Chapitre Q U A T R E

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LES RAYONS DU SOLEIL cognant sur le carreau me réveillent contre mon gré. J'enfonce ma tête dans mon coussin moelleux mais cela ne règle rien et ne fait que m'étouffer. J'entends du bruit derrière la porte de ma chambre....

Attends, qu'est-ce que je fais là ?! Comment suis-je rentrée ?!

Pas de panique, il y a une réponse à tout.

Je panique. En plus je porte des vêtements différents de la veille !

La porte s'ouvre sur Miranda tenant un café noir dans la main.

-La Belle au bois dormant se réveille ?

-Qu'est-ce que je fais là ?

-A ton avis ? Tu dors, plutôt tu dormais.

-Non, je veux dire comment je suis rentrée ?

- Un Monsieur en costard, je pense que c'est ton milliardaire, un canon entre parenthèses. Il t'a porté jusqu'à là porte et m'a appelé sur ton portable, qui était selon lui sur le siège, parce qu'il ne voulait pas te fouiller disant que tu serais prête à porter plainte contre lui pour harcèlement sexuel, ce qui est totalement vrai, tu en es capable. Donc il m'a attendu pendant quarante-cinq minutes pour que j'ouvre la porte, j'ai donc dû te fouiller. Il t'a posé comme une princesse sur le lit puis m'a dit de t'acheter des trucs contre la gueule de bois. Je t'ai changé et bordé. Elle reprend son souffle. Tu t'es bourré la gueule en plein boulot ?

-Les heures de travail étaient bien dépassées.

-Oui mais tu as fait un K.O total, j'ai cru que t'allais être dans le coma ! Et tu dois lui coller la peau des fesses H24 normalement donc il n'y a pas d'heures qui tiennent.

Je me frotte le front avec les paumes de mes mains. Sa voix non-stop me donne la migraine, en plus du fait qu'elle me fasse la morale.

-Je me demande ce que dirait ta mère hein !

Je lève la tête vers elle avec un regard grave et sévère.

-Pardon, excuse moi, elle baisse la tête, c'est sorti tout seul.

- Pas grave... Comment il a su qu'il devait t'appeler ?

Je me lève et m'en vais direction la cuisine mais tombe nez à nez avec Chris qui a les bras croisés. Ça sent pas bon, pas bon du tout...

- Il a vu l'émoji cœur que t'as mis à côté de mon prénom dit-elle en nous rejoignant.

Il a dû ne pas vouloir appeler Chris qui était le dernier numéro m'ayant appelé hier. Lui aussi a un émoji cœur suivi de son prénom avec une photo de lui et moi, lui m'embrassant la joue pendant que moi je fais la tête.

Chris ne bouge pas d'un poil et me fixe toujours avec un sourcil arqué.

-Shalut essayé-je de dire avec un bout de divorcé dans la bouche. Merchi d'avoir amené des gâteaux.

-Ils sont pas pour toi.

Il prend toute la boîte ne me laissant pas goûter aux chaussons aux pommes.

-Tu as mal agi hier, tu as dû lui faire honte, surtout à toi.

-Tant mieux si je lui ai fait honte, et pour moi aucun problème, ça n'attirera personne vers moi.

-Il faut que tu arrêtes Hayden.

Sa voix est calme et sérieuse, droite menant vers le point culminant de cette conversation : mon amour pour la boisson.

- Je ne peux pas changer d'un coup.

-Tu n'as même pas essayer de changer ne serait ce qu'une fois ! Je comprends que c'est dur, tu ne sais pas à quelle point je m'en veux de... Essayes juste.

- Tu crois que j'ai voulu être comme ça ?! Arrête de me voir comme une petite chose fragile, ce n'est pas de ta faute ! Ne me saoulez pas !

Je me dirige vers la salle de bain et claque fortement la porte avant de la fermer à double tour. Ma respiration reprend un rythme régulier lorsque je ferme les yeux.

Je n'ai jamais voulu ça.

