L'explorateur
L’Explorateur
ou les mésaventures d’une limace
pensante sur une planète de primitifs.
1. Le conseil des planètes.
Mmmwwmff était en retard au conseil lorsqu’il sortit de son véhicule pour se diriger vers l’entrée du bâtiment administratif auquel il devait se rendre. Le bâtiment était une grande batisse de forme octogoïdale, en apesanteur, et dont le revêtement changeait de couleur en fonction de la température. Comme on était sur une planète à deux soleils, il faisait chaud, et à ce moment de la journée les murs étaient d’une belle couleur orangée. « Heureusement que ma combinaison me protège, se dit-il, car sinon j’aurai déjà fondu! »
Mmmwwmff était un genre de grosse limace de trois mètres de long et d’un mètre de haut, avec deux pédoncule à l’avant de son corps, pédoncules assez utiles car, outre qu’ils étaient le siège de son appareil visuel, lui permettaient de manipuler les différents objets technologiques mis au point par les savants de toutes provenances et dont le passe temps, depuis l’abolition du travail il y a quelques centaines d’années de temps universel, était de faciliter la vie des habitants des différents mondes.
Son véhicule, guidé par une intelligence artificielle nouvelle génération, le déposa pile à l’entrée de l’endroit où il devait se rendre: le bureau délégué à l’exploration et l’intégration des civilisations naissantes pour la zone SYBG3289 de l’univers connu. Pour se rendre à la réunion du jour, il ne lui restait plus qu’à traverser un couloir long d’une trentaine de mètres ce qui, pour une limace de trois mètres de long en pleine force de l’âge, prit une quinzaine de minutes.
Enfin, il arriva devant la porte qui s’ouvrit automatiquement, le laissant entrer. Il vit, à l’air ennuyé de ses collègues qu’il était une fois de plus le dernier arrivé, et de loin. « C’est l’ambroisie de Llwygmnenmnon que j’ai pris hier soir qui me met dedans à chaque fois » pensa-t-il tout contrit.
Ses collègues étaient les explorateurs habituels, des originaux de toutes planètes qui préféraient visiter de fond en comble les coins les plus reculés de l’univers plutôt que de vivre dans une oisiveté quasi générale parmi tous les peuples civilisés de l’univers connu. Il y avait le maître d’assemblée, Sgfh thgssf Yffrp, une éspèce de grand poulpe qui se tenait nonchalament dans son habitacle. A sa gauche se trouvaient une méduse de quatre mètre de haut avec laquelle il ne valait pas mieux se mettre en contact physique (sous peine de recevoir une forte décharge électrique), ainsi que son ami Joulul Hgouful, un être à l’allure de petit marsupial dont les piaillements qui lui tenaient lieu de langage, toujours plein d’esprit, faisaient beaucoup rire Mmmwwmff. Enfin, son voisin à lui était Kkkrk Nfgorrzog Kraffog, sorte de grand saurien au caractère assez rigide que Mmmwwmf n’aimait pas beaucoup.
En voyant son collègue s’installer, Sgfh se permit cette petite remarque déplaisante: « Alors, Mmmwwmf, encore une fois vous êtes en retard. Votre véhicule était en panne, je présume, à moins que vous ayez oublié l’heure, tout occupé que vous étiez à visionner je ne sais quel navet sur votre récepteur tridimensionnel! » Tout le monde se mit à exprimer le rire, spécialement Kkkrk, ce qui horripilait Mmmwwmf. Il fallait trouver une excuse valable, et au plus vite: « Je me suis levé un peu malade, c’est le temps de faire appel au médicandroïde qui a causé tout cela. »
-Bon, fit Sgfh, comme vous êtes en retard, c’est vous qui allez me raconter votre voyage et me transmettre vos dossiers le premier. Nous sommes d’accord?
-Tout à fait, fit Mmmwwmf, voilà le dossier.
Et il tendit une micromémoire à Sgfh, convaincu que le récit de son voyage allait lui sauver la face, au moins pour aujourd’hui. Il se frotta les antennes et commença.
2. Un voyage inattendu.
« Je me trouvais à voyager dans une zone désertique de la zone SYBG3289 lorsque mes pérégrinations me firent atterir dans une galaxie tout à fait quelconque. Par acquis de conscience, je mis en marche mon détecteur de planète habitée mais celui resta muet quatre heures de temps universel. Enfin, alors que le balayage allait finir, un petit voyant se mit en marche, signal de la présence de vie ténue et naissante. Je finis le balayage pour vérifier qu’il n’y avait pas d’autre endroit à visiter puis je décidais d’étudier le système solaire en question. C’était un système très banal, avec au centre une petite étoile pâlote entourée de neuf planètes gazeuses et telluriques. Celle où se trouvait la vie était la quatrième, une ridicule planète tellurique d’où émergeait à peine quelques îles anarchiques, le tout semblant propice au développement de tout un tas d’animaux divers.
Je mis en marche mon civilisascope Nnjjooleelien qui m’apprit que la forme de vie la plus avancée sur cette planète était un animal bipède sans plumes et que leur dévelloppement était plutôt de type religieux. Pressé de rapartir en des endroits moins sinistres, je me dépêchais de prendre la forme de l’animal en question et de me téléporter sur ce caillou sans intérêt.
Je ne sus pas si il y a eu un dysfonctionnement dans l’appareil, quoi qu’il en soit dès mon arrivée je maudis la planète Nnjjooleel car j’atterris en plein milieu d’une cérémonie totémique primitive complètement nu qui plus est. Le temple était fermé sur lui même et entourait une étendue de pelouse sur lesquels se trouvaient vingt-cinq primitifs qui devaient être les prêtres.
Des primitifs, onze étaient en blanc, onze autres en bleu, trois en noir dont deux se trouvaient à l’écart des autres. Ils devaient probablement rejouer la scène symbolique de la création de leur planète car ils n’arrêtaient pas de courir après une sphère ronde qui allait de pied en pied et que les bleus et les blancs, sans doute exprimant naïvement la lutte du bien et du mal, se disputaient âprement. Je levais un peu la tête et vis la ferveur religieuse aveugle de cette foule de sauvages qui assistaient à la scène et criaient et chantaient dans une pagaille indescriptible un peu inquiétante. Sur un des gradins on pouvait lire: PSG: 0-Auxerre: 4.
Quoi qu’il en soit une des créatures en blanc expédia la planète dans une sorte de filet ce qui provoqua je ne sus pourquoi la colère des adeptes. Ce fut alors qu’une grille céda et je fus projeté sur le terrain même, complètement nu rappelons-le. Je me rendis compte tout de suite que je venais de briser une des tabous primitifs des habitants de cette planète car aussitôt après des gardiens du temple me courrirent après pour me ceinturer sous les huées colériques des autres primates. J’avais extênement peur: mon sacrilège involontaire allait probablement me coûter la vie et j’hésitais à lancer un SOS spatiotemporel.
Les gardiens du temple étaient équipés d’armures bleu sombre, de boucliers, de casques ainsi que de masses d’armes rituelles. Je mes mis à courir pour échapper à la vindicte due à leurs superstitions totémiques ridicules mais je ne courus pas longtemps, bientôt cerné de toutes arts, et je fus plaqué au sol violament puis battu à l’aide des bâtons rituels. Je ressentis alors pour la première fois la douleur propre à cette forme de vie. Ce fut presque insupportable, je faillis m’évanouir tellement la sensation était vive et dans mon malheur je me disais qu’une crétaure pâtissant aussi facilement de si grandes frayeurs et de telles douleurs ne devait pas connaître souvent la quiétude nécessaire à toute vie évoluée. J’allais envoyer mon SOS lorsque les coups cessèrent, les gardiens me mettant des chaînes tout en me relevant. Probablement allai-je être la vicime de je-ne-sais quel sacrifice ou alors allai-je être vendu comme esclave, quoi qu’il en soit je me dis que cette mission commençait de mauvaise manière et que j’aurai mieux fait de prendre quelques années universelles de vacances plutôt que de faire ce genre de voyage.
