2. Pascal
Terre Lambda, Juillet 1975
Juillet s’annonçait brûlant. Dès l’aube, le chant strident des cigales imprégnait l’air sec, annonçant une journée accablante. Pascal le savait et attendait déjà avec impatience le moment où il pourrait plonger dans l’eau fraîche de la piscine gonflable, installée dans le jardin de la maison de campagne familiale à Simiane-Collongue, une bourgade nichée entre collines et garrigue, non loin d’Aix-en-Provence. Là-bas, le temps semblait suspendu, rythmé par le soleil et les parfums de résine chauffée.
Anaïs, la mère de Pascal, avait hérité de cette maison de ses parents, et avec son mari Jean, ils avaient décidé de la restaurer et de la conserver pour y passer leurs week-ends et vacances en famille. Bien cachée dans la pinède, elle n'était pas visible depuis la route principale et était relativement isolée, les premiers voisins étant éloignés de plusieurs centaines de mètres. Cette maison avait vu grandir leurs enfants, Marguerite, Françoise et Pascal, le petit dernier. Pascal adorait cet endroit qu'il trouvait enchanteur, surtout le vaste terrain boisé où il vivait de grandes aventures.
A dix ans, il était un garçon d'apparence plutôt ordinaire. Ses cheveux châtain foncé, naturellement bouclés, encadrait un visage aux traits délicats éclairé par des yeux marrons très expressifs. De taille moyenne, ni trop mince, ni corpulent, il se fondait dans la masse. Né à Marseille, il aimait se présenter comme un enfant de la rue mais lorsqu'il découvrit la campagne et ses charmes, il préféra taire ses origines citadines parlant davantage de sa maison de campagne où il aimait se réfugier que de l'appartement familial situé dans le IIème arrondissement de la cité phocéenne.
Il adorait jouer seul. Il débordait d'imagination, capable d'incarner un chevalier le matin avant de combattre des soldats nazis l'après-midi, changeant de rôle avec une aisance remarquable.
Mais, aujourd'hui, il avait une mission. Il y avait un petit cabanon au fond du terrain que son père lui avait alloué pour qu'il puisse vivre ses aventures quotidiennes. Son objectif était d'y trouver de la place.
Les idées et scénarios foisonnaient déjà dans son esprit, mais avant tout, il devait ranger ce fichu abri de jardin, et surtout, il devait faire attention en rangeant les outils qui se trouvaient à l'intérieur.
Faucille, cisailles, sécateurs... il en connaissait les dangers et il avait une sainte frousse.
Pour obtenir l'autorisation de jouer dans cet abri, il avait promis à son père d'être prudent. Mais Pascal était méthodique. Il savait s'organiser. Assez bon élève, travailleur, attentif et discipliné, il avait décidé de noter le nom de ces outils sur un carnet avant de les répertorier puis de les ranger de manière ordonnée. Taille, poids, utilité, dangerosité... chaque outil trouverait sa place.
Il les sortit un à un, les déposa au sol ou contre l'abri en attendant de leur attribuer un emplacement définitif. Il passa toute la matinée à cette tâche et lorsqu'il eut fini de les classer, Pascal put enfin aller déjeuner.
A table, Son père l'interrogea sur son travail. Il lui répondit fièrement, n'oubliant pas de mentionner qu'il avait travaillé avec prudence. Même ses sœurs, habituellement plus distantes, s’étaient intéressées à ses efforts, ou du moins faisaient semblant de s’y intéresser. Il prit plaisir à leur expliquer sa méthode de travail, remarquant à plusieurs reprises, une lueur de fierté briller dans le regard de son père.
Jean était âgé de 40 ans. C'était un homme bon et attentif, toujours disponible. Les études, le sport, les jeux, tout pour lui était une occasion d'être à l’écoute de ses enfants. Il trouvait toujours des solutions aux problèmes rencontrés et pour Pascal, ces qualités définissaient le père idéal.
Il l’aimait profondément.
Anaïs, sa mère, était âgé de 38 ans. Elle était plus distante. Elle n'écoutait pas toujours ce que son fils avait à lui dire ou alors par obligation. Mais elle n'avait pas toujours été comme ça. Son état de santé avait évolué après la naissance de Pascal, en 1965. Elle avait souffert de troubles dépressifs qui avaient modifié sa personnalité, ne riant plus guère et ne souriant que rarement.
