Pour la vérité

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La recherche commença par le bâtiment de verre et de béton sur lequel ils avaient bivouaqué. Entrant par le toit, ils arrivèrent en haut d'un grand hall, éclairé par une grande verrière parcheminée de couches de crasse.

Esther se pencha par-dessus la rambarde. Sur plusieurs étages, les laboratoires alternaient avec des bureaux. Ils étaient au bon endroit. Les scientifiques avaient effectué leurs dernières recherches dans cet immeuble. La jésuite laissa le groupe commencer la recherche et descendit par le grand escalier, colonne vertébrale du bâtiment.

Même après toutes ces années, il était facile d'imaginer la petite multitude de scientifiques arpentant les couloirs, s’arrêtant pour parler du dernier article d’un collègue ou de leurs dernières vacances. Aujourd'hui, les rayons du soleil perçaient difficilement le toit de verre sale et tachaient de blanc la pénombre de cette galerie. Aucune conversation ne s'entendait plus et l'odeur douceâtre de poussière humide remplaçait celle du café.

Arrivée en bas, Esther circula le long du mur. Comme pour préparer le visiteur avant d’entrer dans un labo, on trouvait les photos et les noms des membres de l'équipe. Des posters poussiéreux montraient les dernières avancées de chaque équipe. A l'autre bout du hall, une machine à café trônait devant quelques tables basses et fauteuils bas. Sur un support de liège, épinglées tel des papillons, un chaos de cartes postales s'exposait à la poussière. Le rituel voulait que pour chaque conférence à l'étranger, le scientifique envoya une photo assortie de quelques mots au verso. Elle ferma les yeux et souffla bruyamment sur une carte. La photo, délavée par les années, présentait une grande église peu conventionnelle. Sa forme et ses mosaïques la rendait presque vivante. Au dos, elle lut "Sagrada Famillia, Barcelona".

La jésuite retourna vers l'escalier et s'installa sur ses marches. Elle s'en servirait de banc, de table et même d'étagère. La première chose qu'on lui ramena fut un coussin pour ses fesses. Cube, gardien du troupeau, avait commencé sa journée, expectant les alentours. Il n’avait trouvait que des bâtiments qui s'affaissaient sur eux mêmes. Seule une autre construction arborant sur son frontispice "Institut Pasteur" était encore en bon état. Le documentaliste leur expliqua que ce bâtiment avait été spécialement construit pour Louis Pasteur. Après la mort du grand savant, certaines pièces de l'immeuble avaient été transformées en musée. Un temple profane à sa seule gloire. C'est là que Cube avait prélevé le coussin.

- Nous avons déjà trouvé quelques cahiers de laboratoire, dit le documentaliste.

Il tendait 3 carnets, grand format, cartonnés de noir.

- Quoi ? demanda Esther.

- Chaque chercheur a consigné ses résultats dans un cahier. C'est dans ses feuilles que nous trouverons les dernières découvertes sur le virus.

Les jumelles arrivèrent du sous-sol qui, sans électricité, restait plongées dans le noir.

- Nous avons trouvé les scientifiques. Leurs corps sont alignés dans une pièce fermée par une porte épaisse.

- Ça devait être la chambre froide pour la conservation des produits chimiques, dit le documentaliste.

- Et nous avons trouvé des étiquettes avec des noms collées sur les linceuls.

Esther les lut.

- C'est les mêmes noms que sur les cahiers, dit-elle.

Avant la fin de matinée, chaque scientifique avait sa marche d'escalier dédiée. Elle commençait par l'étiquette mortuaire puis par son cahier trouvé dans le labo.

Esther et le documentaliste commencèrent la lecture. Certains n'avaient pas pu écrire bien longtemps. Après quelques feuilles noircies d'encre et autant de jours passés à l’institut, les feuilles redevenaient immaculées. Souvent, sentant la mort pointer, les phrases s’éloignaient sur d’autres considérations. De plus en plus d'adjectifs apparaissaient, des adverbes aussi. Des mots que le scientifiques n'ont pas l'habitude d'étaler sur les lignes de leurs carnets. Pas assez précis, trop vagues. Le sujet des phrases changeait aussi et vers la fin le "je" l'emportait. Le cahier devenait journal intime. La dernière phrase se concluait alors sur une prière païenne ou explicitement sur une épitaphe. "Je n'ai pas peur de mourir. Qui désirerait vivre dans un monde de douleur, seul, alors que tous ses proches, ses enfants, sont morts". Dans un autre cahier, en guise de marque page, une photo montrait une famille où parents et enfants déguisés pour un carnaval riaient.

