Ruby

3 minutes de lecture

Une jeune fille courait dans une forêt de bambou, elle riait, entrainant à sa suite des feuilles mortes dans le vent. Le soleil jouait dans ses cheveux de jais, les faisant miroiter d’éclats argentés tandis que son épée de bois fendait l’air en sifflant. Elle était âgée d’une dizaine de printemps, mais possédait déjà la sagesse d’une vieille femme. Sa grand-mère était une Kumiho, un esprit-renard vieux de plus de mille ans pouvant se métamorphoser. Son père lui avait transmis ce don sans le savoir et l’enfant l’avait découvert à ses dépendants dans un rêve. Elle s’y était vue arpenter les forêts du monde sous la forme d’un renard au pelage roux, perdant peu à peu son humanité.

  Une guerre éclata alors avec la chine comme cela arrivait souvent en ces temps-là. Son père partit au combat mais n’en revint pas, sa mère le suivit peu de temps après dans la mort et la petite se retrouva livrée à elle-même. Pour survivre, elle errait parmi les morts des champs de bataille qu’elle détroussait. Perdant peu à peu son humanité, devenant presque invisible, elle finit par devenir à son tour ce qu’elle avait tant redouté : un renard chapardeur et charognard, le Kumiho.

#

Durant de nombreuses années la renarde erra de forêt en forêt sous sa forme animale, oubliant peu à peu qui elle était et d’où elle venait. Elle voyagea, changeant de pays puis de continent, jusqu’au jour où elle tomba dans un vulgaire piège à lapin. Sa frustration fut telle qu’un cri d’humaine s’échappa d’elle, un cri qu’elle ne reconnue pas et cela l’effraya. Elle s’était débattue pour sortir de ce piège, se blessant la patte, alors quand l’homme arriva elle était a bout de force. Elle décida de suivre son instinct en lui accordant sa confiance. Comme ses bras étaient forts et réconfortants ! Elle se sentait en sécurité tout contre sa large poitrine. Les battements de son cœur et les vibrations qu’il émettait finir par l’endormir profondément.

#

À son réveil, la peur revint rôder près d’elle, elle était seule dans un lieu inconnu et l’homme n’était plus là. Elle était installée par terre sur une couverture comme un vulgaire chien. Elle se précipita alors vers une cachette plus sure et sombre en renversant au passage une gamelle d’eau ainsi qu’une petite pile de livres. C’est là qu’elle l’entendit, l’homme était encore là, il ne l’avait pas abandonné mais dormait simplement à l’étage. Elle l’appela d’un jappement tout en restant cachée.

  Quand il passa la tête devant sa cachette, ses yeux verts brillaient d’une lueur malicieuse, il n’était pas furieux d’avoir été réveillé, il semblait même heureux de la voir. Il nettoya ses bêtises puis sortit dehors en laissant la porte grande ouverte derrière lui. Une telle marque de confiance apaisa les derniers doutes qui lui restait, elle n’était pas une prisonnière mais une invitée. Il revint avec de la nourriture qu’il lui prépara et lui donna avant de se recoucher au-dessus d’elle, sur le canapé.

  Il était sur le point de se rendormir quand elle sortit de sa cachette. Il lui parla d’une voix douce, lui proposant encore une fois de lui rendre sa liberté, mais la renarde était bien ici et elle le lui signifia en commençant sa toilette.

#

Aux premières lueurs de l’aube, l’appel de la forêt se fit plus fort. Elle voulait sortir se dégourdir les pattes et sentir le vent dans son pelage, mais elle ne voulait pas partir comme une voleuse. Elle attendit donc son retour, assise sur le seuil de la porte, puis après un dernier regard, elle s’élança vers sa liberté.

  Elle revint vite vers l’homme et l’observa travailler, cachée derrière les arbres. Il était jeune et beau malgré sa barbe et ses cheveux d’un noir profond qui lui mangeaient le visage. Son corps était sain et puissant, il émanait de lui une force tranquille qui attirait la renarde comme un papillon vers la flamme.

  Il s’adressa de nouveau à elle de cette voix paisible qui lui plaisait tant. Elle s’avança plus près de lui mais malheureusement elle ne comprenait pas les mots qu’il utilisait, cependant un mot sortit du lot.

  • … Ruby ?

Elle jappa en remuant la queue sur le sol. Comme elle aimait ce mot il le redit encore une fois.

  • …, Ruby, … faim ? … viens, ...

Elle comprenait un peu plus de mots maintenant mais ne comprenait pas encore tout ce qu’il disait. Elle retira le pansement de sa patte qui était guérie puis l’homme lui apporta à manger dehors. Il ne fallait pas qu’il s’attache trop aussi repartie-t-elle dans la forêt.

Annotations

Vous aimez lire Agnès Anges ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0