Pascal s’occupait souvent des tâches courantes et des corvées quotidiennes sans attendre de reconnaissance. Malgré le manque d’affection manifeste de sa mère, il ressentait son amour à travers les rares signes qu’elle lui donnait et cela lui suffisait
A la fin du repas, Pascal lui demanda la permission de quitter la table :
- M'man, j'ai fini de manger. Je peux retourner jouer ?
- Oui, mais fais attention à toi. N’oublie pas de mettre les gants que ton père t’a donné pour déplacer tous ces outils.
Il la remercia puis sortit en courant vers le cabanon.
Il passerait le début de l’après-midi à y travailler puis il irait se baigner dans la piscine, vers seize heures. Il enfila les gants de son père, un peu grands pour lui, et se remit au travail.
Il avait presque terminé quand une vis usée céda soudainement, provoquant la chute d’un râteau, puis d’autres outils, qui se déversèrent au sol. Pascal entendit le bruit des outils raclant le mur du cabanon. Il eut juste le temps de se dégager mais il perdit l’équilibre et tomba lourdement sur les graviers, à l’extérieur.
En se relevant, il vit que les outils, dont la faucille, étaient maintenant éparpillés à l’endroit où il se trouvait.
"Plus de peur que de mal", pensa-t-il.
Le cœur battant, il secoua la poussière déposée sur sa chemisette jaune et son short. Il sentit un picotement sur son genou qui était tout sanguinolent : quelques coupures et éraflures infligées par les graviers, rien de plus.
Mécontent, il se dirigea vers la maison puis appela sa mère afin qu'elle le soignât. Elle parut à peine surprise lorsqu'elle lui demanda ce qui s’était passé. Pascal lui raconta sa mésaventure pendant qu'elle nettoyait la plaie avec un peu d’eau.
Quand elle appliqua de l’alcool sur son genou, Pascal fit une grimace mais ne dit pas un mot puis elle imbiba un coton de mercure de chrome pour l'étaler délicatement sur les éraflures. Ensuite, elle vérifia qu’il n’y avait pas d’autres blessures.
Pascal s’inquiéta pour sa baignade.
- Bien sûr que tu peux aller te baigner. Ça ne va pas te tuer ! dit-elle en se moquant gentiment de lui.
Mais avant d’aller se rafraîchir, Pascal retourna au cabanon pour remettre en place les outils qui étaient tombés. Cette fois-ci, il les fixa solidement avec un cordage plus résistant.
Son travail terminé, il se dirigea vers la petite piscine ronde. La chaleur était intense : il enleva sa chemisette et son short pour plonger rapidement dans l'eau. Bien qu'elle ne fût pas froide, elle était suffisamment fraîche pour le contenter.
Il ressentit à nouveau des picotements sur son genou blessé, mais cela ne l'empêcha pas de nager comme il en avait l'habitude, en rond le long des boudins. Puis il fit la planche, les yeux levés vers le ciel bleu de Provence.
Il repensa à sa journée de travail. Malgré son petit incident, il était vraiment fier de ce qu'il avait accompli et il se dit que le lendemain, il pourrait commencer ses aventures imaginaires.
L'après-midi se termina avec la lecture d'un bon livre d'aventure dont il raffolait. L'histoire qu'il lisait racontait les péripéties d'un jeune garçon devant traverser un vaste territoire à la recherche d'un médicament pouvant sauver sa mère malade. Une fabuleuse épopée dont il se voyait, bien évidemment, être le héros.
Après le dîner, il se coucha rapidement pour continuer la lecture de son livre dans sa petite chambre puis, ses yeux se fermant, tout doucement, il posa son livre sur sa table de chevet.
Il bailla et s'étira avant de plonger dans un profond sommeil, malgré les légères brûlures que lui faisait ressentir son genou.
* * *
Durant trois jours, scénario après scénario, Pascal s'amusait dans son nouveau Q.G qu'était devenu le cabanon. Il vivait ses aventures à en perdre le souffle et n'était jamais à court de rebondissement pour relancer ses histoires.
Le quatrième jour, à son réveil, il pensa déjà au héros qu'il interpréterait dans la journée mais lorsqu'il sortit de son lit, il ressentit un picotement au niveau de son genou. La croûte qui s'était formée avait pris une couleur jaunâtre par endroit, entourée de rougeur.