***

Il y a un silence pesant dans la voiture. Miranda a juste déclaré que nous allions manger dehors, elle ne veut qu'apaiser les tensions toujours palpables entre Chris et moi. Je me retrouve à être assise sur la banquette arrière, place normalement désignée pour son chien Phineas ou pour Miranda qui en profite toujours pour allonger ses jambes longilignes.

Je profite du silence pour reposer mes yeux et mon esprit. Les médicaments contre la gueule de bois, qui sont devenus une partie intégrante de ma vie, ont fait effet de manière rapide.

Je me sens comme sur un nuage mais cet effet s'arrête lorsqu'on arrive à un endroit que je ne connais pas.

Je sors de la voiture après eux et regarde les alentours.

-T'es sûre de ton coup Miranda ? Il n'y a pas un chat ici, aucun serveur.

-Ne t'inquiètes pas, juste rentrons à l'intérieur.

Je les suis en traînant des pieds avec les mains dans les poches. L'intérieur est assez simple, des murs couleur café et des chaises en bois. On aurait dit une salle d'attente.

En examinant les recoins de la pièce juste avec mes yeux je remarque l'attitude de mes deux amis. Chris lance des regards furtifs vers Miranda pendant que celle-ci se mord la joue et tape du pied.

Ils vont me faire un coup. Je peux donc comprendre que ce n'est pas un restaurant mais bien autre chose. L'endroit a trop un air médical pour être un restaurant.

- Le rendez-vous de 15 heures.

- Quel nom ?

- Hayden Fawkes...

Je compte faire un immense trou dans le dos de Miranda avec mes yeux. Peut-être se révèlera-t-il que j'ai des pouvoirs comme cette série qui passe en boucle... Comment elle s'appelle déjà ? Ah.. Don't look at my eyes, une série pour ado prépubère qui pourrait être un mix entre Twilight, Teen wolf et Vampire diaries.

On nous ouvre une porte sur une salle n'ayant que des chaises en cercle. Oh et bien sûr les fesses des gens qui me dévisagent dessus.

Je sens une pression dans mon dos pour me faire avancer et me retourne rapidement, juste le temps de voir le sourire désolé de ma soi-disant amie et le regard mauvais de celui que je vois comme mon frère, avant d'avoir la porte se claquant devant mon nez.

Le silence est de manière incontournablement inconfortable .

Je pivote sur moi-même pour voir les visages stoïques de ces individus. Je souris, bien sûr un sourire le plus faux existant au monde que je ressors à tout moment de crise comme la dernière fois à la vue de la photo du bébé de l'une de mes collègues. Je ne pouvais pas lui dire qu'il était hideux...

Je m'assois sans trop faire de bruit. La femme à ma droite me sourit légèrement mais je ne le lui rends pas.

Un homme se racle la gorge pour reprendre l'attention du groupe sur sa personne. Il ressemble à un geek, un geek étant sorti tout droit de Big Bang Theory. Son tatouage de Frank Sinatra sur son bras gauche, laisse montrer son goût pour la musique.

-Bon nous pouvons continuer les présentations.

Une jeune brune aux mèches violettes dépassant de son chignon, au moins dans la vingtaine avec des yeux rougis par le sang, prend brusquement la parole. Elle tire sur ses manches frénétiquement et maladroitement.

- Je m'appelle Millie Mornin, j'ai 18 ans... Je suis i-ici parce que.... J'ai une adic.. hum... J'ai une addiction à l'alcool.

Et voilà mon hypothèse se révèle être vraie. Je sentais que ce coup bas allait arriver un jour ou l'autre.

Les noms passent et toujours la même raison de leur présence se répète comme si on voulait nous bourrer le crâne de ces mots, de cette situation, une sorte de punition qui a fait pleurer par exemple le vieux Xin Ho, laissant dégouliner le produit lacrymal de ses yeux sur sa chemise bleue.

-Et vous ? Qui êtes-vous ?