Les gardiens du temple me donnèrent une couverure puis m’enfermèrent à bord d’un véhicule dans lequel se trouvait un autre homme. Pendant que nous nous déplacions, j’eus le temps de l’étudier un peu. Il avait à peu près ma taille, sa peau était d’un horrible blanc visqueux et il ne cessait de répéter des imprécations ayant sans doute une grande importance symbolique à ses yeux: « PSG! PSG! Oï! Oï! » En plus de cela il devait être obèse et n’avait pas, sans doute par superstition, les poils habituels sur le sommet du crâne des autres primitifs.
Au bout d’un certain temps, le véhicule s’arrêta et les gardes nous emmenèrent dans une geôle. Le gros homme se mit à crier un temps puis se mit en position allongée, ferma les yeux tandis qu’un son désagréable sortit de sa bouche. La cellule était tellement rudimentaire que je ne pus ni me reposer ni me sustenter cette nuit là.
Le lendemain matin, les gardes du temple, qui n’avaient plus leur armure mais un ridicule uniforme bleu sombre les faisant ressembler à des clowns grotesques, me conduisirent dans une salle où on allait probablement me signifier ma punition. La salle était minuscule et je fus assis devant une table, en face d’un des gardes qui s’affairait devant ce qui devait être une calculatrice géante. Un détail cependant attira mon attention: à côté du garde assis en face de moi il y avait une bouteille remplie d’un liquide transparent qui, quand on y ajoutait de l’eau, devenait jaune vif. Sur la bouteille on pouvait lire: PASTIS 51. Les gardes prirent chacun un verre de cet étrange liquide qui devait être pour eux un moyen rituel de communiquer avec la ou les divinités de cette planète puis l’interrogatoire commença.
Comme je ne connaissais pas le langage des habitants de cette planète, je répondis par des sons inarticulés ce qui provoqua de l’agitation chez les gardes. Le préposé recommença: « Monsieur, pouvez-vous me dire votre nom, s’il vous plait? »
Je répondis par la seule phrase que je connaissais: « PSG! PSG! Oï! Oï! » Mais cette imprécation rituelle n’eut pas l’effet calmant escompté, bien au contraire: tous les gardes se rassemblèrent pour discuter de mon sort. La conversation qui s’ensuivit allait décider de mon avenir: « Mais qu’est-ce qu’il a à se foutre de nous ce gauchiste? Une bonne mandale ça lui ferait pas de mal! » Fit un des gardes.
-Mais non c’est pas un communiste, fit le deuxième, c’est un bougnoule sans papiers. On n’a qu’à alerter les services de l’immigration, on le renverra chez lui par charter, ça lui apprendra à venir voler le travail des Français!
-Si au moins il savait écrire son nom, dit un troisième, ce serait plus facile. Mais comme c’est un bougnoule, il fera rien pour nous faciliter la vie. Je suis d’avis de le renvoyer dans son pays de merde!
Un quatrième, plus grand que les autres et qui avait l’air de commander ses congénères prit la parole: « Oh là! Du calme les gars, on va pas se faire chier avec ce bougnoule! On n’a qu’à lui donner quelques vieux habits et le relacher, ça nous fera faire moins de travail, et puis c’est l’heure de l’apéro, alors... » Puis il ajouta: « Allez! Pastis pour tout le monde! » Et tous les gardes se servirent un verre...
Je fus reconduis dans ma cellule et une heure plus tard on me donna des morceaux de tissus dont le but, je l’avais deviné, était de cacher ma peau naturelle: il semblait que ce peuple de sauvages soit très pudique et ne tolère pas la nudité, sans doute par une sotte superstition religieuse comme on le voit souvent pour les planètes isolées et primitives. Quoi qu’il en soit j’eus à peine le temps de m’habiller qu’on me signifia ma libération et ce à ma grande surprise: ma conduite n’avait pas du être aussi sacrilège que je le croyais...
2.1. Enfin libre!
J’étais enfin libre et j’avais le temps pour étudier les moeurs bizarres de cette culture au temps de ces premiers balbutiements. Je me mis à marcher au hasard tout en observant les habitants de cette planète. Ils semblaient vivre dans des maisons couvertes très grossièrement ouvragées, sales, grises et construites de manière anarchique. On appelait ça des immeubles et les autochtones s’entassaient en grand nombres dans ces bâtiments et ce bien souvent dans une promiscuité indigente. Pour se déplacer ils utilisaient des véhicules appelés voitures qui fonctionnaient à l’aide d’un combustible fossile très polluant qui, rien qu’à l’inhaler, vous rendait horriblement malade.
Leur ville (car j’avais bien été téléporté dans une ville) était d’une saleté et d’une laideur que je n’avais jamais vu jusqu’alors, même chez les peuples les plus primitifs. La chose la plus laide était la fierté de la ville: une ridicule tour en acier, inutile, orgueilleuse, aussi laide qu’une construction d’enfant et que les habitants nommaient « Tour Eiffel ». Mais le pire à mon avis n’était pas la laideur ni même la saleté répugnante de certains endroits, c’était l’anarchie.
En effet, on devinait au premier coup d’oeil que rien n’était planifié ni organisé chez les natifs, en conséquence de quoi tous les habitants vivaient, travaillaient et mouraient dans le désordre le plus total. Ils faisaient des allées et venues inutiles dans leurs véhicules polluants et ce, pour des prétextes insignifiants. On eut dit des chasseurs animistes qui, ne sachant plus quoi chasser, s’évertuaient néammoins à quitter leur domicile dès le lever du soleil, poussés par une mystérieuse nécessité qui n’était maintenant plus culinaire.
Quoi qu’il en soit, en écoutant les conversations de ci de là je commençais à apprendre la langue des autochtones mais je ne pouvais pour l’instant discuter avec quiconque car tous les habitants, trop occupés, ne prenaient pas une seconde de leur temps pour les inconnus quels qu’ils soient. Je me remis donc à déambuler au hasard, en quête d’indices divers pour mon rapport que je ferai une fois revenu au conseil des planètes.
2.2 Une rencontre inattendue.
Après quelques heures de pérégrinations au hasard, je ressentis des lourdeurs aux appendices permettant le déplacement et que les autochtones nommaient « jambes ». De plus, une légère brûlure au bas de l’abdomen me gênait: ce devait être la faim qui se faisait ressentir et j’en conclus une fois de plus qu’un être souffrant si facilement ne devait pas souvent connaître le calme nécessaire à une vie rationnelle et évoluée. Quelle vie primitive qu’une vie faite de passions si fréquentes et si fortes! J’en vins à ressentir de la pitié pour les autochtones, bien que je me méfiais encore de leur sauvagerie irrationnelle, si terrorisante et que j’avais connu lors de ma téléportation.
