Chapitre 3 : Le caveau des Anciens
!!! CHAPITRE 2 !!! ---> https://www.scribay.com/text/1494179079/reponse-a--versus-/chapter/321969
J’arrive dans la ruelle brumeuse à la tombée du jour. Dans chacun des recoins sombres de l’étroite passe se tiennent ceux que notre société appel les négatifs; des sans abris, sans emplois, sans famille, sans argent ou simplement sans vie sociale “approuvée”. Qu’une de ces choses vous fasse défaut et l’on vous considérerai comme inexistant - à ce détail prêt que l’on ne pourchasse pas l’inexistence mais cela révèle d’un ressort bien plus philosophique -. Je m’avance lentement dans l’allée, mes yeux, encore mal habitués à la nuit nouvelle, rebondissent d'alcôves en replis de mur à la recherche de mon rendez-vous impromptu. Je tombe plusieurs fois sur des couples dont j’aurais préféré ne pas voir le cul. Dans l’air se mêlent de fortes odeurs de tabac et de pisse, mon nez non plus n’est pas encore habitué. Un chuchotement, tout juste perceptible au travers du vacarme s’élèvant du café des Anciens, me parvient d’une petite arche en amont.
“— Hey ! Par ici Monsieur ! Vous m’avez dit plus tôt de vous rejoindre ici.
— T’as décidément rien capté gamin… T’avise pas de me ressortir des alexandrins ici bon Dieu de merde ou tu vas te faire dézinguer et je pourrais rien y faire. Suis moi !”
Je la joue ferme et silencieux, ça entoure le premier contact de mystère, les petits nouveaux adorent ça. Il me suit jusqu’à une minuscule porte rouge à laquelle je toque un mot de passe, ça aussi c’est pour le mystère car tout le monde peut entrer. Après qu’on nous ait ouvert, on se retrouve le dos courbé à descendre une volée de marches qui nous amènent à la Cave. Lumières tamisées, banquettes en velour, petite scène vide, de prime abord on ne saurait dire si il s’agit d’un cachot ou d’une antre dionysienne, je vous assure que ça n’est ni l’un, ni l’autre.
“— Amène toi et surtout ferme ton claque merde ! Quoi qu’il arrive tu me laisse parler.”
Il acquiesce. On se rapproche de la scène, il est 21h29, ça va commencer. Un homme gravit l’estrade et prend la parole, s'en suit l'éternel défilé des Grandes Gueules - c'est le surnom que je leur ai donné - où chacun tente sa chance :
“— Ha que c’est bon, que c’est bon de vous voir,
Notre audience pourrat enfin s’émouvoir
Prenez bien le temps de vous installer,
À la fin de ce vers à vos marques…
— Partez !
Et bien n’est ce pas là
Le premier des sujets
Dont l’on doit faire cas ?
Et voici son objet :
Hier encore
Notre bon roi
Volait de l’or
À notre état
Et non content de son crime
Il s’en tire s’en remontrance
Et s’en va sans poser…
— Rimes !
Dans sa cahute en provence.
Partez ! Partez Monsieur ! Nous ne vous voulons plus
Vos vertues de voleur auraient dû disparaître
Mais malgré nos efforts vous ne serez pendu
Partez vous enfermer que l’on puisse vous omettre
Qu’en est-il enfin
De ce candidat
Qu’on envoya loin
Pour mener…
— Combat ?
Il est toujours en lisse je crois
Mais n’est il pas…
— Parmis nous ?
J’aimerais entendre sa voix
Car au prochain tour se joue
L’esprit
Les mots
— L’ennui…
— C’est faux !”
Merde, je me suis lever par réflexe… J’avance vers la scène.
“— Autrefois nos politiciens n’avaient pas même l’esprit
Aujourd’hui tout du moins ils ont gagné ce trait précieux
Et bien que je vous accorde que leurs programmes soient douteux
Je vous défis de m’en présenter un dont on ne rit
Par Merlin
C’est obscène
Un gamin
Sur la scène
Vous l’avez envoyé à la boucherie
Et pour son âme enfantine moi je pries.
Bien que sa langue soit bien plus que déliée,
Difficile de répondre à ces monstres liés
Car ils sont tous de mèche croyez-moi
Quand à votre poulain il n’est plus
Qu’une talonnette brisée par l’émoi
Désolé de vous dire : c’est perdu !”
Prenez ça dans la face les guignoles, voilà ce qu’il en coûte d’envoyer un gosse à l'abattoir au nom d’une idéologie. Je vais me rasseoir dans un silence total. L’autre s’approche de moi et me chuchote :
“— Pourquoi personne parle ?
— Y a plus rien a dire. Ou plutôt il n’y a plus moyen de rien dire, y reste que les vers en une et treize syllabes.”
Je vois à son regard qu’il a enfin compris. Il est temps qu’on décolle, ma petite intervention est pas vraiment bien passée… Bordel qui m’a foutu une bande de rebels aussi débiles. Je le choppe par le bras et le tire à l’extérieur sous des regards un peu trop noirs à mon goût. En franchissant la porte j’entends qu’il ont repris la ‘réunion’, je lâche un soupir et embarque l’autre. Pas question de le laisser avec ces gus. Avant de le laisser filer je lui dois une petite explication.
“— Eux c’est un groupe de rebels qui sont installés ici depuis quelques années. En vrai c’est juste des beaux parleurs, y respectent rien à par la langue. Moi je fais partie d’un autre groupe mais si tu veux te lancer dans cette voie, tu vas devoir bosser tes poèmes et ton impro mon p’tit gars !
— Donc vous…
— Tu !
— Donc tu veux que je vienne ici m’entraîner ?
— Finalement t’es peut-être pas si con. Allez on se tire !”
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