Lorsqu'il posa doucement son index sur les éraflures, le picotement devint douleur. Il s'empressa de s'habiller pour se diriger vers la cuisine.
Son père lisait le journal devant un café. Il leva les yeux et vit son fils arriver dans la petite pièce :
- Salut Pascalou, bien dormi ?
- Salut P'pa, bien dormi et toi ? Il montra son genou à son père.
- Regarde P'pa. C'est rouge et il y a du pus. Ça commence à me faire mal.
Jean examina le genou de Pascal :
- Hum... Effectivement, ça suppure. Il vaudrait mieux aller chez le médecin et... pas plus tard que cet après-midi.
Pascal n'aimait pas Marseille.
Malgré la beauté de cette ville, en partie grâce à son implantation géographique, il la trouvait trop grande, plutôt sale, et il y avait pour lui beaucoup trop de circulation. Le seul endroit où il aimait se promener était vers le Fort Saint-Jean et le quartier du Panier, lieu de naissance de son père.
Par chance, c'est là que se trouvait le cabinet de leur médecin de famille.
Quand ses parents et lui y arrivèrent vers 16 heures, une chaleur étouffante écrasait la capitale phocéenne. Pas moins de 36°C s'affichaient sur le thermomètre de la Renault 16 de Jean et l'air qui entrait par les vitres grandes ouvertes de la voiture n'arrivait pas à les rafraîchir.
Près de l'église Saint-Laurent, ils virent une brume épaisse se former au large. Jean trouva assez rapidement une place à proximité du cabinet médical où il gara la voiture familiale.
Alors qu'il attendît au volant de sa voiture, Anaïs et Pascal entrèrent dans le vieil immeuble de l'Esplanade de la Tourette. Ils sonnèrent à la porte du médecin et se rendirent dans la salle d'attente. Le cabinet était désert, ce qui était assez habituel pour un vendredi après-midi en plein mois de juillet.
Quelques instants plus tard, le docteur Cella les invita à entrer dans la salle d'examen.
C'était un vieux médecin de famille, aux cheveux gris, avec un fort accent du sud. Trois paquets de Gitane sans filtre traînaient sur son bureau. Lui-même dégageait une forte odeur de tabac. Il arborait une blouse blanche, plutôt grisâtre et élimée, par-dessus un pantalon beige et des chaussures en toile grise.
Son bureau, à son image, semblait appartenir à une autre époque. Derrière sa chaise, un vieux buffet en bois massif était recouvert de livres mal rangés, surmonté d'un tableau représentant une œuvre en noir et blanc de Picasso.
Même s'il n'était pas du tout amateur d'art, ce tableau fascinait Pascal. Il n'y voyait que de grands yeux qui le fixaient et qui semblaient lire dans ses pensées. Il détourna son regard de la toile comme à chaque fois qu'il venait pour une visite.
Le docteur Cella s'adressa à Anaïs avec un sourire familier :
- Bonjour Naïs, comment allez-vous ? Que vous arrive-t-il ?
- Bonjour Docteur. Je viens pour Pascal. Il est tombé il y a quelques jours. Il s'est écorché le genou. J'ai bien désinfecté la plaie, mais ça commence à suppurer. Ça lui fait mal.
Le docteur Cella se tourna vers l'enfant :
- Montre-moi donc ce genou, Pascal.
Le vieux médecin l'examina rapidement. Il diagnostiqua une légère infection bactérienne :
- Rien de bien méchant, lui dit-il en ébouriffant ses cheveux.
Puis il retourna à son bureau et prescrivit des antibiotiques sur une ordonnance qu'il tendit à Anaïs :
- Ne tardez pas, Naïs. Achetez ces médicaments et commencez le traitement dès ce soir. Ce n'est pas bien grave, mais avec cette chaleur, l'infection peut se propager rapidement pour entraîner des complications.
Anaïs régla les frais de la consultation puis, avec Pascal, ils remercièrent le médecin et le saluèrent avant de rejoindre Jean à la voiture. Dès qu'ils sortirent de l'immeuble, ils furent frappés par la fraîcheur soudaine qui s'était abattue sur la ville.
Une brume marine.
Jean les attendait sur le trottoir, à côté de leur voiture :
- Regardez ça ? leur lança-t-il en leur désignant la brume. On a perdu pas moins de 10 degrés en quelques minutes. Il ouvrit les portières. C'est une véritable climatisation naturelle.