La faim et la fatigue me firent ralentir puis m’asseoir au coin d’une rue. Je me reposais quelques temps avant qu’un autre compagnon d’infortune vint se poser à sôté de moi. L’individu en question portait sur son ventre un éspèce d’objet étrange dont je ne connaissais pas l’utilité. Il retira l’objet, le posa et s’assit à mes côtés. Au bout de quelques instants il sortit un petit paquet rempli de petits bâtons oblongs qu’il mit à sa bouche et alluma. Voyant mon étonnement, il me tendit un des bâtons en disant: « cigarette? »
J’acceptai son offre et mis le bâton dans ma bouche. Il l’alluma. La fumée âcre qui s’en dégagea se logea tout droit dans mes poumons ce qui me fit tousser horriblement. L’individu se mit à faire un bruit que je n’avais jamais entendu jusqu’alors: « Ah! Ah! Ah! » (J’appris plus tard que cela s’appellait un rire). Puis il me dit: « Quest-ce qui se passe, tu viens d’une autre planète? »
-Oui, répondis-je machinalement.
Il se mit à rire de plus belle puis continua: «Tu n’as jamais fumé? »
-Là d’où je viens, on ne connait pas ça, répondis-je.
-Tu dois vraiment venir d’un coin complètement perdu, ou alors tu es né de la dernière pluie.
-Je viens de très loin, fis-je.
-Et qu’est-ce qui t’amène à Paris?
-Le hasard, probablement.
-Ah bon. Tu es un voyageur alors, comme moi.
-En quelque sorte.
-Et tu fais quoi dans la vie?
-Je travaille dans une administration.
-Quel genre?
-Du genre importante pour les gens d’ici.
-Tu ne travailles pas pour l’immigration au moins?
J’étais étonné: « Immigration, qu’est-ce que c’est que ce mot? » L’homme se remit à rire: « L’immigration, c’est les vacances des pauvres. C’est quand on est obligé de partir de chez soi pour pouvoir manger à sa faim. »
-Ah bon! Il y a ça ici?
-Les gens migrent partout sur la planète, je crois.
Je fus pris de pitié pour cet homme: il avait probablement du quitter son pays natal pour atterrir dans cette grande ville hostile sans aucun repère. La vie sur cette planète ne devait pas être facile pour tout le monde... Je décidais de lui poser une question: « D’où viens-tu? »
-Je viens de Roumanie, je suis Tzigane et je joue de cet instrument, l’accordéon, pour pouvoir manger.
-L’accordéon? Ca sert à quoi?
-Attends, je vais te montrer.
Il mit son instrument sur son ventre et commença à en jouer. Malgré la mécanique rudimentaire, un son harmonieux s’en dégagea. Le tempo était lent et triste mais mon imagination se mit en marche et aussitôt se présentèrent à ma mémoire des souvenirs de ma planète natale. La musique m’avait rendu mélancolique. Puis le rythme changea, se fit plus rapide les son devinrent plus aigus, la magie de la musique opéra et je fus soudain beaucoup plus gai.
Une conclusion s’imposait: les sauvages de cette planète possédaient, tout au moins sous une forme simpliste, les rudiments de l’art. Ils nétaient pas si primitifs que je le croyais, bien que le son de cet instrument soie ridiculement pauvre par rapport aux opéras cosmoplanétaires qu’on pouvait entendre dans la constellation 3032, par exemple. Quoi qu’il en soit, cette rencontre m’avait bien plu et je décidais de rester sur cet atome de boue quelques temps encore...
3. Une nouvelle vie.
Je décidais de rester auprès du joueur d’accordéon quelques temps afin de me familiariser avec les coutumes des locaux. L’homme en question s’appellait Petre Gimzir; il était un gitan, sorte d’habitant nomade qui, pour survivre, allait de ville en ville monnayant son seul savoir: les sons qu’il était capable de faire sortir avec son instrument. J’appris vite à son contact et en quelques semaines, je m’étais familiarisé à la fois avec le Français et avec l’accordéon dont j’étais maintenant capable de jouer quelques airs. Petre habitait une roulote dans un bidonville partagé par une centaine de personnes tous gitans comme lui. Les conditions de vie étaient rudimentaires car, je l’appris bientôt, leur situation n’avait rien de légale. Ils s’entassaient à quinze dans les caravanes, non chauffées, sans aucun confort ni commodités. Je m’aperçus tout de suite que ce style de vie, partagé par beaucoup de terriens de par leur monde, était la preuve flagrante de l’inégalité de la distribution des richesses: en effet, il suffisait de traverser l’autoroute pour se trouver dans une résidence où les habitants, n’ayant pourtant rien de fondamentalement meilleur, menaient une vie confortable et tranquille, à l’abri du besoin matériel. Monde cruel que cette terre où la naissance fait de vous un nanti ou un gueux, que l’on soit né du bon ou du mauvais côté de la frontière.
J’étais donc un exclu dans un pays riche qu’on nommait France et qui, par réflexe xénophobe vis à vis d’autrui, préférait fermer ses frontières et pourchasser les immigrés plutôt que de partager les richesses, politique pourtant évidente à faire pour qui possède un minimum de civilisation. Une chose était sûre cependant: les Français étaient bien d’indécrotables primitifs, peut-être les pires de tous puisqu’ils votaient massivement pour des hommes politiques haineux et racistes n’ayant comme seul argument électoral à faire valoir que la peur des étrangers.
Une fois bien acclimaté à la vie avec les tziganes, je décidais de prendre mon courage à deux mains et, quoique la vie bien tranquille du conseil des planètes me manquait, j’empruntais un accordéon abimé, le réparais et décidais de mendier pour mon propre compte.
Au bout de quelques jours, j’étais très déçu: les gens à Paris n’étaient pas très généreux et je gagnais à peine de quoi me nourrir alors que je devais jouer dans les rues huit à dix heures par jour. Cependant, cette vie matérielle désastreuse me permettait de me familiariser avec les coutumes de cette étrange planète et dès que je pouvais mettre la main sur un livre ou un journal, je le lisais avidement, complétant ainsi mes connaissances sur cette petite planète solitaire.
J’appris ainsi qu’il n’y avait pas moins de deux-cent pays, qu’on y parlait un nombre phénoménal de langues et que les coutumes étaient d’une incroyable diversité. Hélas, ces différences qui auraient pu être une richesse étaient bien souvent la source de nombreuses guerres qui ensanglantaient cette planète. Faisant fi de ce qui les rapprochait, les humains se battaient au nom de ce qui les divisait, chacun voulant imposer à l’autre, par la force ou par la ruse, sa propre vision du monde, son point de vue, ses coutumes. Hélas pour les terriens, la pauvreté et son lot de malheurs était très répandue et je faisais partie de cette masse de gens sans ressources qui devaient se lever tous les matins dans l’angoisse de devoir trouver au jour le jour de quoi se nourrir et se loger. Il semblait évident que celui qui possédait de l’argent était de beaucoup privilégié. En effet, avoir une grande provision de ces petits bouts de métal semblait nécessaire pour qui voulait connaitre une vie tranquille à l’abri du besoin et par là même acquérir une vie plus aisée et confortable. Avec de la monnaie, on n’avait plus à se soucier du gîte et du couvert et la vie devenait tout d’un coup plus facile. En fait sur terre, le bonheur avait un prix.
Je voulais donc savoir ce que cela signifiait que d’être un humain riche car je ne connaissais qu’un aspect de la condition terrienne: celui de la lutte quotidienne pour un toit et un morceau de pain. La vie dans le camp des riches devait être beaucoup plus agréable!
Un matin, c’est d’ailleurs en lisant le journal que je tombais un jour sur une petite annonce qui allait bientôt changer ma destinée terrienne. L’annonce était ainsi faite:
Vous êtes jeunes et vous savez jouer de l’accordéon?
Alors cette annonce est pour vous. La société Endémol
recherche de suite trois joueurs d’accordéon pour
groupe musical. A l’issue du casting, les candidats
retenus auront la possibilité d’enregistrer leur
propre album.
Avec Endémol, c’est facile d’être riche et célèbre!
