Chapitre 2 : Fiévreuse

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La croyance ne suffit pas pour une chose de pouvoir exister.

Il faut la prouver, l'argumenter, et la défendre.

Il n'y a aucune vie après la mort.

Je me suis peut-être trompée.

5 heures, chez Dionysia à Dynarburgh :

Je rentre chez moi, éreintée. Je retire mes talons à lacets de façon bourrue, les jetant à proximité. Qu’elles aillent au diable, je les rangerai demain, je dois me lever tôt pour le travail. Je me dirige vers ma cuisine, titubante, je suis prise de violentes nausées. Je me vide tant bien que mal dans l’évier, je me pensais beaucoup plus résistante à l’alcool… Depuis le contrat signé avec Atkins, je suis très vite rentrée dû à des maux de ventre et de tête insupportables. Prenant des médicaments, j’essaye de m'occuper comme je peux de cette tyrannie intérieure, parcourant mon estomac, l'impression qu'un couteau m'empoigne jusque dans mon cœur, finissant violemment à la tête d'une douleur aiguë. Trop mal au point, j’ai juste assez de force pour me faire un thé dans une tasse en porcelaine, et de m’affaler sur le canapé.

Je prends une gorgée de mon thé, et regarde mes vieilles collections embellir les vitrines fermées consciencieusement à clé. Ce sont des fusils qu’avaient confectionné mon père de son vivant. L’Arsenal était sa fierté, il a œuvré toute sa vie entière pour qu'elle se perpétue au fil des siècles à venir : la plus grande réussite familiale… Enfin, pour eux.

J’arrête de boire, finalement une boisson chaude n’est pas une bonne idée, mon estomac brûle, les crampes abdominales se décuplent, ma tête est lourde, et les informations n’arrivent plus à aller jusqu’à mon cerveau. Dormir. Il faut que je dorme. Je termine mon thé rapidement, et pars me coucher.

Je ne réussis pas à atteindre ma chambre à temps, que je suis reprise de nausée, vomissant par terre, un vertige me prend, je tombe, mon dos se heurtant violemment contre le mur. La douleur s'intensifie dans tout mon corps, ma tête tourne, et je commence à tousser grassement, la sensation de ma gorge qui s'écrase. Petit à petit, pensant que c’est dû à mon imagination maladive provoquée par la fièvre, une petite musique tourne en boucle dans ma tête, une mélodie, valseuse, sur laquelle on danse à un bal. C’est étrange… Je n’ai jamais entendu cette mélodie, même pendant la soirée au bar. Elle m’est totalement inconnue. Je me surprends à saigner du nez. Dans l'incompréhension la plus totale, je passe ma main pour essuyer le liquide au goût ferreux.

Quoi que j'ai pu faire, s'il vous plaît, faites que ça s'arrête.

Ma vue se brouille, mes paupières deviennent lourdes, impossible de lutter contre cette fatigue. Je crois m’être habituée à la douleur car je commence à ne plus rien ressentir, toussant de plus en plus fort jusqu'à m'en étouffer. Je comprends que je suis en train de faire un malaise, mais c'est trop tard.

***

Je me réveille dans ce que je reconnais être mon lit. Je ne comprends pas, il y a quelques minutes à peine, j’étais dans le couloir à vomir mes tripes, le nez en sang !

Je regarde mes mains fines, propres, puis instinctivement, au tour de mon chevet, une bassine en fer remplie d’eau chaude avec une lingette sur le rebord de celle-ci. Mes habits de la veille contrastent avec les draps blancs de mon lit, mon corps encore engourdi.

Il y a quelqu’un dans la maison.

Et l'idée de douter que quelqu'un était entré dans mon propre chez-moi, me terrifie. Le plus silencieusement possible, sans faire grincer mon sol gelé par la température de l'hiver, un tournis me frappe. Je vacille, manquant de chuter malencontreusement sur le sol, réussis à me rattraper de justesse, sur la pointe des pieds je me dirige dans le couloir.

Combien de temps suis-je restée là, à dormir ? Qui s'est occupé de moi ? Pourquoi ? Comment est-il rentré ?