Le brouillard épais, semblable à ceux des vieux films en noirs et blancs, donnait à la cité phocéenne une ambiance mystérieuse. Mais Pascal prenait ça comme une aventure mais c'était surtout rafraîchissant. Dans la voiture, il s'avança vers son père :
- P'pa, tu peux passer par le port, s'il te plaît ? Pour voir les bateaux.
Jean savait à l'avance que son fils lui demanderait ça. Surplomber le port par la passerelle Nord leur permettait de voir tous les bateaux en partance pour la Corse ou l'Afrique. Ils y verraient les grues s'affairer à les charger de marchandises diverses et les voitures faire la queue pour embarquer dans les ferries. Le port marseillais était une véritable ville dans la ville.
Un véritable spectacle.
- Je sais pas si on verra grand-chose avec cette brume, mais on y va quand même, suggéra Jean en démarrant.
Il emprunta le grand boulevard en direction de la Joliette. Au même moment, la brume commençait à se dissiper. Puis, sur la passerelle, il y eut un brusque ralentissement jusqu’à l'arrêt total du trafic.
- Hum... C'est mauvais signe, pesta-t-il. Un vendredi à 17 heures... J'ai l'impression qu'on va être coincé ici un bon moment.
La circulation était totalement stopper depuis quelques minutes lorsque conducteurs et passagers commencèrent à descendre de leurs véhicules. Tous regardaient vers l'ouest, en direction de la mer, s'exclamant avec étonnement.
Jean, à son tour, descendit de sa voiture pour regarder également vers la mer :
- Anaïs, Pascal... Venez voir ça !
Sa femme était déjà descendue de la voiture et contemplait, elle aussi, le spectacle incroyable qui s'offrait aux yeux de tous. Pascal, lui, était passé sur le siège de sa mère avant de s'asseoir sur le montant de la portière.
Au loin, un nuage gigantesque, montant en spirale vers le ciel, prenait forme. Il ressemblait à un champignon géant, un cumulonimbus inversé. Mais le plus étonnant résidait dans ses couleurs vibrantes, amplifiées par le soleil qui les traversait. Sa blancheur s'élevant jusqu'à mi-ciel s'irisait tour à tour de jaune, d'orange, de rouge, de violet pour atteindre un rouge vermeil.
Un spectacle à couper le souffle.
"N'aie pas peur, Pascal… Ne crains rien, nous serons bientôt là..."
Toujours assis sur le montant de la portière, Pascal, extatique, fixait cette scène féerique. Il répondit doucement :
- Je n'ai pas peur.
Jean, étonné, se retourna et regarda son fils :
- C'est magnifique, fils... mais ce n'est pas terrifiant !
- Alors, pourquoi tu m'as dit de ne pas avoir peur ?
- Je t'ai rien dit, répondit son père.
- Tu entends des voix, mon garçon... t'es comme Jeanne d'Arc !
Ils éclatèrent de rire ensemble alors qu’Anaïs esquissait un sourire discret.
Le spectacle ne dura que quelques minutes, puis le nuage se désagrégea doucement, laissant le bleu reprendre sa place dans le ciel. Tout le monde remonta en voiture et la circulation reprit son cours normal.
À bord de la Renault 16, personne ne parlait, tous occupés à penser à ce spectacle incroyable auquel ils avaient assisté. Pascal, lui, se remémorait cette voix. Une voix masculine, douce, feutrée, neutre, mais elle lui paraissait familière. Il n’avait éprouvé aucune crainte, seulement une profonde curiosité.
Sur l'autoroute, la circulation était dense. Les gens étaient en partance pour le week-end ou pour les vacances. Alors que le moteur ronronnait, le jeune garçon, toujours perdu dans ses pensées, ne tarda pas à s’endormir sur la banquette arrière.
Il ne remarqua même pas l'arrêt à la pharmacie de Simiane-Collongues où sa mère descendit pour acheter les médicaments. Ce fut son père qui le réveilla doucement lorsqu’ils arrivèrent à la maison. A peine entré, Pascal commença la narration du nuage fantastique à ses sœurs, qui ne semblèrent pas plus intéressées que ça. Anaïs s'affaira à préparer la soupe pendant que Jean s’attardait à la réparation d’un vieux réveille-matin qui ne fonctionnerait plus jamais.