Le casting avait lieu le lendemain et, poussé par la curiosité, je décidais de m’y rendre sous le faux nom de Roman Petrescu...
3.1. A la recherche de la gloire.
Le lendemain, je me rendis dans un endroit de la banlieue Parisienne assez cossu où la société avait son siège. Je fus accueilli par une hôtesse qui me convia dans une grande pièce aérée où se trouvaient une vingtaine d’autres joueurs d’accordéon tous munis de leurs instruments. Au bout d’une demi-heure d’attente, une jeune femme fort jolie entra et nous fit le discours suivant: « Bonjour à tous, je suis Anaïs De Froissac, productrice au sein d’Endémol Productions. Si vous êtes réunis ici, c’est parce que les enquêtes d’opinion sont formelles: le musette revient en force! Les études de prospective le montrent nettement, les gens ont besoin de consommer de l’authentique, mais en même temps qui soit Roots et Hype. Pas de Kitsch, pas de Trash, mais pas Toc non plus. Je veux des gens qui viennent de la terre, du peuple, pas de Mars où je ne sais trop où. » Je sourcillai mais elle ne parut pas s’en rendre compte et continua: « Voilà. Dans quelques instant Nathalie notre hôtesse vous fera passer un à un dans la pièce où ont lieu les auditions. Bonne chance à tous! »
Nathalie entra et pris la parole: « Bien. Y a-t-il des gens qui sont pressés, qui ont un rendez-vous? » On entendit quelques oui. « Eh bien, vous passerez en premier si vous le voulez. »
Elle prit un des hommes et l’invita à venir. Comme je n’étais pas pressé je décidais d’attendre patiament mon tour.
Au bout de trois heures, l’hôtesse vint me chercher: c’était à moi de passer. Je fus conduit dans une salle assez grande où trois homme m’attendaient, assis à une table. La porte se referma derrière moi et Nathalie disparut. Un des trois hommes, celui qui était au centre, se mit à parler: « Bonjour monsieur, nous sommes là pour évaluer votre virtuosité. Voulez-vous jouer de l’instrument s’il vous plait? »
Je mis mon accordéon sur mon ventre et commençai à jouer ce que Petre m’avait appris puis je jouais quelques morceaux que je connaissais d’oreille. Au bout de quelques minutes un des trois hommes m’interrompis: « Mais vous ne connaissez rien de plus moderne? » J’enchainai alors avec quelques morceaux de ma composition. Au bout de trente secondes, je fus prié de retourner dans la pièce principale. J’attendis encore quelques instants puis on vint me chercher pour me faire remplir ce qui s’appellait des « tests psychologiques ». Je m’éxecutais.
Les tests consistaient en une série de questions auxquelles on pouvait répondre de plusieurs façons. Les questions étaient celles-ci si je me souviens bien:
Invité à dîner, un ami vous offre du boudin blanc, vous vous dites:
A-Il veut me séduire.
B-Chouette, du boudin blanc, j’adore ça!
C-C’est gentil mais je suis végétarien
D-Je n’ai pas d’amis
Votre boulangère oublie de vous rendre la monnaie, vous pensez:
A-Elle veut me rouler, c’est sûr.
B-Je ne savais pas que le prix du pain a augmenté.
C-Elle doit être très fatiguée en ce moment.
D-Je ne vais jamais chez un boulanger.
Avant de partir en week-end, votre voiture tombe en panne, pour vous c’est:
A-La faute aux communistes.
B-Dommage.
C-Une bonne occasion pour se mettre au Yoga.
D-Vous ne partez jamais en week-end.
Et cela continuait pendant des pages et des pages. J’en vins néammoins à bout puis on me signifia que les épreuves étaient finies et que je pouvais partir; on allait me contacter d’ici peu.
Quelques jours plus tard, je fus prévenu d’une nouvelle convocation au siège d’Endémol Productions: on allait me signifier les résultats. Personnellement, je ne croyais pas être retenu mais au vu des méthodes de sélection pour le moins aléatoires et rudimentaires, je pouvais m’attendre à tout. Je me rendis donc au siège et fus une nouvelle fois reçu par Nathalie la charmante hôtesse.
Cette fois, on ne me fit pas attendre longtemps et j’entrais dans un bureau où Anaïs De Froissac me reçut personnellement. Elle portait un tailleur bleu, des bas noirs et des chaussures à talons qui lui donnaient une allure très élégante. Son visage délicat était mis en valeur par une abondante cheuveulure blonde et je remarquais que chez elle, les protubérances mammaires étaient fort dévelloppées ce qui me laissait penser qu’elle devait être le signe d’une aptitude à la reproduction. En fait, elle était très belle et, chose curieuse, je me sentais intimidé par tant de grâce et de féminité. Néammoins, elle ne me laissa pas m’apesantir sur elle et commença à me parler: « Mon cher Roman, puisque c’est comme ça que vous dites vous appeller, j’ai l’honneur de vous annoncer que vous avez été sélectionné pour faire partie de notre nouveau produit marketting. Vous avez compris, vous allez faire partie de notre nouveau groupe de musique à base de musette. Etes-vous d’accord? »
-Oui, pourquoi pas?
-C’est très bien. Vos deux compagnons sont Brandon et Lucas. Vous les verrez très prochainement. Ce groupe de musique est un groupe que nous décidons de lancer suite à une étude marketting extrênement poussée et faite par les meilleurs spécialistes Français et même Européens. Une chose est sûre: les gens aiment danser, surtout les jeunes. Et les maisons de disque proposent toutes le même genre de produit pour les consommateurs. Nous voulons être à l’écoute du client, nous sommes les rois du « soft listening » et ce groupe est pour nous l’occasion rêvée de dévellopper notre « business power » afin de faire « a lot of cash ». Bien entendu, nous ferons du « share wealth » avec vous et tout le monde aura sa part du gâteau. Si vous êtes travailleur et motivé, vous pouvez gagner gros, devenir une vedette des « singles ». Vous serez alors au top, vous serez « Hype », « fresh », « cool », et tout le monde aura du « love » pour vous. Mais attention, il va falloir se donner de la peine. Quoi qu’il en soit vous avez rendez-vous demain dix heures avec vos collègues. J’éspère que vous ne serez pas gêné par les choristes et les danseurs qui vous accompagneront. »
-Nous serons plus que trois?
-Oui, vous serez bien entendu accompagnés de danseurs, choristes et DJ’s car notre étude a montré que le musette devait être un nouveau tremplin vers une nouvelle musique. Si « oldies are goodies », vous vous devez de faire danser les gens avec un « rythm » et des « lyrics » « up to date » car sans cela on sera « down » à tous les coups. Vous comprenez?
Je fis semblant que oui, puis elle continua: « je vous donne mon numéro de portable au cas où vous auriez besoin de « help ». Rendez-vous demain à dix heures, donc. »
Je fis oui de la tête.
3.2. A la recherche du succès.
Le lendemain matin, exact au rendez-vous, je fis plus ample connaissance avec Brandon et Lucas, mes deux acolytes. Je leur payai un café au distributeur pour voir un peu quel genre d’homo sapiens ils étaient mais comme je ne savais pas faire marcher la machine, je déclenchai l’hilarité générale. Brandon me dit: « Eh bien heureusement que tu sais jouer de l’accordéon car sans ça tu es mal parti dans la vie! »
-Oui, répondis-je, votre technologie est parfois une énigme pour moi.
-Tu as l’air d’un drôle de type, mais bon, du moment que tu es cool avec moi, je serai cool avec toi.
-Mais c’est quoi cool?