Je relève ma tête. C'est à mon tour de buter sur les mots juste pour dire que je suis une putain d'alcoolo mais le problème, c'est que je n'ai aucune envie d'arrêter si je me sens bien. Je n'ai pas choisi de sauter du haut d'un building ou de me taillader les veines mais de mélanger ma peine avec le plaisir de la boisson. Après avoir quand même pensé ou essayé ces options.

-Je passe mon tour.

- Et pourquoi donc ? Tout le monde y est passé.

- Je n'ai pas envie de me plaindre comme ces bons jeunes gens qui pourraient remplir un puit au Soudan avec toutes ces larmes inutiles.

Il sourit puis remet ses lunettes sur son nez.

-Alors vous ne voulez pas avancer, vous pouvez partir.


Comment ? Juste comme ça ?

-C'est bien trop facile..je réponds, étonnée par son comportement.

-De ?

- De partir ! Vous n'allez pas me dire " non le mieux est d'avancer et pour avoir une vie bien meilleure, il faut abandonner les démons qui nous enchaînent " ou votre speech à la con de psy ?

- Je ne force personne à rester, ceux qui veulent s'en sortir restent, les autres font ce qu'ils veulent de leur vie. Ce n'est pas la mienne mais ce serait triste tout de même de voir petit à petit une vie s'éteindre. argumente-t-il en s'enfonçant dans son siège et en croisant les jambes tout en lisant le bout de papier entre ses mains. Depuis quand un psy peut se montrer aussi condescendant envers quelqu'un ? Il peut bient l'être après ses heures de travail !

Les autres ne sont que spectateurs de notre dialogue. Ils attendent la répartie de chacun et acquiesce au discours de... De qui ? Je lis sur une petite plaque en métal accrocher à sa poitrine "Brad Urvin".

- Je ne veux pas m'en sortir car je ne sais pas si je peux vivre avec ce fardeau sur mes épaules sans ! Et qui êtes vous pour m'aider ? Comment pouvez-vous comprendre ? Il s'apprête à répondre mais je le coupe en plein chemin , Oh je sais vous êtes un rescapé de l'alcoolisme et vous êtes devenu le bon berger nous menant vers la vie promise et idéale de la société civile d'aujourd'hui. Vous devez avoir un témoignage tellement poignant pour que les gens vous écoutent ! Mais moi je ne suis pas dupe !

-Partez donc.

- Je ne partirai pas ! Je ne sais même pas dans quelle ville nous sommes !

- Alors que faîtes vous là, comment vous êtes vous retrouvé là ? demande-t-il toujours d'une voix calme alors que je m'emporte, il ne me regarde même pas, étant focalisé sur sa feuille. Cherche-t-il à me pousser à bout ?

-Je suis là pour mon alcoolisme contre mon gré !

- C'est bien dommage pour vous mademoiselle... ?

-Hayden Fawkes.

Je suis tombée comme une débutante dans son piège. Un petit rire nerveux sort et lui remet ses lunettes en place avec un sourire en coin. Ses yeux croisent enfin les miens, montrant qu'il a gagné la partie en utilisant un de ses tours de psy, comme la psychologie inversé.

- Bienvenue Mademoiselle Fawkes à cette réunion d'alcoolique pas si anonymes que ça.

***

Un silence de mort envahit le véhicule. Je me retrouve à l'arrière, les bras croisés au bord de la vitre baissée de la voiture. Le vent fait envoler quelques mèches de mes cheveux, et cette brise me fait fermer les yeux.

Le bruit de lèvres se décollant l'une de l'autre attire mon attention.

-Alors, c'était comment ?

-Je ne vais pas vous parler pendant maximum trois jours, je vous préviens.

Miranda se retourne en faisant la moue avec la bouche en cul de canard.

- C'est pour ton bien, t'inquiètes tu vas t'y faire.

-Ah ! En plus je dois y repartir ? On va dire deux bonnes semaines alors.

-Allez ne soit pas comme ça...