Toutes les lumières mises à part celles de la cuisine sont éteintes. J’entends des sons à peine audibles provenant de là-bas. Au début j’ai cru à des chuchotements, mais en réalité, ces sons sont des sifflements venant d'une personne. L'ombre de la lumière reflète devant moi, alors que je me cache dans la pénombre où je suis certaine que cet intrus ne me verra pas. Je frotte mon front, encore à moitié endormie, je me concentre le plus possible sur la silhouette qui s'anime sur le sol, observant l’ombre. Je réfléchis à une stratégie, si je veux retourner dans le salon et prendre un fusil dans la vitrine, il me faut passer devant la porte de la cuisine ouverte. Mais comment prédire à l’avance si l’intru n'est pas aussi armé ?

Un certain dégoût me traverse l’échine, ils me harcèlent au point de venir dans ma demeure et me voler tous mes biens… Conarts ! Quand je vais leur trouer un troisième œil, ils vont moins faire les malins ! Qui s'y frotte s’y pique.

Dès que le voleur se lève pour s’enfoncer plus loin dans la cuisine et être hors de sa portée, j’accoure vers la vitrine, mes bruits de pas sont amortis par les planches les moins grinçantes. Enfin dans mon salon, je remarque un détail assez frappant : ma porte n’a pas été crochetée, ni forcée. Un professionnel… Je ne connais personne capable de s’introduire chez moi d’une façon si minutieuse et calculée. Je prends prudemment le fusil de mon père, quelques munitions, une fois munie, je marche jusqu’à la cuisine, malheur à moi, recharger le fusil fait du bruit, alertant le voleur. Celui-ci sort de la cuisine en trombe, sans réfléchir, je le vise et lui tire dessus, mais le rate de peu, la balle se réfugiant dans le mur derrière lui.

— Vous n’êtes pas du genre matinal, n’est-ce pas ?

— Atkins ?! Miséricorde, mais qu’est-ce que vous faîtes chez moi ?!

Loin l’envie de m’en approcher, il faut tout de même que je regarde si je ne l’ai pas blessé ! Je soupire, soulagée qu’aucun mal ne lui ait été fait. Un long silence pesant s’installe dans le couloir, Atkins prenant place à côté de moi. Je n’en peux plus de cet homme. Est-ce qu’il essayait de me tuer dans mon sommeil ? Son plan a-t-il échoué ?

— Crachez le morceau. Qui vous a envoyé ? Dis-je, mon regard se plonge dans le sien, toujours aussi vide d’émotion et de vie.

— Mlle Dionysia… Je ne suis pas un assassin.

Je ne cache pas mon agacement dans mon attitude, je ne suis pas naïve au point de le croire sans froncer les sourcils. Il est évident qu'il est là pour quelque chose de précis. Mais j’ai beau cherché à comprendre, mes hypothèses ne tiennent pas la route, la bassine d’eau chaude, la serviette, il a dû attendre des heures que je me réveille. Pourquoi prendre la température de quelqu’un lorsqu’on lui veut du mal ?

— Alors qui vous a donné mon adresse ? Pourquoi ne pas faire comme les gens normaux et attendre le levé du jour pour rendre visite ? Qui êtes-vous à la fin ?

— Je suis venu pour m’assurer que tout se passait bien, dit Atkins en se relevant pour se diriger dans la cuisine avant de revenir avec une tasse chaude.

C’est du café parfumé à la vanille. Il rapporte également une viennoiserie. Atkins ne rate pas une occasion de me sourire narquoisement dès que je baisse ma garde pour le remercier, bien que ce soit plus par politesse de peur de le vexer que d'envie de manger.

— Je ne laisse pas tomber mes clients, et vous voir dans un état déplorable m’a poussé à vous aider, vous ignorer aurait été contre ma nature de gentilhomme.

Atkins d’une délicatesse, me prend le fusil de sous le bras pour le poser ailleurs, comme un objet toxique à ne surtout pas toucher. Je le regarde faire. Il a encore son haut-de-forme sur la tête, et ce col m'empêche de voir son visage de profil. J’ai beaucoup du mal à assimiler tout ce qui se passe, crier pour obtenir des réponses ne fait pas partie de mes solutions, l’hystérie n’a jamais abouti à un résultat espéré.

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