Lucas prit la parole: « Brandon te veux du bien, il veut dire par là que si tu es gentil avec lui, il le sera aussi. »
-Je n’ai pas l’intention d’être méchant, fis-je gentiment, je veux faire ce disque pour voir comment ça fait d’être riche.
Tous deux se remirent à rire mais Brandon se reprit et s’exprima: « Tu es trop fort, toi. Tu ne sais pas ce que c’est que d’être riche? Je vais te le dire: être riche, c’est pouvoir se payer une grosse bagnole, et puis après rouler à 250, tu t’en fous, si les flics te serrent, tu peux payer l’amende! C’est aussi avoir la maison de tes rêves, avoir les plus belles fringues, les plus belles filles! C’est tout! Avec de l’argent tu peux tout faire! Tu fais le chèque et hop! Tes désirs sont réalisés! » Lucas reprit: « Avec de l’argent tu n’as pas de problèmes. Tu es en sécurité car tout dans la vie se monnaie et si tu as l’argent, tu peux acuérir ce que tu veux car tout se vend. Alors moi je sais ce que c’est que d’avoir de l’argent, c’est une vie de rêve. » Je répondis ce qu’on m’avait toujours appris: « Je crois que dans la vie il y a d’autres richesses que ce qu’on peut acheter avec de l’argent; j’ai des tas d’amis qui ne sont pas forcément riches matériellement mais avec lesquels je passe de très bons moments. C’est leur être qui m’intéresse et pas leur avoir. Et puis si le bonheur, c’est s’acheter des choses, alors moi ce ne sont pas des choses matérielles que je veux acheter. »
Ils ne répondirent rien. On but notre café en bavardant de choses et d’autres puis on se mit à travailler. On était quinze: nous, les vedettes, Roman, Brandon et Lucas, plus cinq choristes femmes, cinq autres choristes hommes et deux DJ’s. Des chorégraphes s’occupaient de nous, ainsi qu’un professeur spécialement chargé de nous apprendre ce que nous devions jouer.
De temps en temps, Anaïs faisait son apparition pour superviser le tout et je croyais deviner qu’elle avait un soupçon d’intérêt à mon encontre car des trois accordéonistes, c’était avec moi qu’elle passait le plus de temps. Je me disais que j’étais celui des trois qui jouait le mieux de l’accordéon...
L’enregistrement de notre album devait durer deux mois et effectivement, au terme de ces deux mois qui passèrent extrênement vite, nous avions presque fini de tout enregistrer. En fait, nous avions un peu dépassé et il nous restait encore une chanson à encoder, celle qui allait devenir notre « single », comme disait Anaïs.
Vint le soir où nous devions terminer. Il était vers les dix-huit heures et il nous restait l’enregistrement de ce qui allait devenir notre chanson emblématique: « Une faim d’amour ». Anaïs était là, contente de voir finir son petit « bébé marketting ». Les choeurs avaient fini leur travail, c’était à notre tour de jouer pour y mettre la touche d’accordéon et les chant qu’assurait Brandon notre jeune premier. On nous fit venir dans le studio, il y eut du calme pendant cinq minutes, on mit les casques puis la musique commença. Quand ce fut son tour, Brandon se mit à chanter:
Quand je t’ai rencontré,
tu mangeais un soufflé
Je t’ai proposé du thé
Et nous nous sommes aimés!
Ouuui! Je t’aime!
Je t’aime car tu es belle!
Belle comme une mirabelle!
Ou du saucisson en rondelles!
Tu es le fruit de tous mes rêves,
De l’amour, tu es la sève,
Ta peau est douce comme la pêche,
Tes joues rondes comme des Quetsches!
Ensemble nous sommes plus forts,
Unis, nous ne craignons pas la mort,
Car tu as la force d’un légume,
A moins que ce ne soit d’un agrume.
Ouuui! Je t’aime!
Je t’aime car tu es belle!
Belle comme une mirabelle!
Ou du saucisson en rondelles!
Tout en toi me ravit,
Comme un bon plat de spaghetti,
Tu es la sauce au poivre vert
Qui agrémente ma misère!
Séduisante comme une prâline
Tu te fais parfois câline!
Et quand tu m’enlaces dans tes bras
Mon amour, j’en reprends deux fois!
Ouuui! Je t’aime!
Je t’aime car tu es belle!
Belle comme une mirabelle!
Ou du saucisson en rondelles!
Je t’aime! Je t’aime!
Je t’aime! Je t’aime!
Je t’aime! Je t’aime!
Après le texte, nous fîmes le solo d’accordéon à trois puis ce fut enfin fini, nous avions enregistré le dernier morceau.
Une fois que tout fut définitivement fini, il y eut un laps de temps durant lequel nous nous embrassâmes tous, heureux que nous étions d’en avoir terminé. Puis chacun partit de son côté, un par un, calmement.
4. Une nouvelle découverte.
Je décidais de rester un peu, histoire de voir ce qu’on allait faire de ces enregistrements lorsque je fus rejoint par Anaïs De Froissac elle-même: « Alors ça y est, le travail de l’ombre est fini, maintenant vous n’avez plus qu’à vous pavaner dans les « talk-shows » de la télé. »
-Je ferai de mon mieux, promis-je
-Vous avez été charmant, Roman, vous avez beaucoup de chance d’être beau et intelligent... Et de savoir jouer de l’accordéon, bien sûr.
Elle souriait étrangement, ce qui me mettait mal à l’aise. Je décidais d’en savoir plus: « Et si je vous payais un verre? » Elle semblait surprise: « Là! Tout de suite? »
-Oui
Elle réfléchit quelques instants puis: « Oui, c’est d’accord. »
Nous sortîmes des locaux d’Endémol puis nous dirigeâmes vers un petit restaurant chinois situé non loin de là. Comme il se faisait tard (il était plus de huit heures du soir), nous décidâmes d’un commun accord de prendre un repas complet. Anaïs semblait assez indifférente à ce qui se passait et tout compte fait cela m’arrangeait car j’avais là tout loisir de découvrir plus en détail un spécimen femelle de la race humaine. J’avais enfin un peu de chance! Je medemandais si le fait d’être peu ou prou plus intime avec moi allait la changer mais non, elle avait le même sourire crispé que d’habitude. J’avais hâte de savoir ce qu’une humaine standard pouvait avoir dans la tête.
Une fois assis, elle décida d’en savoir un peu plus sur moi: « Alors? Roman, vous venez d’où exactement? »
-Vous ne devinerez jamais.
-Je pense que vous êtes de parents étrangers, Roumains, probablement. Is it true?
-Oui, c’est exact, je ne suis pas d’ici, en fait pour moi tout est nouveau. Je venais à peine de m’acclimater à Paris quand je vous ai rencontré.
-Nouveau, Nouveau, pas tout à fait en tous cas: vous avez été suffisament sûr de vous pour mener à bien cette petite aventure que je vous ai proposé.
-Effectivement. En fait, je suis arrivé ici pauvre, et je veux savoir ce que a fait d’être riche car j’ai remarqué qu’ici, l’argent semble être le moteur de tout.
Le ton de sa voix monta. Elle eut un air précieux: « L’argent, vous savez, il n’y a pas que ça dans la vie! Life is life! Soyez vous-même et vous serez riches dans vos coeurs. La richesse du coeur c’est quand même ce qu’il y a de plus important! »
-Je sais bien, mais sans argent on ne peut rien consommer, on est comme impuissant. L’argent pour les gens d’ici, c’est un peu comme un dieu, ou plutôt un diable, puisqu’il génère beaucoup de malheurs, semble-t-il.
-Vous n’avez pas vraiment tort. Mais bon, un monde sans argent, ça n’existe pas!
