Vacances de printemps

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C’est promis, je reviendrai. Cette promesse, je me la suis faite il y a maintenant plusieurs années. Je me souviens très précisément le lieu où se sont passés les événements, les couleurs de l’environnement naturel, car nous étions au printemps, la nature explosait, je me souviens même de ces sensations olfactives qui pourraient me faire me rappeler cet endroit avec un bandeau sur les yeux.

Je suis issu d’une famille simple, sans prétention. Mon père, Noël de son prénom, employé dans une entreprise pas très loin de la maison et ma mère, Jeanne, femme au foyer, nous éduquaient dans une logique d’honnêteté et de valeurs spirituelles et morales, comme eux-mêmes avaient été élevés. J’irais jusqu’à dire que mon père et ma mère étaient par nature deux personnes modestes sans prétention de marquer l’histoire. Néanmoins, leurs progénitures représentaient tout à leurs yeux. Ils débordaient d’amour et de tendresse pour leurs trois enfants. Ils se trompaient parfois dans leurs réactions et leurs jugements mais c’était par méconnaissance et manque de réflexion, tout cela était annihilé par leur amour.

Je m’appelle Louis, je suis le cadet de la fratrie, le petit, comme tout le monde m’appelle depuis toujours, ensuite, juste au dessus de moi vient Jules, le benjamin de la famille, puis notre frère aîné, Gabriel.

Il y a très peu d’écart entre Jules et moi, ce qui explique notre grande complicité. En revanche, une espèce de barrière psychologiquement infranchissable s’est installée entre Jules et moi-même avec Gabriel du fait d’une différence d’âge importante.

Avant de prendre la route, mon père, prenant son rôle de garant de notre sécurité très au sérieux, avait vérifié l’état de la voiture, eau, huile, pneus…tout était parfait. De son coté, ma mère toujours dans la discrétion et l’efficacité avait préparé les valises de chacun. De légers encas complétaient un sac posé à ses pieds dans la voiture, à côté du conducteur, juste pour la route disait-elle. C’était sa façon de nous faire comprendre que nous mangerions dans la voiture , que cela serait moins onéreux que de manger un repas sur la route.

Nous étions au mois d’avril, c’était les vacances de printemps. Mes parents avaient loué une maison pour ces quelques jours dans le sud de la France. Une ambiance euphorique flottait dans la voiture,

La maison où nous résidions se situait en plein milieu de la garrigue. Des paysages que nous ne connaissions pas s’offraient à nous, des effluves inconnues nous parvenaient sur la terrasse. De multiples fragrances de fleurs du printemps émanaient de ces champs en fleurs jusqu’à notre odorat, iris, tulipes, jacinthes. C’était magique.

Notre première journée fut alternée de courts séjours dans la maison et de balades à la découverte de chemins proches aux alentours.

Le lendemain, il fut entendu que nous pousserions un peu plus loin nos investigations. Nous décidâmes à l’aide d’une carte de la région de la direction à prendre.

Nous marchions en file indienne depuis environs deux longues heures, j'avais insisté pour fermer la marche. Malgré l'air sec qui soufflait, nous admirions tout en marchant les couleurs de la flore sauvage.

Je décidais alors d’emprunter un chemin sur ma droite qui serpentait à travers les chardons , cistes et chênes Kermès que composaient la flore sous mes pas. Celui-ci tournait ensuite un peu plus loin sur la gauche, ce qui je pensais me permettrait de récupérer mes parents et mes frères quelques centaines de mètres plus haut.

Lorsque j’entendis de drôles de bruits, comme des crépitements en contrebas du chemin, je décidais de m’approcher par curiosité. Quand tout à coup un nuage de fumée m’enveloppa. Apeuré, je tournais sur moi-même pour choisir une direction à prendre quand je vis des flammes aussi hautes que moi sortir d’un talus de derrière une pierre. J’étais tétanisé, horrifié, je ne savais pas qu’elle option prendre, quelle direction prendre. J’entendais les voix de Gabriel hurler mon nom, les hurlements de mes parents et les cris désespérés de Jules qui m’appelait en criant à tue-tête tout en me cherchant éperdument dans la fumée et les flammes, qui elles aussi les assiégeaient.

j'étais dorénavant encerclé par les flammes et les fumées. Mon cerveau paralysé par la peur m'empêchait de penser, mes membres engourdis par la fumée que j'inhalais entravaient ma marche. Les cris hurlant mon nom devenaient de plus en plus faibles.

Je me rappelais les conseils de mon père : la garrigue est une région dangereuse, le ciste à une particularité étonnante, il peut prendre feu de manière spontanée en été sous l'action de la chaleur et des rayons du soleil. J'avais enfreint toutes les règles de sécurité. J'ai dû perdre connaissance à ce moment là.

Je me réveillais en apercevant un visage d’homme au-dessus de moi. J’entendais au loin des voix, des ordres vociférées dans une radio. Le médecin me confirma que j'avais perdu connaissance et que les pompiers alertés par les fumées, m'avaient trouvé inanimé dans un espace rocailleux.

Je compris à posteriori l’erreur que j’avais commise. Avec une immense culpabilité en moi, j’avalais une grande aspiration et appelais mes parents, non pas pour être consolé mais me rassurer, savoir si je pourrais un jour les réconforter de cette frayeur.

Comme promis, je suis revenu. Cette promesse, je me l’était faite il y a maintenant plusieurs années. Je me remémore très précisément le lieu où se sont déroulés les événements, les couleurs noires de l’environnement, et me souviens même de ces odeurs qui pourraient me faire me rappeler cet endroit avec un bandeau sur les yeux.

Jamais la moindre allusion ne fut prononcée par mes parents sur cette journée. Leurs valeurs les avaient contraints de s’y abstenir.

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