Je ne sors plus un mot. Arrivée devant mon habitacle, je ferme la porte devant eux et laisse la clé sur la porte pour que Chris ne puisse pas rentrer avec l'autre clé.

À peine la porte fermée, j'enlève à grande vitesse ma veste et mes converses puis me rue sur la première bouteille d'alcool que je vois, buvant d'une traite le liquide brûlant.

Voyons voir les nouvelles de ce jour à la télé.

***

J'arrive avec le sourire au bureau de Stevenson en repensant à la soirée que j'ai foutu juste un tout petit peu en l'air. Le voir avec un visage grave dans mes pensées, me réjouis déjà.

Je salue Daisy, qui me répond par une tête confuse. Je rentre ensuite directement dans le bureau du grand patron.

-Bonjour ! N'est-ce pas une bonne journée ?

Il lève la tête vers moi avec un sourcil levé.

-C'était une super soirée la dernière fois non? On devrait remettre ça.

-Je ne pense pas, non. Après le foutoir que vous avez fait hier, je peux vous dire que ce n'est pas une bonne journée non. dit-il avec le visage sévère et les bras croisé sur son bureau.

-Oh allez ! Vous pourrez vous amusez comme l'autre fois et moi je ferai une distraction assez importante...

- De quoi est-ce que vous parlez en disant s'amuser ?

Je pose mes bras sur son bureau en bois et rapproche mon visage vers lui.

-Vous savez très bien de quoi je parle.. dis-je avec un sourire au coin des lèvres.

Son visage reste impassible, on aurait dit un robot, un être doté d'aucun sentiment.

- Vous n'avez pas envie de savoir ce que je sais ?

- Pas le moins du monde voyez-vous, j'ai d'autres chats à fouetter. Donc j'en ai que faire de vos ragots sur ma personne.

- Même si je les montre ?

Oh ! Sa mâchoire se crispe légèrement. Je profite de son état pour lui susurrer quelques mots dans l'oreille.

-Ou plutôt que je fasse écouter ce que j'ai enregistré ?

Et voilà.

Son corps se crispe instantanément et ses yeux pénètrent les miens.

- Vous n'aviez même pas remarqué la présence d'une autre personne gloussé-je doucement. Maintenant vous avez peur de moi ?

Sa respiration reste calme et posée alors que moi j'entends mon cœur battre à tout rompre. J'ai l'impression de le tenir en haleine depuis de très longues minutes et qu'un léger sourire apparaît sur mes lèvres bien trop proche de son visage.

-Vous ne vous en sortirez pas comme ça, soyez en sûre. J'évite de péter un câble en ce moment même car je suis quelqu'un de courtois.

- Courtois ? Mon oeil, je réplique en m'avançant toujours aussi dangereusement de lui. Vous pouvez dire à votre ami Thomas que vous n'allez pas réussir de sitôt votre petit pari.

Il glousse tout doucement face à ma répartie et avance ses lèvres à mon oreille gauche.

- Vous perdez votre temps, de vous même vous aller partir. Vous vous croyez tellement en haut, vous les journalistes, mais je peux vous ramener bien bas.

Ouh, que de mots tendres et gentils, on adore ! Ces mots sont comme des caresses pour mes oreilles, si seulement il le savait.

- Vos menaces ne servent à rien puisque le monde connaît déjà cette partie de moi. Ce sera juste dommage pour le mariage des Desmond. Et faîtes moi une faveur, vous puez l'alcool mademoiselle Fawkes, je vous prie donc de reculer votre visage du mien.

Ce moment se rompt au bruit de la porte s'ouvrant, ce qui amène nos regards en direction d'une Daisy gênée et d'une Madame Stevenson tirée par quatre épingles et le regard hautain sur son fils. Ce regard me fait reprendre mes esprits, découvrant que je suis complètement sur le bureau. Je descends donc du meuble et m'assois convenablement comme si de rien n'était, lui essaie de se concentrer sur les feuilles devant lui.

- J'espère que je ne vous dérange pas dans votre "travail", il en serait regrettable.