Pour le reste, les cahiers confessaient la difficulté des chercheurs à monter des expériences dans un monde apocalyptique. Par exemple, Robert Toutconte expliquait le problème pour faire une RT-PCR. Certains produits chimiques étaient dégradés après plusieurs jours à température ambiante. Vaincu, il mourut avant de finir le séquençage du virus.

C'est dans le cahier d'Alison qu'ils découvrirent les informations les plus intéressantes. La scientifique n'avait pas mis son nom de famille, à quoi bon. Elle avait été la dernière. La dernière entrée dans son cahier de laboratoire était du 23 décembre 2022. Troubadour qui fouillait les bureaux n'avait trouvé qu'un seul corps. Ça devait être celui d’Alison. Aidé des jumelles, il l’avait descendue avec les autres, au sous-sol.

Dominique s'empara du cahier pour lire les dernières pages à Esther :

- “19 décembre : les autres n'ont pas réussi à isoler le virus. Je vais essayer une amplification de son génome par RT-PCR avec des amorces spécifiques de certains groupes de virus.”

- Au lieu d’isoler le virus, elle a préféré rechercher directement sa séquence, dit le documentaliste.

Dominique repris la lecture du cahier.

- “J'ai utilisé des amorces spécifiques des virus Ebola et de la fièvre de Lassa. Sans succès ! 20 décembre : j'ai essayé avec des primers pour différentes souches de VIH et des amorces pour la variole. Rien.”

Dominique s'arrêta quelques secondes puis reprit.

- “Tom est mort, je l'ai descendu avec les autres. Je suis la dernière mais je ne me fais pas d'illusion. Je n'arrive plus à manger. Je me perfuse avec un cocktail de vitamines et de sucres tous les soirs pour tenir le plus longtemps possible.

21 décembre : J'essaye les amorces d'adénovirus. Toujours pas de bande fluo sur mon gel d'agarose.

22 décembre : j'essaye les familles des coronavirus, des rotavirus et de la grippe. Ça marche ! Je ne sais pas pourquoi j'ai plusieurs bandes mais au moins j’ai du matériel pour pouvoir séquencer !

23 décembre : Ça a fonctionné pour une des bandes. J'ai presque 200 bases de séquence. Après une recherche dans les banques, c'est une partie d'un gène de Myxovirus.”

- Elle parle d’un virus de la grippe, dit le documentaliste.

Dominique continua :

- “Je vais essayer de refaire des amorces, plus spécifiques, pour obtenir une plus grande séquence."

Dominique releva la tête du cahier.

- C'est la dernière phrase, il n'y a plus rien après !

- C'est quoi tout ce charabia, dit Plume, debout en haut de l'escalier.

- Documentaliste ? demanda Esther.

- Le virus de la vague verte est apparenté à celui de la grippe.

- C'est donc une maladie naturelle ! dit Esther.

- Probable mais le fait d'avoir plusieurs bandes après amplification est bizarre, commenta le documentaliste.

La jésuite récupéra le cahier et relut la dernière page manuscrite. C'est alors qu'elle remarqua les déchirures.

- On dirait qu'il manque des pages.

- Une expérience n'a pas dû fonctionner et elle a arraché les feuilles correspondantes, dit le documentaliste.

- Continuez de chercher. Nous devons ramener le plus de preuves possibles.

Ils s'éparpillèrent dans les pièces autour du hall. Esther repositionna le coussin que lui avait amené Cube.

- Vous devriez vous repopser, dit Cube.

- Oui mais, par-dessus tout, ce qui me ferait le plus grand bien, ce serait de priez dans une église. Cela fait des semaines qu'en guise d'autel j’accroche mon crucifix sur une pierre ou un arbre. Notre tour-église avec son ciel de nuage et sa grande croix de bois me manque.

- Dans le bâtiment avec le musée, une chapelle à la gloire du savant a été construite au sous-sol. On dirait une petite église, dit Cube dans un sourire.

Esther trouva facilement l’entrée. Cube avait éclairé le chemin par une procession de petites bougies qui descendaient puis s'enroulaient contre les murs. A part l’absence de lumière naturelle, l'alcôve était bien une chapelle. De la mosaïque recouvrait toutes les surfaces. Beaucoup de petits carrés s’habillaient en doré. Avec le frissonnement des flammes, tel des feuilles, ils dansaient. Au rythme des vagues de lumière la salle respirait.

