Mon home sweet home
C'est un havre de paix, dans un petit village de pierres du sud de la France inondé de soleil...
J'ai mené une vie de bohème sans "chez moi" pendant près de vingt ans. Pas vraiment SDF au sens premier du terme, non... Disons plutôt vagabond céleste, toujours deux ou trois invitations d'avance entre famille, amis de longue date ou retrouvailles avec des potes saisonniers rencontrés plus récemment. L'hiver à la montagne, l'été à la mer et les inter-saisons à suivre le vent. J'en ai bouclé des tours de France, j'ai arrêté de compter ! Mis à part quelques coups de spleen aussi rares que furtifs, cette existence colorée d'imprévus me convenait très bien...
Puis la crise de la quarantaine a pointé le bout de son nez et s'est manifestée sous la forme d'un essouflement, d'une envie de poser les valises... Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain bien sûr, plutôt comme un cheminement. D'abord on y songe avec légèreté comme quelque chose de presque inaccessible, en s'endormant un soir dans le canapé d'un couple d'amis. Puis de plus en plus souvent, ce rêve éveillé devenait presque envahissant... Trop ancré dans mon tempérament de baroudeur, je me disais que j'avais le temps, qu'il fallait laisser faire la vie, ne pas brusquer les choses et surtout, que la routine risquait de m'ennuyer ! Autant de fausses excuses pour rester dans le "confort" d'un fonctionnement dont je maîtrisais désormais tous les rouages, me voiler la face et ne pas prendre le taureau par les cornes.
Et puis la vie m'a envoyé un signe en ce début d'année 2020. Pas supersticieux pour un sou mais toujours attentif aux symboles du karma, j'ai décidé de saisir l'opportunité qui se présentait. Un restaurant à l'abandon et un appartement à louer à une centaine de mètres, dans un joli petit village du Gard ou j'étais de passage... Banco ! j'ai dit.
C'est tout moi, ça... Trois ans que je touche le RSA sans me soucier de quoi que ce soit d'autre que du prochain mécène qui m'accueillera pour quelques chapitres et le jour où je décide de m'installer pour reprendre du service, une pandémie mondiale vient confiner la France le mois suivant ! Bien joué le timing Mamat, nickel... Tu pouvais pas mieux tomber ! Ceci étant et contre toute attente, le premier confinement a boosté les ventes à emporter et l'activité restait rentable. Je crois que j'ai un peu égayé le quotidien de mes nouveaux voisins contraints à la réclusion, certains m'ont même flatté en me disant que je faisais partie de ces héros du quotidien. N'exagérons rien, je n'ai sauvé aucune vie, rétorquais-je sans fausse modestie aucune. Néanmoins, c'est toujours agréable à entendre, il faut bien le reconnaître...
Mais je m'égare, laissons de côté le restaurant et revenons à ce qui nous intéresse ici, l'appartement... Tel un jeune adulte qui prend son envol et quitte le nid parental, j'ai redécouvert les joies d'avoir un cocon bien à moi. Meubler, agencer, décorer, fleurir petit à petit pour me créer un univers perso, déballer avec émerveillement les cartons de livres enfouis dans le grenier de mes parents depuis des lustres, ne dépendre de personne, recevoir qui je veux comme je l'entends, m'isoler sans avoir de compte à rendre quand j'en éprouve le besoin... C'est jouissif, j'en conviens et j'avoue même que je me suis embourgeoisé un tantinet avec un canapé d'angle à plus de mille euros, une fontaine bouddha, des luminaires, un piano et un bureau en mezzanine qui pour l'instant, restons pragmatique, sert plus à la comptabilité qu'à l'écriture...
Mais ce deuxième confinement vient bousculer tout cela. Cette fois, à part les coiffeuses, les esthéticiennes ou les restaurateurs ne pouvant pas proposer d'emporté, tout le monde va bosser. Plus de quotidien reclus à égayer ! Inévitablement, les commandes de pizzas ou de burgers n'ont rien à voir avec celles du printemps... Le fonds de soutien, poudre aux yeux lancée par l'état pour l'opinion publique, ne compensera pas la totalité des pertes, c'est certain ! J'en vois déjà certains s'offusquer mais entendons nous bien, je ne crache pas dans la soupe et j'admets que c'est toujours ça de pris. Simplement, la banquière commence à toquer à la porte et mes jolis yeux bleus ne suffisent plus à la calmer pour justifier le dépassement du découvert. Les recettes du mois de décembre seront décisives et l'éventualité de tout envoyer balader pour reprendre la route commence à me trotter dans la tête, on ne se refait pas ! Dommage, je commençais à me sentir bien installé mais je prends les choses avec philosophie :
Les choses sont ce qu'elles sont et ce qui doit arriver arrivera...
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