- Maman... Qu'est ce que tu fais là ?

Elle s'approche de son fils et lui pose une main sur l'épaule tout en me sondant, telle une matriarche d'un royaume. Je n'ose pas retenir son regard, chose que je fais normalement mais une gêne anormale m'y retient. C'est sûr que l'image que je lui ai donnée hier ne m'a pas fait remonter dans son estime. Je ne dois être qu'une guenon de plus, pour elle, qui veut attirer son fils.

- Ton père veut te voir demain, c'est à propos d'une affaire où il veut ton aide.

- Tu aurais pu me le dire au téléphone non ? dit-il après avoir soupiré.

- Je voulais voir si tout allait bien ici mon cœur.

- Comme tu peux le voir, tout va pour le mieux maman ! Je suis désolé mais je n'ai pas le temps aujourd'hui pour -

-Tu as pu remonter les bretelles à cette jeune femme j'espère ? coupe-t-elle en me montrant du doigt (Hé c'est pas poli !).

- Oui ne t'inquiètes pas, c'est fait, réponds-t-il, comme pressé et ennuyé de la présence de sa génitrice. Je suis désolé mais aujourd'hui n'est pas vraiment le bon jour.

-Samuel, écoute un peu...

Il prend le combiné et appuie sur l'interphone pendant que sa mère continue à parler en arrière plan de ma présence, de mon comportement d'hier, d'affaires, et demande à Daisy de raccompagner sa mère jusqu'à la porte. Action mise en place mais vue d'un mauvais œil pour sa mère. Se faire congédier, en plus par son fils chéri, ne doit pas être une habitude pour elle.

Je le remarque à sa mine estomaquée et un "Oh Samuel" combo main sur le coeur enveloppé d'une blouse en soie perlée qui veut dire "comment peux-tu ?!" en langue bourgeoise. Sans oublier, le clou final : nous toiser chacun notre tour de toute sa hauteur en marchant à reculon pour ne pas nous quitter des yeux. Un duel froid et silencieux tel un western se passe, et moi je me retrouve spectatrice avec une Daisy qui ne sait que faire de cette situation.

De manière non certaine, elle réussit à l'inviter à lui faire passer le pas de la porte qu'elle referme doucement. La porte fermée, Le Stevenson reste un moment silencieux après un long soupir (une bourrasque on pourrait dire), entremêle ses mains ensemble puis me regarde fixement tout en se donnat une contenance, afin d'oublier cette épisode digne des Feux de L'Amour.

- Il faut qu'on parle. Attendez moi jusqu'à la fin de la journée puis nous partirons manger.

- Je pense qu'il vaille mieux que vous retrouviez votre mère, il semble qu'elle a beaucoup de choses à vous dire. De plus, j'ai autre chose de prévu.

- Quoi ? Vous allez manger avec votre fiancé ? Il peut attendre ! Il y a plus urgent en ce moment, comme votre attitude entre autre.

Sa répartie me fait rire intérieurement, le fait de s'énerver contre Chris - mon faux fiancé alors que je n'ai jamais dit que j'en avais - est plutôt amusant. J'ai l'impression de jouer avec un enfant qui est jaloux du jouet d'un autre. Mais le hic est que je ne suis pas un jouet.

- Compris..., répondis-je par curiosité de ce qu'il compte faire pour mon "attitude". Mais ne vous faites pas attendre.

***

Ma veste me protège du vent frais de Manhattan, mais mes converses ne font qu'accompagner mes sautillements dû au froid qui traverse mes souliers (encore une fois). Je n'ai pas voulu l'attendre. Il ne me regardait plus, lisait attentivement et passait des coups de fils dans des langues étrangères, ce que j'ai souligné dans mon cahier.

Ces conversations ne s'arrêtaient plus, j'ai donc décidé de ne plus les entendre et prendre l'air cinq minutes avant la "fermeture", aussi j'en ai profité pour boire les dernières gouttes de whisky qu'il restait dans ma flasque.