Le sanctuaire de type byzantin avait la forme classique d'une croix. Mais le sarcophage au milieu de la nef et l'absence de fenêtre rappelaient sans détour la mission de cette chambre : être une tombe.

Elle contourna la stèle et, face à l'autel, s’agenouilla pour prier. Seule, elle s'accorda le plaisir de psalmodier à voix haute. Les mots ricochaient dans cette caverne sacrée. Tout ici n'était que reflets et rebonds. Miroir et échos. Tout la ramenait à elle-même et à sa prière. C'était bon.

Apaisée, elle plaça quelques bougies sur un plateau d'argent et monta dans les étages. Les vitres encrassées des fenêtres ne laissaient que peu passer le jour. Parfois, brutalement, par un carreau cassé, la lumière crue du soleil fendait les ombres. Sans le vouloir, elle se retrouva dans la partie musée qui reconstituait le premier laboratoire de recherche de l'illustre Pasteur. Dès l’entrée, un tableau montrait le savant serré dans un costume. Il était accoudé à cette même table de laboratoire qui se trouvait au milieu de la pièce. Une barbe au carré renforçait la sévérité de bon alois qu’un intellectuel de son rang devait exhiber.

L’ambiance de ce très vieux laboratoire du temps de Pasteur était complètement différente. Même pour elle, qui n'y connaissait rien, tout semblait archaïque. Les instruments se constituaient de laiton et de bois. Et même si c’étaient des outils de recherche, la beauté était un critère qui prévalait à l’égal de l’efficacité. Aucun de ces ustensils n'utilisait le plastique, cette matière dont le 20ème siècle avait usé orgiaquement. Aucun n’avait cette économie de forme et de couleur qui trahissait la pure fonctionnalité des derniers appareils utilisés dans le bâtiment de verre.

La jésuite passa entre les tables de travail au dessus en marbre blanc. Au détour d'une porte, c'est la maison du savant qui avait été reconstituée. Dans ce qui devait être le salon, un autre tableau représentait le scientifique assis. Derrière lui, debout, sa femme posait une main sur l'épaule de son grand homme. La jésuite passa à côté de ce même fauteuil pour entrer dans la dernière pièce du musée : la chambre.

Plusieurs meubles, carrés, provenaient des labos et bureaux de l'édifice en verre. Un fauteuil noir, mono-pied, se positionnait devant un secrétaire marqueter de bois précieux. Le vieux sommier du lit accueillait un matelas en mousse. La pièce s'ornait aussi de rideaux occultant plastifiés. Quelqu'un avait habité ici après la vague verte. Cela expliquait le bon état de ce bâtiment dont le toit avait dû être entretenu.

Esther posa son plateau de bougies sur la table de chevet. Elle enleva délicatement le dessus de lit. Un peu de poussière tourbillonna dans les rayons du soleil qui pénétraient entre les deux feuillets du rideau. Le lit était fait. Elle ne put s'empêcher d'en essayer le moelleux. Elle s'allongea et sortit le sachet de lavande de Tricastin qu'elle conservait dans sa poche. Elle le posa sur l'oreiller et, bercée par son odeur rassurante, s'endormit.

Elle entendit tinter. Dans son rêve, elle quittait la Cathédrale de Paris accompagnée du son clair de la cloche utilisée pour les mariages. Elle se redressa dans le lit. Cela tinta à nouveau. Toujours engluée dans son rêve, elle cherchait les voûtes en pierre blanche, et les vitraux de Notre Dame dans le clair obscur de la chambre. Les bougies s'étaient éteintes.

Le tintement reprit. Quelqu'un tapait sur le verre de la fenêtre. Elle se leva et tira le rideau. Le soleil d'une fin d'après-midi l'éblouit un instant. Une tache noire s'agitait derrière le carreau. Le chouca tapa quelques coups supplémentaires puis la regarda de ses yeux blancs.

- Je ne veux pas que vous trouviez la vérité ! Vous ne savez pas, n'est ce pas ?

Elle sursauta même si elle avait reconnue le phrasé caractéristique de cette voix.

- Comment as-tu fait pour nous rejoindre ?

Lem se tenait debout, à l'entrée de la chambre.

- Je suis venu pour Charles.

- Charles ? De qui tu parles ?

- Et puis ce n’est pas de ma faute ! C’est de sa faute à elle ! J'avais drogué Cube, une double dose de laudanum. Elle n'aurait pas dû gagner à Lyon !

Il se tenait droit sans bouger. Son regard fixait un détail de la tapisserie.

- Comment as tu fait pour nous trouver ?

