33. Le médaillon

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- C’est mieux, bien mieux. Tu progresses vite, Lilith.

Père Gabriel était penché au-dessus de son épaule, appréciateur de son travail. Son élève était appliquée ; les lignes de voyelles, d’abord brouillonnes et hésitantes, commençaient à se régulariser. Quelques jours avaient été nécessaires pour apprivoiser la plume et l’encrier, mais, l’un dans l’autre, il était convaincu qu’elle surmonterait vite l’obstacle.

Un coup à l’entrée lui fit relever la tête, il alla chercher ce qu’il savait être un paquet qu'on lui rapportait sur sa demande. Un vent glacial s’engouffra avec fureur alors qu’il ouvrait la porte récupérer le paquet. Les feuilles sur lesquelles travaillait Lilith s’envolèrent dans toute la pièce, affolées par cette rafale, tandis que la jeune élève se précipita pour aider le religieux qui, encombré par son chargement, peinait à refermer la porte.

- Merci, ma fille.

Lilith alla récupérer ses feuilles, les cheveux ébouriffés et les reposa sur la table, encore frissonnante.

- L’hiver est bien plus froid ici qu’au couvent, claquèrent ses dents, incontrôlables.

Elle resserra instinctivement son par-dessus autour d’elle, pour se réchauffer.

- Il paraît que ça conserve, sourit le religieux en se dirigeant vers l’âtre pour ranimer le feu.

Lilith l’observa se pencher au-dessus de Messi, qui paressait du même avis qu’elle à en juger par sa proximité au foyer. Elle oublia un instant le froid, attendrie par l’animal roulé en boule et retourna sur sa chaise quand une plainte étouffée ramena ses yeux sur le Père, l’air inquiet.

Celui-ci revenait vers elle en retirant quelque chose qu’il posa sur la table. Une chaîne au bout de laquelle était accroché un médaillon. Elle remarqua à peine qu’il se frottait le cou d’une main.

- Attention, elle est brûlante, la mise en garde le père Gabriel.

Elle retira sa main, rougissante. Elle ne s’était pas rendue compte que la curiosité avait poussé sa main vers l’objet. Il était fait de métal, quelques ornements gravés étaient encore visibles sur le médaillon. Ses yeux se perdirent dans la contemplation du bibelot. Elle n’avait jamais remarqué que le Père portait cette chaîne, probablement cachée par sa soutane.

- C’est un héritage familial, sourit-il, en réponse aux questions non formulées qu’il pouvait lire dans les yeux de Lilith. Je l’ai hérité de mon père, qui l’a eu du sien et ainsi de suite depuis Dieu seul sait combien de temps. Il posa un doigt prudent sur le médaillon, vérifiant qu’il ne brûlait plus, et le tendit à Lilith pour qu’elle puisse le voir de plus près.

- Omnia vincit amor, parvint-elle à décrypter avec quelques difficultés.

- « L’amour triomphe de tout ».

Le médaillon dans sa main lui sembla étonnamment lourd et tendit qu’elle le retournait pour en apprécier les détails, elle perçut un tintement provenant de l’intérieur qui arrêta son geste.

- Les souvenirs sont aussi bruyants que douloureux, souffla-t-il en récupérant le médaillon et l’enfilant pour le remettre sur son cœur.

- Et la mémoire aussi défaillante que provisoire, dit-elle après un bref silence compatissant en se remettant au travail pour le distraire de sa mélancolie.

À son plus grand soulagement, cela fonctionna, la gaité s’épanouit de nouveau dans ses yeux et il s’installa, à ses côtés.

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