 44 (mardi 3 mai 2022)

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Arthur était de retour à l'hôpital militaire et comme promis il avait acheté, juste avant, la pizza préférée de son ami. Celle-ci fut la bienvenue, car l'humeur de Paul était plus que morose. Le chirurgien était passé le voir quelques minutes plus tôt et lui avait confirmé la nécessité d'une amputation. L'opération était même programmée au lendemain sur un créneau horaire qui s'était libéré.

– Tu te rends compte, on devait attendre et là d'un coup c'est l'opération et... Je croyais pourtant être prêt au pire, Arturo, mais je fais que chialer depuis une heure.

Son ami répétait plus ou moins la même chose depuis dix minutes mais parallèlement avait déjà bien entamé la "quatre fromages" posée devant lui.

– En tout cas, tu n'as pas perdu l'appétit. Et puis, t'as bien vu grâce à ce reportage dont tu m'as parlé hier que rien n'était impossible même avec une jambe en moins.

– Même pas une jambe entière, il va couper en-dessous du genou.

– Tu vois, finalement tu fais des manières pour pas grand-chose mon Paulo. Donne-moi plutôt un morceau de cette pizza et parle-moi de ce nageur.

Arthur connaissait bien son ami, il savait que celui-ci retrouverait vite le moral et que la meilleure façon de l'aider était de plaisanter et de surtout éviter de s'apitoyer sur son sort. Paulo lui en était reconnaissant, car les vingt minutes qu'il venait de passer au téléphone avec sa mère, l'avait sans doute plus perturbé que l'annonce du médecin.

– Le plus simple c'est que tu le voies ce fameux reportage, passe-moi la télécommande, je vais le remettre et ça me fera aussi du bien de le revoir.

Paul retrouva rapidement l'émission de sport dans laquelle était passé l'histoire du nageur. Il la fit avancer rapidement jusqu'au moment qui l'intéressait.

– Tu vas voir, c'est juste après.

Les deux jeunes hommes étaient concentrés sur la télévision, écoutant les paroles du présentateur :

"Et maintenant, nous allons revenir sur l'exploit réalisé il y a deux semaines par un jeune sportif français. Celui-ci, a non seulement battu le record de France du 100m nage libre handisport, catégorie S9, mais devient surtout le premier nageur amputé à se qualifier pour les championnats de France valide. Un reportage signé Stéphane Storzi."

À l'image du plateau de télévision, succéda celle d'une piscine et de ses tribunes en effervescence, puis très vite suivit un gros plan sur un nageur de dos. La prise de vue choisie mettait en évidence les jambes du jeune homme, avant qu'un zoom arrière ne permette de voir l'ensemble des nageurs s'élancer pour le début de la course. Le 100 m était filmé du début à la fin et ce fut seulement une fois tous les concurrents arrivés que le caméraman refit un gros plan sur la vedette du jour qui enlevait son bonnet de bain. Apparurent d'abord deux yeux bleus, aussi clairs que l'eau de la piscine, et puis enfin le visage d'un beau jeune homme d'une vingtaine d'années qui malgré un sourire de façade, semblait très déçu.

C'est à ce moment-là que Paul se retourna vers son ami qui venait de parler. Ce dernier avait prononcé plusieurs fois le même mot d'une voix tellement basse, qu'il ne l'avait pas compris.

– Qu'est-ce que tu as dit ? Tu vas bien, tu es tout pâle.

– Je le connais... putain, c'est... Lucas.

– Ben, je ne crois pas. Il doit peut-être ressembler à ton Lucas, mais le journaliste l'a appelé Thomas plusieurs fois pendant l'interview.

– Non, je suis sûr de moi. Il a changé, surtout physiquement, mais je peux t'assurer que je reconnais son visage.

– À voir ta tête, je dirais que c'est un ancien amoureux qui t'a largué.

Paul était le seul militaire à connaitre l'homosexualité d'Arthur qu'il avait surpris, lors de leur premier séjour ensemble, imbriqué dans un jeune homme dans une position qui aurait pu s'apparenter à de la lutte. À deux petits détails près, ils étaient nus et le jeune homme en question, qui n'était autre que le réceptionniste de l'Hôtel, avait les deux bras attachés au lit. Les deux amis furent aussi embêtés l'un que l'autre, mais une fois le moment de gêne passé et le prisonnier de retour à l'accueil, ils avaient rigolé de la situation.

– Tu ne crois pas si bien dire mon Paulo...

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