L'autruche, l'enzyme et le politicien
2020 : première "fable" (inspirée des récentes découvertes scientifiques - CRISPR).
Une autruche élancée s'affairait dans les dunes.
La belle ébouriffée cherchait sa bonne fortune
Elle courait à hue, elle trottait à dia
Toujours grattant le sable pour trouver son repas.
Elle aimait son désert et remerciait les dieux
Pour les herbes et les vers, pour ces fruits délicieux
Que découpait en cubes au creux de ses entrailles
L'enzyme qui en secret faisait tout le travail.
L'une et l'autre ainsi vivaient comme des reines
Et se satisfaisaient d'une vie simple et sereine
Quand un politicien débarqué de son monde
S'en vint bouleverser le calme de leur onde.
Il promit tout et plus à l'autruche naïve
Dont l'enzyme prudente, au bien-être attentive,
Réfrénait les ardeurs, tempérait le désir
D'une vie sans labeur et remplie de plaisirs.
Il lui promit des mangues en telles quantités
Que l'enzyme ne pourrait toutes les digérer.
Il promit que le sol par lui bientôt dompté
Donnerait en sept jours plus qu'en toute une année.
Il promit encore, l'homme n'était point avare
Que les vers sauteraient tout seuls dans son gosier
Et que l'oiseau vulgaire, long cou et grands panards
Deviendrait une autruche gracieuse et raffinée.
L'enzyme qui connaissait les méfaits des promesses
Avertissait la cruche, aveuglée par la liesse,
Que la parole du sieur qui veut qu'on vote pour lui
N'a pas plus de valeur qu'une pelure de kiwi.
Mais l'autruche écouta plutôt que son amie
Le manipulateur qui pour ce grand désert
O vil tentateur, vaine idéologie
Avait de grands projets cachés sous ses grands airs.
Il modula si bien le ton de sa complainte
Assurant une vie libérée des contraintes,
Il harangua si fort le pauvre volatile
Que la vierge emplumée vota pour l'imbécile.
De larges autoroutes traversèrent bientôt
Le désert nettoyé de tous ses animaux,
Chassant la nourriture aux confins du pays,
Massacrant la nature au seul nom du profit.
Des centres commerciaux comme des champignons
Sortirent soudain de terre, barrant tout l'horizon
Et l'autruche paresseuse ne passait plus son temps
Qu'entre bonnes affaires et mensonges des puissants.
L'oisive enzyme pleurait, maudissait son refuge
Cette caboche au long cou, à l'ego centrifuge
Qui plongeait yeux fermés dans le sable souillé
S'appliquant à nier les horreurs du progrès.
Désœuvrée et sans but, l'autruche délabrée
Avait perdu la lutte, lustrait son canapé.
Et l'enzyme délaissée se morfondrait à vie
Devant une télé, devant le Juste prix.
L'effort n'est jamais vain, il est l'élan vital.
L'art du politicien sera toujours fatal.
Loin de nous les mensonges d'une vie trop facile
Car le mieux est un songe et le vide nous abîme.
Février 2020
Annotations