Puis les filles retournèrent dans leur chambre écouter de la musique sur leur mange-disque pendant que Pascal replongeait dans son livre, où Iloan, le jeune héros, continuait à vivre ses aventures extraordinaires, captivant toujours autant son imagination.
Le dîner se déroula dans une ambiance paisible, rythmé par les discussions habituelles sur des sujets simple et variés mais essentiels à la cohésion de cette petite famille provençale. Après le repas, Pascal retourna dans sa chambre. Il voulut se coucher de bonne heure, prétextant de la fatigue mais il continua un peu sa lecture.
Puis il se laissa lentement emporter au pays des songes, voulant rêver des aventures d'Iloan et du mystère du nuage.
Dans la nuit, la douce voix se fit entendre :
"N’aie pas peur, Pascal, tout ira bien. Nous allons venir, tu nous reconnaîtras."
Il ne se réveilla pas, il n’eut même pas conscience qu'une fois de plus, la voix s’adressait à lui. Mais il l’entendit malgré tout.
Pascal ne guérit pas tout de suite malgré les antibiotiques Sa fièvre fluctuait, allant et venant au fil des heures. De petites tâches apparurent dans l’entrejambe, provoquant en lui d’horribles démangeaisons. Deux jours plus tard, sa mère appela le Docteur Cella, qui la rassura en lui disant que ces effets secondaires disparaîtraient rapidement, ce qui se produisit.
Mais durant les nuits où il était fiévreux, Pascal dormait mal. Il était agité par des rêves confus. Ils voyaient des êtres dont il ne discernait pas les visages, de petits êtres inquiétants tournant autour de lui alors qu’il était alité.
Lorsqu'il en faisait part à ses parents, ils le rassuraient en lui disant que la fièvre provoquait souvent ce genre de cauchemars et qu’il ne devait pas s’en inquiéter.
Le sixième jour, Pascal se sentit véritablement épuisé. Vers seize heures, il préféra rester dans sa petite chambre pour lire mais la fatigue le conduisit rapidement dans un profond sommeil. Une fois de plus, les petits êtres vinrent à lui. Il se vit allongé sur une sorte de lit médicalisé, poussé vers une salle de soins baignée de lumières blanches, douces mais intenses.
Sa vision était floue. Il ne distinguait que des formes mouvantes dont deux particulières. Elles étaient grandes, fines et de couleur bleue. Quand ces formes s’approchèrent de son lit, il distingua deux personnes extrêmement minces, aux longs cheveux clairs et vêtues d’uniformes bleus.
Bien qu’il ne vît pas leurs visages, il reconnut la voix masculine qui lui disait de ne pas avoir peur, qu’ils s’occuperaient de lui, qu’il ne risquait rien. L'homme lui fit absorber une boisson au goût sucré et une douce chaleur irradia sa gorge. Puis, il sentit une caresse sur sa joue. C’était la deuxième créature. La main qui le frôlait était douce, chaude et réconfortante. Il devina que c'était celle d’une femme.
Il eut alors une pensée pour sa mère et il sentit des larmes monter : il aurait tant aimé que ce soit elle :
"Elle t’aime, Pascal, elle t’aime à sa manière, mais elle t’aime, n’en doute jamais."
La voix féminine qui s'était adressé à lui était la plus douce et la plus apaisante qu’il eût entendue.
"Nous reviendrons... Nous avons toujours été là et cela ne changera jamais."
Sa vision devint à nouveau floue. Les lumières semblèrent faiblir. Il sentit un vertige l'envahir et il crut tomber. Il se réveilla en sursaut dans son lit, trempé de sueur. Mais ce n’était plus la fièvre qui le faisait transpirer, seulement la chaleur de l’été.
Doucement, il se leva, alla ouvrir la fenêtre de sa chambre et profita de la fraîcheur d’une légère brise passante. La nuit était claire. Le ciel étoilé offrait un spectacle magnifique. Pascal chercha la Grande Ourse qu’il repéra aussi facilement que Cassiopée. Son père lui avait appris où les trouver.
Pendant un moment, il observa ces constellations et ressentit un réconfort, un apaisement.
La fièvre était enfin tombée. Devant sa fenêtre, le nez dans les étoiles, il savait qu’il allait mieux, qu’il n’avait pas rêvé. Il savait qu'Ils reviendraient.
L'été s'était terminé aussi bien qu’il avait commencé.
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