Le voilà qui sort tout en mettant son long manteau gris clair. Il me remarque et m'incite à rentrer dans la limousine qui l'attend quand même depuis de longues heures. Je me demande comment fait Mr Simon pour rester assis dans ce véhicule toute la journée.

J'ai su son nom en lui parlant pendant ses cinq minutes de pause. C'est un vieil homme charmant et cela me fait de la peine que je ne puisse pas le connaître davantage.

Le véhicule nous emmène loin de l'entreprise Stevenson. Aucun son ne sort de nos bouches. Nous regardons respectivement à travers les fenêtres les lumières de la ville. Sa main se pose entre nous et je l'évite en me pressant plus vers la portière, il remarque ma position mais ne pose aucune question et ne bouge pas d'un pouce ce qui fait que je marmonne des insultes.

- Cela fait longtemps que vous vivez à Manhattan ?

Je me tourne vers lui, vérifiant que c'est bien lui qui vient de me parler.

Il est toujours dans la même position.

- Je pense être né ici, dis-je en enfonçant mes mains dans les poches et regardant mes chaussures pour éviter son regard.

-Vous pensez ?

- Oui, comme vous vous êtes nés à Londres mais avez toujours vécu à Manhattan et bien c'est pareil pour moi.

- C'est là où vous vous trompez.

Je fronce les sourcils.

- Je n'ai pas toujours vécu ici, je vivais à l'étranger, à Londres jusqu'à mes douze ans.

-Vous êtes anglais ?

-Non, je suis bien américain, il se racle la gorge avant de continuer, il y a eu juste de petites complications.

- C'est-à-dire ?

- Vous savez... Vous me faites rire avec toutes ces questions.

Un léger sourire apparaît, du moins c'est ce que je peux voir sur sa commissure de lèvres qui n'est pas caché par sa main. Un sourire pas de superstar mais un joli sourire quand même...

- J'ai l'impression que vous oubliez que je suis journaliste, dis-je en le regardant cette fois-ci dans les yeux avec une certaine confusion.

- Une journaliste plutôt hors du commun.

- Comment ça ?

Il se tourne complètement vers moi et je peux affirmer qu'il sourit comme s'il s'amusait.

- Vous semblez vous foutre de tout et de broyer du noir chaque seconde de votre vie. Vous avez ce petit sourire mesquin comme si vous alliez tuer quelqu'un... Du genre Dexter ! Vous êtes aigrie et encombrante...

-Oh ! Je suis flatté, coupée-je, c'est vrai que je trouve qu'il y a une ressemblance malsaine entre -

- Et, reprend-t-il, vous avez pourtant l'air de vous amuser quand vous êtes auprès de personnes que vous aimez... Comme votre fiancé...

Sa mâchoire se contracte, je devrais noter dans mon cahier cette habitude. Surtout que je ne vois pas pourquoi il a une telle réaction en pensant à Chris. Peut-être que c'est juste l'effroyable idée que moi, Hayde, ait un petit ami.

-... M'avez-vous observé ?

- Peut-être bien. Bon... pas juste peut-être. Je vous ai observée pour trouver le moyen de vous renvoyer. Mais je me suis dit que vous êtes amusante. Et oui, même après le boucan que vous avez fait.... Que je ne pardonne en aucun cas.

- Que vous êtes généreux, dis-je avec un ton ironique tout en pouffant de rire et levant les mains comme si je m'apprête à attraper ses joues (ce que je ne fais pas évidemment) .

Sans me rendre compte je lui donne un sourire que je donne seulement à mes amis et lui me rend un sourire que je trouve plutôt pas mal ? J'ai bien l'impression que cela fait plusieurs minutes qu'on se regarde dans le blanc des yeux avec des sourires idiots.

J'espère que ce dîner se terminera vite car je pense avoir attrapé une maladie étrange, moi qui n'aime pas ces êtres de "puissances économiques" de pacotille, quelle mouche m'a piqué pour éprouver pour lui une certaine sympathie ?

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