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La maison se situait à quelques rues de celle de ses parents, mais tout changeait après avoir traversé l'artère principale : ceux du Haut et ceux du Bas. L’école de musique, où ils s’étaient rencontrés, avait fermé, montrant ses stores délabrés qui battaient au vent avec lassitude. Dommage. Elle avait été son paradis, de ceux que l’on perd.

La maison était abandonnée. Il attendit dans la froideur de l’aube qu'un passant apparaisse. Il apprit que les parents étaient morts et Bob avait déménagé. Le vieil homme au chien revint courtoisement avec l’adresse. Ce n’était pas loin. Il arriva juste quand Bob sortait, sa mallette à la main.

— Salut.

— Bonjour, monsieur. Vous cherchez quelque chose ?

— Toi !

— On se connaît ?

— Oui. Nous étions adolescents…

Bob le dévisageait avec attention. On devinait son effort de mémoire. Le petit geste de recul confirma son intuition.

— Oh, c’est toi ? Comment m’as-tu trouvé ? Que deviens-tu ?

Cela puait la fausse sympathie.

— On peut parler cinq minutes ? Tu m’offres un café ?

— Je partais… Attends… Non, je n’ai pas de rendez-vous. D’accord, entre prendre un café.

Il s’était assis dans la cuisine, les mains sur ses cuisses, pendant que Bob relançait la machine encore tiède. On sentait une présence féminine dans l’agencement. Il s’en foutait.

Bob comblait la conversation en racontant sa vie sans intérêt dont il s’affirmait heureux. Il tentait d’éviter le point dur. Face au silence de son visiteur, il finit par craquer.

— Que veux-tu ?

— Rien ! Évoquer le passé…

Bob comprit l’inutilité d’esquiver.

— Je n’y suis pour rien…

— Quand ils nous ont coincés à la sortie pour le vol, tu aurais pu parler…

— Toi aussi ! Tu pouvais me dénoncer.

— Arrête ! Entre le petit blanc propre sur lui et le pauvre avec sa tronche qui fait forcément racaille…

— Ils ne savaient même pas que nous étions ensemble.

— Moi non plus ! Moi, je croyais que nous étions amis…

— Nous l’étions ! En plus, je t’admirais pour ta virtuosité.

— Pourquoi ne pas avoir dit que c’était toi ? Tu te serais fait engueuler, c’est tout !

— Mais tu n’as pas été condamné, toi non plus…

— Non, j’ai été exécuté.

— Comment ça ? Je ne t’ai jamais revu…

— Mes parents m’ont obligé à rembourser le vol. C’était l’argent que j’avais mis de côté pour la guitare…

— Je me souviens.

— J’y étais presque. La semaine suivante, elle n’était plus là.

Bob le regarda, attendant la suite.

— Alors, j’ai été voir Jack. Il m’a promis l’argent si je travaillais pour lui.

— Et alors ?

— J’ai acheté la guitare, mais je n’en ai jamais joué !

Bob le fixa, interrogateur.

— J’étais toujours redevable de quelque chose. L’engrenage…

— Oui, j’ai vu ton nom dans le journal quand ça a mal tourné.

— Un coup foireux monté contre moi…

Ils arrivaient à la fin. Il conclut :

— Toute ma vie a basculé à cause d’une parole. D’une absence de parole.

— Tu ne peux pas me rendre responsable du ratage de ta vie. Pas pour ne pas avoir avoué.

— Tout était peut-être défavorable, mais j’avais une porte de sortie. Tu le savais…

— Oui. Je n’ai pas trop réfléchi…

Il referma cette dernière porte.

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