- Et puis elle a tout fait capoter dans les tunnels. Je suis désolé pour Dominique mais ce n'est pas de ma faute si les soldats n'ont pas écouté le sergent.

Elle ne l'avait jamais vu aussi stressé. Ses deux poings se serraient convulsivement. Une de ses paupières tremblait frénétiquement.

- Ça n'arrivera plus. Le sergent me l'a promis.

- Quel sergent ? Bonnefoi ? C'est lui qui t'a emmené ?

- Aujourd'hui il est là ! Les soldats l’écouteront ...

Esther dévala l'escalier. Sur le pas de la grande porte, deux silhouettes se découpaient sur le fond du ciel. Elle entendit un clic métallique. Un anneau de froid se posa sur sa nuque.

- Pas si vite ma sœur !

Le sergent Bonnefoi la contourna pour venir lui faire face. Il la mettait en joue avec un de ces revolvers que les gardiens de la BnF portaient à la ceinture.

- Le fada de la bibliothèque nous a donné quelques pistolets en échange de nos livres. J'ai même réussi à emmener quelques fusils. Sepulved sera content.

- Laissez moi passer ! Vous n'avez aucune autorité ici.

- Cette arme me donne cette autorité, sur vous et sur vos verdoyants..

Du pouce, il arma son arme.

- Vous avez promis de ne pas lui faire de mal ! dit Lem s'interposant.

Comme ennuyé par une mouche, le sergent bougea la tête. Un des soldats, d'une clé au cou, traina Lem en arrière..

- Allons rejoindre les autres ! dit le sergent joyeusement.

Plume était au dernier niveau du bâtiment à fureter sans savoir quoi chercher. Elle avait continué à fouiller les pièces. Au cas où. Mais rien d'intéressant n'avait été trouvé.

Puis elle l'entendit. Il l'appelait du hall.

- Petite ? Viens voir tonton Bonnefoi !

Doucement, elle passa la tête par-dessus la rambarde. C'était bien lui, le sergent Bonnefoi. Dans sa main droite, il tenait une de ces armes à poudre noire. Un des soldats tenait Lem. Dominique et Cube, désarmés, avaient droit à un traitement de faveur. Chacun avait un soldat qui le visait avec son arbalète.

- Si tu ne viens pas, je serai obligé de faire un trou dans la jolie tête de la jésuite.

Il posa le canon de son pistolet sur la tête d'Esther. Lem se débattit.

- Vous m'avez promis ! dit-il.

Le chouca attaqua le soldat au visage et Lem en profita pour se précipiter vers Esther. Le sergent d'un geste ample abattit l'arme sur la tempe de l'adolescent. Il s'écroula inanimé. Esther se baissa pour le soigner mais le sergent la tira brutalement en arrière, déchirant son tablier noir. Son voile tomba, libérant ses cheveux noirs. Elle se retrouva agenouillée devant Bonnefoi. Le canon noir de l'arme revint se poser, tel un baiser, sur sa nuque blanche.

- Ça suffit les conneries maintenant. Tu as 10 secondes pour rappliquer.

Plume se déplaça lentement le long de la rambarde. Elle voyait maintenant, les deux derniers soldats qui gardaient le reste du groupe. Troubadour ne pouvait rien faire. Un bâillon lui barrait la bouche.

- 5 secondes.

Avec le lien de sa fronde, elle attacha son couteau sur sa cuisse puis sauta sur la rambarde

- 3, 2 ...

- C'est bon ducon, je suis là.

Avec un grand sourire, il la regarda descendre par bonds les niveaux. Elle atterrit souplement à côté de Cube, à quelques pas du sergent.

- Pas plus près, dit-il le canon de l'arme sur le crâne de la jésuite. Jette ton couteau par là ! ... Doucement !

Pour marqué sa demande, il tira sur les cheveux noir de la jésuite qui grimaça de douleur. Plume prit de l'index et du pouce son couteau et d'une longue glissade le lança sur le carrelage.

- Prenez les cahiers. Ils sont derrière vous sur l'escalier. C'est tout ce que nous avons trouvé, dit Esther dans un souffle.

Il fit signe de la tête à un soldat qui rassembla tous les papiers et les enfourna dans un sac de toile.

- Vous pouvez repartir maintenant. Je suis sûre que votre maître saura récompenser comme il se doit des soldats aussi serviles ! dit la jésuite.

- Ça lui fera plaisir que je lui ramène ces trucs mais je ne suis pas là pour ça.

Bonnefoi s'avança d'un pas vers Plume, obligeant la jésuite à le suivre en rampant.

