Confrontation

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  • C'était à prévoir, lâcha Lakr dans un murmure.

Prask et Lakr s'étaient installé à l'abri des regards, en se rencontrant par hasard dans petit kiosque d'un jardin abandonné. Rares étaient ceux qui venaient jusqu'ici et si ça avait été le cas, il serait facile de s'en appercevoir depuis l'emplacement des deux compères, qui partageaient l'air de rien une tasse de thé. Le soleil était haut dans le ciel. La nature chantonnait tout autour.

Mais les deux amis étaient graves. Prask venait d'annoncer à Lakr que, comme il le pensait, la démoniapole en avait après lui.

  • C'est une belle journée, n'est-ce pas ? fit Lakr sans entrain.

Prask hocha gravement la tête, ne sachant que faire d'autre. Un long silence s'installa. Il ne fut brisé que par Lakr qui posa calmement sa tasse.

  • Prask... c'est la dernière fois avant un long moment que nous nous voyons.

Le ministre redoutait ces paroles. Il s'y attendait, bien sûr, mais cela était plus difficile à entendre dans la réalité.

  • Tu ne peux pas me forcer à rester à l'abri si tu es en danger, protesta Prask.
  • Bon sang, Prask, le danger est plus grand que ça ! s'anima soudainement Lakr. Si je tombe, c'est une chose, mais si tu tombes avec moi, la résistance est perdue ! Je suis sous surveillance, j'ai plusieurs fois apperçu des individus louches rôder autour de mon manoir. Je suis certain qu'ils me suivent. Si c'est Kalr en personne qui a des doutes, il ne lachera pas l'affaire. Alors en restant ensemble, nous menaçons l'ensemble de notre réseau ! Non, le risque est trop grand. Tu me manquera, mon ami, sois-en certain, mais il serait irresponsable de faire comme si de rien n'était. C'est déjà un risque de se retrouver ici.

Le soleil semblait à présent bien agressif à Prask, comme en décalage avec la pluie de solitude qui menaçait son esprit. Quant à sa tasse, elle avait comme goût amer.

  • Ils savent déjà que nous sommes ami, répondit PrasK. Séparation ou pas, je risque de perdre mon poste à tout moment. Si tu te fais capturer... C'en est fini. Pour moi aussi.

Lakr ne bougea pas. Il resta silencieux, les yeux fermé, comme si pendant un instant il était devenu statue pour ne plus penser aux problèmes des vivants.

  • Alors nous n'avons pas le choix. C'est toi qui doit me livrer, lâcha le noble calmement, presque distraitement.

La tasse de Prask se cassa au sol lorsque dernier se leva brusquement, suffoqué.

  • Comment peux-tu me demander ça ? Lakr, es-tu devenu fou ? Jamais je ne pourrais faire une chose pareille !
  • C'est la seul solution ! Ne le vois-tu pas ? Si tu me livres, tu laveras du même coup les soupçons qui planent sur toi et tu pourras continuer à aider la résistance !
  • Jamais je n'accepterais de te sacrifier pour me sauver ! Jamais. Plutôt mourir !
  • Cela dépasse nos vies, Prask ! Nous parlons de l'avenir de notre peuple entier ! De notre réussite dépendra peut-être la liberté des démons !

Lakr s'était lui aussi levé à présent, et les deux amis se faisait face.

  • Peu m'importe le peuple ! s'exclama le ministre. De tous ses individus, tu es le seul qui compte à mes yeux. Si tu dois mourir, je... toute notre révolution ne sera qu'un échec. Il y a d'autre réseaux, Lakr ! Laissons-leur le flambeau. Je n'en peut plus.

La voie de Prask flancha en prononçant ces derniers mot. Il s'affaissa sur le banc, tournant le dos à Lakr, qui s'était tu et se tenait de nouveau immobile.

  • Prask...
  • Pardon, mon ami. Je sais que je te déçois. Mais je ne peux pas faire ça. Trier des informations, saboter le plus possible le système de l'intérieur, t'avertir des dangers, ça oui. Mais te sacrifier... Je n'ai pas assez foi en notre cause pour cela. La liberté ne vaut pas ta mort. Désolé.

Prask pris sa tête dans ses mains, les coudes sur la table. Il avait l'impression de ne plus rien sentir, plus rien qu'un immense vide. Il n'était pas au fond du gouffre, mais il pouvait l'appercevoir du bord. La main de Lakr se posa sur son épaule.

  • Je... je suis désolé moi aussi. Je sais que je t'en demande beaucoup. C'est ma faute, je t'ai malmené ces derniers jours. Mais là... Au moins dis-toi que c'est la dernière fois que je te ferai subir mes caprices. C'est la seule solu...
  • NON !

Prask releva la tête et se retourna brusquement vers Lakr, qui sursauta.

  • Il doit y avoir un autre moyen ! Laisse moi chercher ! Un mois ou deux, ou bien seulement dix jours si c'est trop, mais je trouverais un moyen de te couvrir. Laisse moi ce temps, Lakr.

Lakr hésita. Prask pouvait presque voir les engrenages de son cerveau tourner à plein régime, pesant le pour et le contre. Il hocha finalement la tête.

  • Tu peux essayer, Prask. J'espère même que tu réussira, je n'ai pas plus envie de mourir que ça. Mais si le risque est trop grand pour toi et la résistance... Je veux que tu abandonne.

Prask secoua la tête, un sourire nerveux aux lèvres. C'était impossible. Lakr ne pensait qu'à la résistance, mais Prask ne pensait qu'à Lakr.

  • Je ne peux pas t'abandonner, Lakr. Je dois tout tenter d'abord.
  • C'est trop dangereux. Pourquoi t'efforces-tu ainsi à tourner le dos à notre idéal pour moi ? C'est sans hésiter que je lui donnerai ma vie !
  • Parce que je t'aime, Lakr, lâcha le ministre dans un souffle. Et on ne tue pas ceux qu'on aime.
  • Je t'aime aussi. Mais on ne peut pas non plus se laisser aveugler !

Prask soupira. Les mots qu'il souhaitait prononcer depuis longtemps venaient de s'évanouir, de perdre leur valeur. Car de toute évidence, Lakr n'avais pas compris leur force. Il pensait trop à la résistance, à son but, à sa précieuse logique. Trop pragmatique. Parfois Prask se demandait si les vies n'étaient pas, pour son ami, que des variables à prendre en compte. Y compris la sienne.

  • Laisse tomber. Donne-moi juste un peu de temps. Je te sauverai. Et si tu le souhaites, je ne laisserai pas non plus la résistance orpheline.

Lakr hocha la tête, voyant son ami résolu.

  • Soit. Je te fais confiance. Mais profitons de cette dernière entrevue pour aborder un dernier point.

Le ministre leva un sourcil, étonné de cette faculté qu'avait Lakr de faire comme s'il ne s'était rien passé, comme s'ils ne venaient pas de parler de sa mort. La résistance avait donc réellement plus d'importance que sa propre vie pour lui.

  • Si tu veux, Lakr. Mais vite s'il te plaît, je n'en peux plus.
  • Je voudrais de parler de quelqu'un qui pourrait peut-être rejoindre la résistance.
  • Qui donc ? lâcha le démon fatigué avec appréhension

Lakr dit un nom. Et ce qui restait de coeur à Prask vola en éclat.

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