Julien : un drôle de zèbre

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- Oups ! Tu as raison, dix huit SMS et un mail de Julien. Mon frère a quelque chose d'important à m'annoncer...

- Je serais affolé de recevoir dix huit SMS de mes proches en vingt minutes. Ça ne risque pas de m'arriver.

- Je trouvais bizarre qu'il n'ait pas insisté pour m'accompagner à Lourdes et tiens, voilà que Gérard Mathieu l'invite.

- Ce message est personnel ou adressé à vous tous.

- C'est personnel mais pas secret. Je te le lis.

- Tout à l'air si simple entre vous. Jamais d'embrouille ?

- Nous avons dû définir les lois de la communication, à dix ! En résumé, les SMS pour les messages courts et ceux qui ne demandent pas de réponse, les mails pour les autres. Pour l'urgence sans gravité, bip bip bip, urgence avec gravité cinq bip à la suite.

- Vous avez pris en otage la téléphonie ! On dirait une tribu d'indiens qui a étudié le Morse.

- On s'est vite rendu compte des pièges de la communication instantanée et des incompréhensions liées à l'écriture abrégée. Frustration, interprétation, quiproquo, multiplie ça par dix et la discorde se répand comme un feu de paille.

Nous avons établi un sorte de pacte : rester en contact où que nous soyons. En contact mais libre. C'est très sécurisant de savoir que les neuf autres ne sont pas loin. Envoyer un sourire, un rire, une rose par téléphone signifie toucher la pensée de l'autre. Nous avons réduit le niveau d'embrouille à son minimum.

- Moi qui pensais entendre tes critiques sur cet objet.

- Je ne peux critiquer que la manière de l'utiliser. L'objet par lui-même est neutre. Enfant, le téléphone aurait pu nous sortir de situations critiques.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Je me souviens d'un jour encore gravé dans l'esprit de tous. Louisa aimait emmener la tribu se balader au parc. La balade était devenue le rituel du dimanche. Tous attendaient ce moment pour jouer, retrouver leurs copains, tous sauf Julien qui n'aime ni les grands espaces ni les sports collectifs.

- Que s'est-il passé ?

- Julien a échappé à la vigilance de Louisa. Lorsqu'elle a constaté sa disparition, le groupe s'est mis à sa recherche et ma soeur prise de panique est accourue pour demander de l'aide.

- J'imagine l'affolement.

- Nous avons fouillé le parc dans ses moindres recoins, visité les alentours. Pas de Julien. Notre petit frère de 6 ans avait disparu.

- Vous n'avez pas pensé à appeler la police ?

- Appeler la police a été la hantise de notre enfance. Lorsque nos parents se battaient, lorsque l'alcool les faisait délirer, nous avons hésité maintes fois à appeler les secours. Demander de l'aide, c'était s'exposer au risque d'être séparés.

Nous faisions en sorte que personne n'entre jamais chez nous. Les voisins voyaient en nous des enfants serviables et bien éduqués. S'ils avaient su.

Tu as raison, nous sommes peut-être des indiens, les circonstances nous ont obligés à nous fondre dans le paysage.

- Et Julien ?

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