- Quand je t’ai vue à la bibliothèque je me suis dit que je ne pouvez pas m’en aller sans te revoir.

Le sergent regardait Plume.

- Depuis Lyon, je n'arrête pas de penser à toi !

- Et les cahiers, dit Dominique.

- Tu es aussi con que le débile avec son corbeau.

Lem était toujours évanoui. Un peu de sang couler d'une plaie au front.

- Je m'en fout de tes cahiers. Et Sepulved aussi d'ailleurs. Avec les armes, il n'aura plus besoin de personne pour prendre le pouvoir.

- Alors tu n'es venu que pour moi. J’en serai presque flattée si tu n'étais pas aussi laid, dit Plume.

- Assez ! Viens ici !

- Il va te tuer, dit Cube se tournant vers Plume.

- Je m'en sortirai, seule.

- Pas cette fois.

Il bondit sur le sergent en criant.

Détonation. Nuage noir. Sang. Cube tenait dans ses bras Bonnefoi. Du sang coulait de son ventre et un carreau d'arbalète s’enfonçait dans son épaule. Les autres soldats étaient comme paralysés. Le sergent essayait de réarmer son pistolet. Cube gonfla sa poitrine et d’un mouvement sec, cassa la colonne vertébrale du sergent.

Plume évita la flèche et fonça sur le soldat qui avait blessé Cube au bras. Il n'eut pas le temps de sortir son épée ; elle lui écrasa la trachée du tranchant de la main. Dominique qui avait récupéré son épée, tua un autre soldat. Les deux autres avaient déjà fuis.

Plume hésita prête à les poursuivre. Puis elle vit le rouge sombre du sang qui tachait la chemise. La tête sur les jambes d'Esther, une grimace de douleur figeait son visage. Sans succés, Cube essaya de lui sourire. Dominique, accroupi, déchira le vêtement. Dans la chair, un trou aux bords déchiquetés se marbraient d'un mélange de chair et de tissu. L'odeur piquante de la poudre noire disparaissait petit à petit, vaincue par celle douceâtre du sang. Nul besoin d'être médecin pour savoir qu'il allait mourir.

Plume s'agenouilla à côté du géant.

- Pourquoi ?

- Il voulait te tuer et j’avais promis à ton frère.

Les cheveux bouclés du géant s’illuminèrent de vert. Des nuances de rose et de violet se partageaient le ciel, derrière la verrière. Le soleil se couchait. Alors qu'elle tendait la main pour essuyer les gouttes de sueur sur le front de Cube, elle remarqua juste à côté de sa tête le ventre rebondi d'Esther. Son tablier, déchiré, ne pouvait plus le caché. Un vert, diffus, pulsait sous la peau tendue.

- J'aurai dû te le dire plutôt, dit la jésuite doucement.

- C'est l'enfant de ton frère, dit Cube.

- Ce n'était pas mon frère !

- En tout cas, tu étais sa sœur.

Cube lui prit la main et la posa sur le ventre d'Esther. Puis ses yeux se fermèrent et le vert luminescent de ses cheveux s'éteignit. Seul le battement vert du ventre continua d'éclairer son visage.

Le groupe s’était rassemblé en silence autour du grand corps. Tous pleuraient. Et tous reprirent les paroles de la prière qu’Esther déclama crucifix en main. Seul Cyrano resta silencieux, soutenant Lem encore groggy

Après quelque minutes de silence, Esther se releva.

- Dominique. Il ne faut pas les laisser s'échapper. Cyrano, aide le ! Il faut trouver leur bateau.

- Faites moi confiance, je récupérerai les cahiers, dit Dominique.

- C’est surtout les armes qu’ils ne doivent pas parvenir à Sepulved.

- Je ne suis pas là pour ça ! dit Dominique.

- Non mais que crois tu que ton archevêque fera une fois qu'il aura ces armes ?

Dominique regarda les jumelles recouvrir d'une couverture le corps de Cube. Il se dirigea vers la sortie suivi de Cyrano.

- Je vais avec eux, dit Plume ramassant son couteau.

Elle regarda une dernière fois Cube. Son vert illumina une dernière fois le hall.

Troubadour assis devant le corps de son compagnon se mit à chanter.

Je m'en irai dormir dans le paradis blanc

Où les nuits sont si longues qu'on en oublie le temps

Tout seul avec le vent

Comme dans mes rêves d'enfant

Je m'en irai courir dans le paradis blanc

Loin des regards de haine et des combats de sang

 ...

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