Elle se mit à rire, sans doute pour détendre l’athmosphère.J’avais envie de lui répondre que l’argent avait été aboli comme moyen d’échanges depuis plus de trois-mille années terrestres par la fédération des planètes mais je me retenais: j’étais censé être en mission d’observation. Au lieu de cela, je la regardais manger son riz Cantonnais. Elle était magnifique. Pourtant, à force de la contempler, je sentis une raideur dans le bas-ventre qui me gênait horriblement. Ce devait être le signe avant-coureur du rut animal chez les terriens. Devant tant de beauté, je me demandais s’il était possible de s’accoupler avec cette femme et je décidais d’être le plus agréable possible pour le restant de la soirée.
A mon tour, je lui posais une question: « Comment avez-vous été productrice? »
Elle se remit à finir son riz Cantonnais et me répondait: « Quand j’étais au lycée, j’étais fan d’un DJ. Il s’appellait Jean-Michel Doucerose, mais son nom de scène, c’est DJ Otosho. Il vient de Guadeloupe, il fait du zouk, du zouk love et du Rn’B. C’est mon meilleur ami, je le connais depuis que j’ai seize ans. Je vais le voir ce soir, vous pouvez venir si vous voulez. »
-Oui... Pourquoi pas?
-Bon, en tous cas j’ai eu un bac science eco et j’ai fait un IUT Tech de co.
-Un IUT Tech de co! Qu’est-ce donc?
Elle se remit à rire: « Mais vous êtes bête ou quoi! Un IUT Tech de co c’est un lieu où on apprend à connaître les gens! On va au cours la semaine et le week-End on fait la fête! Voilà à quoi ça sert un IUT Tech de co!
-D’accord fis-je pensivement. Et après votre IUT, vous avez fait quoi? J’ai fait deux ans à l’ESM Neuilly. Oh là là! J’ai galéré ! Il a fallu que je me remette au niveau, j’ai fait un peu de sociologie, c’était dur, d’autant plus que je me suis séparé d’un garçon que j’aimais beaucoup... Bref, la vie a repris son cours petit à petit et j’ai eu mon diplôme de l’Ecole Supérieure de Marketting de Neuilly! Je peux vous dire que j’ai fêté ça! Quinze jours à Ibiza! J’ai bien rigolé cet été là! J’étais Hype au son de la House!
Je l’interrompais, une question me venait à l’esprit: « Mais... Vos écoles, là. Ca a servi à quoi? »
Elle prit un air outré: « Mais à faire mon métier! Ca alors! Je vous trouve bien curieux, grand coquin! »
-Excusez-moi. Excusez-moi.
Nous bavardâmes ainsi de choses et d’autres pendant plus de trois heures; grâce à mes efforts, nous prenions beaucoup de plaisir à être ensemble et je décelais en elle quelques signes de complicité.
Puis, ayant fini nos plats respectifs, nous sortîmes du restaurant: « Oui, vous avez raison, fit-elle en riant, on devrait remplacer nos dirigeants par des robots hyperintelligents qui gouverneraient à notre place! »
-Et on devrait faire pareil pour le travail, le travail devrait être aboli, tout comme l’argent et les commentateurs sportifs!
Elle riait à gorge déployée puis se reprit: « Aaah! Ah! Ah! Vous êtes vraiment très drôle, Roman, je me sens « aware » avec vous. Ca vous dirait d’aller en boite? »
-Pourquoi pas?
-Il faut qu’on passe par chez moi, Roman. Elle tourna le visage: « Hep! taxi! » Un taxi s’arrêta. On monta, le véhicule démarra et on se retrouva quelques minutes plus tard sur le perron de chez Anaïs, dans l’ouest de Paris. La batisse était entourée d’une assez grande partie de terrain sur lequel poussait du gazon et quelques arbres. Devant la maison, qui était grande et blanche, il y avait ce qu’on appellait une piscine. Anaïs cherchait les clés. Elle fouillait dans son sac à mains mais ne les trouvait pas: « Ca alors! Où ai-je mis mes clés? Flûte et zut! Oh, je sais! Elles sont accrochées à ma ceinture! » Elle se pencha alors sur elle, appuya sur un petit bouton placé sur son ceinturon et la boucle s’ouvrit laissant apparaître les clés recherchées. Elle dit alors: « Vous avez vu, c’est pratique! C’est fait pour ne pas oublier ses clés! Je me les suis achetées en Italie. Ca m’a sauvé encore une fois! »
On entra. Anaïs dit à voix basse: « Si je suis revenue ici, ce n’est pas pour vous faire visiter ma maison, grand curieux, mais parce que je vais me changer! Et puis je vais prendre un apéritif assez inhabituel... »
L’apéritif était une coutume assez répandue semblait-il dans cette région de la planète, j’en avais eu la confirmation au poste de police; curieuse habitude que de vouloir prendre des molécules modifiant le comportement chez les terriens. Peut-être étaient-ils vaguement conscients que la réalité pour eux n’était pas très facile à vivre... Quoi qu’il en soit Anaïs, intenable, ouvrit une petite boite en fer dans lequel se trouvait un sachet de poudre blanche: « Regardez! Fit-elle à voix basse. C’est mon apéritif à moi. C’est de la cocaïne. J’aime bien parce que je me sens vachement bien quand j’en prends. Je suis toute gaite! Hi! Hi! Hi! Hi! »
A l’aide d’une carte à jouer elle déposa un peu de poudre sur la table basse du salon puis en fit une ligne. Elle me regarda droit dans les yeux: « Vous êtes sur que vous n’en voulez pas? » Je fis non, préferant observer la scène. Elle prit alors une paille puis aspira par le nez le trait de poudre blanche. Puis elle se redressa, leva la tête et respira profondément; lorsque je revis ses yeux, ceux-ci étaient plus brillants qu’avant. Je voulais lui dire qu’elle avait de beaux yeux bleus mais je n’en eu pas le temps. Elle se mit l’index sur le front puis dit: « Oh! Mais je manque à tous mes devoirs! Vous voulez peut-être du whisky, scotch ou quelque chose d’autre, je ne sais pas moi... du jus d’orange? » Elle fila droit dans la cuisine sans que je puisse esquisser le moindre geste.
Profitant de son absence, je regardais le salon où j’avais été convié. Les murs étaient blancs, il y avait un meuble avec un magnétoscope et une télévision et en face un confortable canapé en cuir devant lequel se trouvait une table basse en verre. Et sur cette table basse il y avait de cette poudre blanche qui semblait tant ravir Anaïs.
« Voila! Voila! J’arrive! » Et elle revint avec du jus d’orange. Elle était fort charmante dans sa robe légère qui mettait en valeur son corps sculptural et son visage angélique. On eut dit un ange moderne dont la vision céleste enchantait mon côté humain. Je décidais de dire ce que je pensais: « Anaïs, vous... vous êtes, comment dire, plus belle qu’une supernova. L’éclat de vos yeux vaut bien celui de mille soleils. » Elle me regardait en souriant tandis que je m’approchais d’elle. Elle eut encore la force de dire: « Vous voulez des cacahuètes? » et l’instant d’après nous nous embrassions tendrement sur le canapé. Au fur et à mesure que nous nous caressions, je sentais le désir humain gonfler en moi et je pris l’initiative: « Et si nous faisions l’amour? »
-Oh! Oui mon chéri, j’ai envie de toi. Tu es beau. Oh! Excuse-moi! Je t’ai renversé du whisky sur ton pantalon! » Et c’était effectivement vrai. Nous allâmes ensuite dans la chambre à coucher et nous accouplèrent.
