Aimy
Il fallut quelques secondes à Aimy pour reprendre connaissance et comprendre ce qui s’était produit. Elle avait quitté sa chambre douillette pour une vallée désertique mais, hélas, les trois Yigas étaient toujours là, les yeux rouges de leurs masques la regardant fixement.
— Mais lâchez-moi, maintenant ! Vous voulez me tuer ? Eh bien allez-y !
Elle ne savait pas vraiment d’où lui venait son aplomb, elle d’ordinaire si timide.
— C’est vous qui avez tué mes parents, j’imagine ? demanda-t-elle plus calmement. Ils ne sont pas morts dans un éboulement, n’est-ce pas ?
Un nuage de fumée l’aveugla un instant et la fit tousser. Quand il se dissipa, elle aperçut un autre Yiga, plus petit et rondouillard. Les trois autres guerriers portèrent la main à leurs sabres, puis semblèrent se détendre en reconnaissant le nouveau venu.
— Que faites-vous ici ? demanda l’un d’eux.
— Pourrais vous retourner la question. Vous vouliez…
— Oh, mon Hylia, non ! dit un autre Yiga.
Aimy fut très étonnée d’entendre un Yiga jurer sur Hylia. On lui avait toujours dit que les Yigas ne vénéraient que le Fléau Ganon. Elle était tout aussi surprise que le Yiga en question ait une voix féminine, mais cela lui semblait déjà plus logique.
— Alors que fait une Sheikah dans la vallée de Caltice ? demanda le petit Yiga rondouillard.
Malgré son allure solennelle, il avait la voix d’un enfant. Il devait avoir à peu près son âge – une douzaine d’années.
— C’est une Yiga, corrigea l’un des guerriers.
— Quoi ?! s’étouffèrent Aimy et le garçon rondouillard.
— Qui est-ce alors ? demanda-t-il.
— La fille de Greg et Shanya.
Entendre ses parents nommés par ces assassins vêtus de rouge sang fit trembler la jeune fille. Comment pouvaient-ils seulement les connaître ?
Sur un signe du gamin, les trois Yigas s’éloignèrent. Il tendit la main à Aimy.
— Toi aussi t’es un Yiga ? demanda-t-elle
— Bah oui ! Je m’appelle Koh-
Il ne put pas finir sa phrase. Aimy le repoussa avec violence et il tomba tête la première dans le sable.
— Nan mais ça va pas ?! cria-t-il en se relevant. J’essaie de t’aider !
— Tu veux pas me tuer ?
— Bah non, pourquoi je-
— Parce que t’es un Yiga !
— Tu m’as pris pour un monstre ! Eh, redescends sur terre, j’ai dix ans, je sais à peine bander un arc, alors tuer une Sheikah… Et toi, t’es une Yigling ?
— Pardon ?
— T’es pas initiée ?
— Initiée ? répéta Aimy.
Elle avait la sensation désagréable d’avoir une case en moins.
— Ok, non, oublie. Je te ramène au repaire.
— Au repaire ?
— Rhâ, mais tu le fais exprès ?! ragea Kohga.
Il était mal à l’aise, lui aussi. La Sheikah ne portait aucun voile, aucun masque. Il ne la connaissait pas, et pourtant, il voyait son visage. Cela le dérangeait profondément.
— Bon, bon, je te suis, dit Aimy, après un court silence.
Ils marchèrent quelques minutes, puis arrivèrent devant l’entrée du repaire. Kohga poussa la porte et ils entrèrent.
En arrivant dans la grande salle, Aimy resta la bouche grande ouverte. L’éclat des torches se reflétant sur les murs de sable donnait à la pièce immense une ambiance chaleureuse. Quelques alcôves dans les murs accueillaient des magasins. Une partie de la pièce, envahie de tables dépareillées, servait de terrasse à un café. Les Yigas discutaient, mangeaient, buvaient. Les clients des échoppes marchandaient allègrement. Dans un coin de la pièce, une dispute semblait se préparer entre une grande vendeuse d’arcs et un petit homme d’allure teigneuse. La forte odeur de banane de la grande salle, capiteuse et un peu écœurante, ne dérangeait pas Aimy.
Elle sursauta quand un groupe de Yiglings passa à côté d’elle en criant, exaltés par une partie de chat perché.
— Ce sont des Yiglings ? demanda-t-elle, curieuse.
Kohga acquiesça.
— Je n’arrive pas à croire que les Yigas ont des enfants.
— Il faut bien que le Clan continue à vivre !
— Oui, mais avec ce qu’on m’a raconté sur le Gang des Yigas…
— Clan Yiga, corrigea Kohga.
— Avec ce qu’on m’a raconté sur le Clan Yiga, j’avais du mal à imaginer que des enfants puissent grandir ici.
— Ce qu’on t’a raconté ? Vas-y, raconte !
Aimy réfléchit un instant, tentant de se souvenir de la petite comptine qu’on lui avait apprise à l’école et qui mettait en garde contre les guerriers du désert.
— Les féroces serviteurs du terrible Fléau
Traquent les fils d’Hyrule et les tueront bientôt
Vêtus de rouge sombre, couleur du sang versé
Les méchants enfants ils viendront traquer
La légende raconte qu’un de leur guerriers
Peut à lui tout seul maîtriser une armée
Frappée en traître, morte sans bruit
Une autre victime dans la nuit
Rien ne sert de fuir ou même de se cacher
Si tu croises le regard de l’œil inversé
Kohga s’effondra de rire, frappant le sol du poing.
— Sérieux ?! Mais c’est nul, cette chansonnette, là !
Aimy haussa les épaules.
— C’est vrai que ça sonne moins bien avec des Yiglings qui jouent à quelques mètres.
Elle marqua un silence et inspira profondément.
— Dis, Koh… Je suis vraiment une Yiga ?
Il hocha la tête.
— Tu viens, je vais te faire visiter le repaire ! Euh… comment tu t’appelles ?
— Aimy.
— Alors viens, Aimy ! Tu vas voir, c’est génial !
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