Pour faire court, on peut comparer le plaisir humain à une tempête magnétique de plaisir qui ne cesse decroitre jusqu’au point culminant. C’est agréable mais certaines races au sein de la galaxie connaissent des plaisirs bien plus voluptueux. Quoi qu’il en soit je ne m’étais jamais senti aussi détendu depuis facilement deux ou trois missions. Ce fut Anaïs qui rompit la glace et chuchota:
« Alors, Roman, tu viens d’où exactement en Roumanie? »
Cette fois là, je décidais de lui dire la vérité: « En fait, je ne viens pas de Roumanie, ni même de la terre d’ailleurs: je suis ce que vous appellez un extra-terrestre. » Elle ouvrit grand ses beaux yeux bleus: « Ah bon! »
-Oui, je m’appelle Mmmwwmff, en réalité, et je suis une sorte de grosse limace de trois mètres de long hyperévoluée et je suis venue ici en reconnaissance. Je fais partie d’un bureau d’enquête de la fédération des planètes pour savoir si votre civilisation naissante est apte à faire partie de notre fédération. Là où je suis né il y a trois soleils et six saisons. J’adorerais t’y emmener ma chérie.
Anaïs restait bouche bée. Elle ne disait plus un seul mot. Je continuais: « La fédération des planètes est composée de plus de cinq-cent races différentes qui vivent toutes en bonne intelligence. Par rapport à nous, vous êtes des microbes que ce soit au niveau de vos capacités intellectuelles ou vos simples productions. Je puis t’assurer que vous êtes vraiment une belle bande de primitifs comme j’en ai rarement rencontrés!
-Et... Vous allez nous aider?
-Je ne sais pas, ça ne dépend pas que de moi. En fait, des spécialistes vont analyser mon rapport et nous allons délibérer pour savoir si nous allons vous aider, vous détruire ou vous laisser en paix.
-Je vois. Bon, je te laisse, il faut que je m’absente. Je reviens dans dix minutes.
-D’accord.
Elle s’habilla rapidement, prit son sac et dit : « Bye! » Au bout d’une heure, elle n’était toujours pas revenue et je m’endormais.
5. Un réveil inattendu.
Je fus réveillé brusquement. La personne qui me tira de mon sommeil fut un homme de haute taille à la blouse blance. D’après ce que je connaissais de la planète terre, ce devait être un docteur ou un infirmier. Il me tapotait l’épaule et me disait calmement: « Monsieur, il faut que vous nous suiviez. »
-Mmhh. Pourquoi?
-C’est sur ordre du préfet, monsieur.
-De qui ça?
-Du préfet.
-Où est Anaïs?
-Elle vous attend dehors.
Je levais la tête juste pour voir qu’un deuxième homme en blanc, lui aussi de belle taille, me regardait faire. Je trouvais ces gens extrênement gênants et je leur disais: « Je suis l’invité de madame De Froissac. J’attends qu’elle vienne. » L’homme en blanc se faisait plus insistant: « Elle vous attend monsieur. »
-Je préfère attendre là
L’homme en blanc tenta de m’empoigner: « On nous avait dit qu’il était coriace. Tu es prêt, Serge? » Le deuxième homme en blanc sortit une seringue remplie d’un liquide rose. Je me débattais mais c’était trop tard, on me planta la seringue dans la cuisse. Au bout de quelques instants je me sentis tout faible et ayant l’envie de dormir. Le premier homme recommença: « Vous venez avec nous monsieur? »
-Pourquoi?
-Anaïs De Froissac voudrait vous voir.
Je grommelais: « Je m’habille et j’arrive. »
Je m’habillais en vitesse et sortit, suivi par les deux hommes qui faisaient chacun une tête de plus que moi. Au dehors en pleine nuit, il y avait une voiture de policiers et un fourgon blanc avec le logo de l’hôpital public. Un des policiers fit à un des deux infirmiers: « Ca c’est bien passé Serge? »
-Pas trop mal, fit l’intéressé, il est assez calme.
On m’embarqua dans l’ambulance aux côtés d’un des policiers qui me passa les menottes. Visiblement, j’étais de nouveau prisonnier mais cette fois d’une toute autre façon. Quoi qu’il en soit l’ambulance démarra et roula à toute vitesse à travers la nuit noire vers une destination qui m’était inconnue. Au bout d’une demi-heure de trajet, nous arrivâmes à l’entrée d’un petit hôpital de banlieue. Notre entrée ne causa pas d’incidents notables. Je fus déposé avec les deux infirmiers géants dans une petite salle où patientait une infirmière. Le policier nous quitta après avoir enlevé ses menottes. Là, j’appris qu’on voulait m’enfermer dans ici quelques temps afin de vérifier mon état de santé mentale car j’avais donné des signes de pathologie évidents selon l’infirmière. Je répondis que ce n’était pas vrai mais on me dit que des experts spécialement mandatés pour l’occasion allaient vérifier. On m’y emmena.
Après un dédale de couloirs, je fus amené dans une zone fermée à clé et que seuls les infirmiers pouvaient ouvrir. Enfin, toujours accompagné des mêmes infirmiers, j’entrais dans un petit bureau où deux hommes m’attendaient. Le premier était grand et maigre, portait un costume sous sa blouse blanche et paraissait assez âgé. Le second, plus jeune, était petit et joufflu, avec des cheuveux d’un noir de jais.
Le plus grand me posa une question: « Alors, monsieur Roman Petrescu, d’où venez-vous? »
-Je ne vois pas en quoi ça vous regarde, répliquais-je.
-Calmez-vous, calmez-vous, allons. Soyez sage et il ne vous arrivera rien.
-Pourquoi m’avez-vous amené ici, j’étais bien chez Anaïs...
-Ne vous inquiétez pas, vous allez la voir bientôt. D’ailleurs, vous lui avez dit que vous êtes une grosse limace, c’est cela?
-Mais ça ne vous regarde pas. Je suis bien plus heureux limace pensante qu’humain, croyez-le bien.
-Donc vous êtes d’accord pour dire que vous êtes une limace?
-Mais enfin! A quoi rime tout cela?
Le grand monsieur prit un ton affable: « Et comment vous la vivez votre vie de limace? »
-Non mais alors!
Je crois que si on ne m’avait pas fait cette piqure auparavant, je lui aurai mis mon poing sur la figure mais je baissai la tête, harrassé.
Le petit homme joufflu prit la parole: « Pour moi, c’est clair, c’est une psychose! » Puis, sur un ton sentencieux: « Avec éléments délirants! » Le grand docteur lui coupa la parole: « Mais non, il nous fait une bonne petite dépression, il est un peu fatigué, c’est tout. » Ils se regardèrent et conclurent: « Quoi qu’il en soit, il va rester ici quelques jours en observation. » Le grand se tourna vers moi et dit en me souriant: « Vous allez rester quelques jours ici en observation. Ne vous inquiétez pas, vous êtes un peu surmené, ça ira mieux dans quelques jours. »
-Mais je ne veux pas rester ici!
-Allons! Allons! Ne faites pas votre capricieux! Ca va très bien se passer.
Puis il dit aux infirmiers: « Allez! Emmenez-le dans sa chambre. »
Les infirmiers m’emmenèrent sans que j’aie la volonté de les en empêcher. Au loin j’entendais les deux docteurs discuter de mon cas: « Si on pouvait le mettre dans une cage avec des éléctrodes branchées sur le cerveau qui créent une décharge électrique chaque fois qu’il a une mauvaise pensée, en trois jours il est sorti! »
-Oui, mais en attendant, on doit se contenter de ce que permet notre science, je vais lui donner, disons... Du Tercian, du Solian, de l’Haldol plus quelques antidépresseurs. Ah oui! Et aussi du témestat. C’est joli le témestat, la pilule est verte, très joli! Et si on se débrouille pour lui trouver des pilules jaune et rouge, il prendra les trois couleurs rasta en un seul jour! Très bien ça, les pilules rasta. Je vais aller voir ce qui me reste à la pharmacie...
Puis je n’entendis plus rien, mais mes surprises n’étaient pas finies: en effet une personne m’attendait dans ma chambre: Anaïs. Ses yeux étaient rouges et brillants mais ce n’était pas dû uniquement à la cocaïne: elle avait pleuré. Elle prit la parole: « Roman, vraiment tu me fais peur: tu avais bien caché que tu étais psychopathe ou je ne sais quoi d’autre. Pense un peu à moi: que vont dire mes amies si elles savent que j’ai partagé mon lit avec un névropathe cyclique! Quoi qu’il en soit, je t’ai mise ici pour que tu guérisse, alors prends bien tes médicaments tous les jours et écoute mon conseil: sois toi même et il ne t’arrivera rien. »
-Mais je ne suis pas moi-même en humain: je suis une limace!
-Cesse de faire ton schizophrène! Tu n’es pas une limace puisque tu as deux bras et deux jambes!
-Puisque je te dis que je viens d’une autre planète!
-Mais non tu ne viens pas de l’espace! Ne fais pas ton névrosé ainsi! C’est très désagréable pour tout le monde!
J’étais excédé comme jamais je ne l’avais été sous la forme terrienne: cette planète était vraiment d’une grande hostilité peuplée par des idiots qui sont tellement aliénés par leur propre bêtise qu’ils ne savent même plus se mettre à la place des autres; l’égoïsme, la stupidité congénitale et l’indifférence des terriens me dégoûtait et je décidais de retourner sur le champ au vaisseau pour quitter cette planète aberrante. Ma patience, pourtant légendaire en tant que limace pensante, était cette fois à bout. Je décidais de lancer un SOS spatiotemporel.
Néammoins, pour quitter cette planète, il me fallait appeller le vaisseau et le commutateur qui servait à celà était caché dans mon anus. Je me déculottais donc et commencer à fouiller avec mes doigts la partie de mon anatomie humaine consacrée à la défecation. En voyant cela, Anaïs s’exclama: « Oh! Mais je vois que tu es intéressé par le plaisir anal! Je ne savais pas que tu étais gay! J’appelle les médecins! » En quelques instants les médecins accoururent mais pour eux c’était trop tard: j’avais déjà appuyé sur l’interrupteur et ma destinée était dorénavant prise en main par l’ordinateur du vaisseau qui attendait à quelques années lumière de là.
Les deux docteurs arrivèrent ainsi que les deux infirmiers, Serge et René.
Anaïs, quelque peu troublée, me dénonca: « Messieurs les Spychiatres, il s’est... Comment dire... Mis un doigt dans... La boite à caca. »
Ce fut le petit joufflu qui s’écria le premier: « Il est en plein délire auto-érotique! En plus, il a manifestement un trouble de l’identité sexuelle! Vite, Serge! Il faut le piquer! » Le second docteur, celui qui était grand et maigre, répondit: « Mais non, mais non, c’est suite à sa petite dépression, ce n’est rien du tout. Il ne faut pas s’inquiéter, dans quelques jours il ira beaucoup mieux. »
Pendant ce temps, j’ordonnais au vaisseau de rester en contact étroit avec moi afin de préparer ma téléportation. Anaïs dit alors: « Qu’est ce que tu dois être malheureux pour agir de la sorte! »
-Je ne suis pas malheureux, si je me mets un doigt dans l’anus c’est pour rentrer chez moi!
Le grand maigre prit ma parole: « Donc, si je comprends bien, si vous vous faites un toucher rectal, c’est pour retrouver votre maison? Bien... Très intéressant. Continuez... »
-J’ai appelé mon vaisseau, il va me téléporter d’une minute à l’autre.
Psychiatres et infirmiers eurent alors un rire inextinguible. A ce moment, je sus que le vaisseau était prêt, je donnais alors les instructions.
On entendit d’abord un grondement sourd, puis le vent se mit à souffler très fort comme si une tempête soudaine et très violente venait de se lever. C’était d’ailleurs ce qui se passait car pour m’échapper, je modifiais un temps les conditions météorologiques de ce petit coin de terre. Après le vent et le grondement, ce fut au tour d’éclairs terribles de se déclarer et on voyait, par la fenêtre de la chambre, des nuages d’un noir d’encre ainsi que des éclairs luminescents qui zébraient le ciel sombre. Puis, comme je l’avais prévu, un éclair plus fort que les autres frappa de plein fouet la chambre, creusant un grand trou au plafond. Le vent s’engouffra dans la pièce créant une athmosphère de fin et du monde et on pouvait voir, si on levait la tête, un tourbillon de nuages qui tournait dans le sens des aiguilles d’une montre, aspirant du même coup arbres et voitures qui s’envolaient en tournoyant en direction de l’oeil du tourbillon.. La scène avait quelque chose de terrible. Du côté des terriens, c’était la panique, seule Anaïs n’avait pas fui, elle était simplement immobilisée par la stupeur.
Les nuages formaient un oeil noir inquiétant au dessus de moi mais je ne m’en faisais pas: j’allais bientôt retrouver ma planète. De l’oeil sortit un rayon bleu fluorescent qui m’éclaira d’une drôle de lumière puis je disparu à la vue de la dernière personne encore présente sur les lieux: Anaïs. Avant de retourner définitivement dans mon vaisseau, j’eus le temps d’entendre sa derniére réflection: « Mon dieu! Le ciel a tiré la chasse d’eau! » Puis ce fut tout. L’instant d’après j’étais bien calé au poste de pilotage et je quittais cette zone de l’univers aussi vite que possible; j’allais enfin retrouver mon doux foyer... »
Voilà, Sgfh, c’est comme ça que ça s’est passé...
6. Conclusion.
Après ce long discours, ce fut Kkkrk qui prit la parole: « Décidément, ces terriens ont l’air d’être une belle bande de sauvageons. Afin de nous débarrasser de ces microbes, ja propose que nous détruisions ce système solaire! » Ce fut le maître de cérémonie, Sgfh, qui répondit: « Du calme, du calme. Nous pourrions en faire des animaux de compagnie pour les habitants de Bételgeuse. Ils en seraient dingues! » Cette fois, ce fut au tour de Joulul Hgouful de prendre la parole: « Mes amis, mes amis, ne nous comportons pas comme eux. Laissons-les vivre, après tout, ils ne nous font aucun mal, nous n’avons aucune raison de les craindre alors laissons-les en paix! »
Sgfh exprima la réflection en secouant ses tentacules puis me laissa le choix: « Et votre avis, Mmmwwmff, quel est-il? »
-Je crois que les incorporer à la fédération des planètes est un peu prématuré, ce sont vraiment d’indécrottables primitifs, c’est vrai. Songez par exemple qu’ils produisent suffisament de nourriture pour toute leur planète mais que chez eux, cent mille personnes meurent de faim chaque jour, c’est vous dire s’ils sont bien organisés! Néammoins, une fois habitué à leur violence et leur incohérence toute primitive, ce ne sont pas de mauvais bougres. Laissons leur une chance de s’améliorer! »
-Vous avez bien parlé, fit Sgfh, laissons les terriens à leur bêtise, de toute façon ils ne peuvent guère tomber plus bas!
Puis, se tournant vers Kkkrk: « Dossier suivant! Alors Kkkrk? Vous avez visité quelle planète? »
Pendant que Kkkrk parlait, Mmmwwmff se demandait s’ils auraient fini avant la fin de la journée...
FIN
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