Chambre avec vue sur le Nil

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Marina, n’en revenait pas, deux heures plus tôt, Frau Katharina Schneider-Müller, l‘avait déposée à la réception du Four Seasons Hotel Cairo at Nile Plaza.

Elle fut inquiète lorsque le portier ouvrit la porte du taxi et que le bagagiste s’empara de ses valises, Katharina avait tenté de la rassurer avec un tss-tss.

Tandis que son regard errait sur le tableau d’affichage des prix, pendant que le chef de réception enregistrait son numéro de passeport, son inquiétude augmenta considérablement. 290 $ soit… soit 235 € la nuit, pfff ! Elle fut prise de panique quand il lui dit, dans un français absolument parfait.

« Mademoiselle Luxia, votre suite exécutive est au vingt-sixième étage !

— mais non je n’… laissa-t-elle échapper, alors que d’un œil elle lisait : Four Seasons Executive Suite : USD 790.

— Votre séjour est pris en charge par l’Association des Grecs de l’Industrie Hôtelière Égyptienne, dont Dimitri Papadhópoulos, mon regretté ami, était le fondateur, l’animateur et le président.

— mais… mais il n’est plus.

— Mademoiselle, la prise en charge de votre séjour est maintenue. Ne vous inquiétez de rien.

— Vous êtes sûr ?

— Certain ! Dimitri était très estimé et aimé dans la profession. Revenir sur un de ses engagements ne viendrait à l’idée de personne. De plus il se trouve que je suis le trésorier de l’association. »

Douchée, vêtue d’un déshabillé, elle admirait le Nil, depuis sa terrasse au vingt-sixième étage, en dégustant un cocktail pétillant. Comment était-ce possible ? Un mois plus tôt, assistante de conservation au département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, mon travail me passionnais, j'avais une vie… non pas routinière, mais bien réglée. Un beau jour arrive un appel téléphonique, je vais réceptionner une pièce exceptionnelle, Yahoo ! Puis patatras, je ne reçois qu’un papyrus. Ensuite un mail contenant un appel au secours me demande de rejoindre son auteur à l'hôtel Sheraton du Caire. Comment, égyptologue, aurais-je pu ne pas saisir une telle occasion ? Arrivée ici, j’apprends que ce Dimitri est mort dans des circonstances potentiellement liées au papyrus. Et me voici dans une suite, non pas du Sheraton, mais du Four Seasons, chargée d’une enquête ! Qui, à ma place, n’aurait pas une migraine ?

Elle avala un doliprane avec une gorgée de cocktail.

Ils me prennent pour Sydney Fox ?

Tululu tuuu, tululu tu tuuu !

« Allo !

— Mademoiselle Luxia, un homme demande à vous voir.

— Qui est-ce ?

— Il dit s’appeler Ibn Almalak.

— Désolé, mais je ne le connais pas donc…

— Il prétend détenir des informations au sujet des doigts de Sethnakht.

— Quelle impression avez-vous de lui ?

— …Bonne !

— … Faites-le monter. »

Marina eut à peine le temps d’enfiler une tenue plus adaptée, que l’on frappait à la porte.

Elle ouvrit, et fut surprise de découvrir un homme athlétique dont la poche du blazer était ornée du logo Four Seasons.

« Bonjour, mademoiselle, je suis le responsable de la sécurité de l’étage.

— Je… je le savais… je débarrasse la chambre.

— ?... Heu ! Non, mademoiselle, tout va bien ! Le réceptionniste a cru déceler une inquiétude au sujet de votre visiteur. Voici deux alarmes wifi adhésives, je vous conseille d’en coller une sous l’accoudoir du fauteuil dans lequel vous vous assiérez, et de garder l’autre dans votre poche.

— Serais-je en danger ?

— Non, c’est juste pour vous rassurer – précise-t-il avec un sourire – je suis membre de l’AGIHÉ et je veille sur vous... Ali fait signe au liftier de faire monter le visiteur de la vingt-six, douze. »

Prononça-t-il dans son oreillette en s’éloignant.

Marina, après avoir décollé le papier cartonné protégeant l'adhésif, colla une alarme là où on le lui avait conseillé. Gardant la seconde dans sa main gauche, elle fit les cent pas pendant quatre très longues minutes, avant que ne retentisse le Toc ! Toc ! Toc !

Elle ouvrit la porte, et ce fut la confusion. Au premier plan, il y avait ce jeune homme qui fit naître la pensée la plus incongrue qu’elle n’ait jamais eue, j’aurais dû rester en déshabillé ! Au second plan, son visiteur précédent, en bras de chemise, qui poussait un chariot de service, battit des cils en lui souriant, il fait ça pour me rassurer ! Sa présence est-elle rassurante ? La nécessité de sa présence est-elle inquiétante ? Son regard revint vers son hôte, la trentaine, un mètre quatre-vingt, dans son costume de coton blanc, il irradiait cette beauté que seuls les métissages procurent. Marina fascinée ne bougeait plus, l’inquiétude avait disparu, le temps était suspendu.

« Mademoiselle… mademoiselle Luxia ? »

Ce n’est pas la voix chaude et modulée, mais le mouvement, de l’agent de sécurité qui revenait sur ses pas, dans son champ de vision périphérique qui brisa l’enchantement.

« Oui, vous êtes…

— Ibn Almalak.

— Entrez, je vous en prie. »

Elle s’effaça pour le laisser passer, puis referma la porte.

« J’admirais le Nil, la terrasse conviendrait-elle à notre entretien ? »

Négligeant le fauteuil équipé d'une alarme, d'un geste, elle l’invita à traverser le salon, sur la table duquel elle déposa la seconde.

« Tout à fait.

— Un Blue Champagne m’attend sur la table, vous prendrez quelque chose ?

— Un thé glacé si c’est possible ;

— Bien entendu. »

Marina l’invita à s’asseoir, puis de la chambre appela le room service, avant de rejoindre son hôte.

« Avez-vous une idée de qui, je suis ?

— Pas la moindre, comment le saurais-je ?

— Ibn Almalak, ça n’évoque rien pour vous ?

Ibn, signifie : fils de. Si le nom d’un homme commence par ibn, et non par ben, c’est que soit qu'il appartient à une très importante tribu, soit qu'il est lui-même un personnage important. Mais je ne connais aucun Almalak.

— almalak, se traduit : l’ange, et je devrais me faire appeler Ibn Malak, fils d’Ange. »

À cet instant on frappa à la porte en annonçant : room service. Ce qui permit à Marina d’analyser l’information. Ange, celui qui est mort en 80 ? Impossible, Ibn machin-chose est trop jeune. Je ne peux pas me tromper à ce point sur son âge ? Elle se leva, se dirigea vers le salon, lança « entrez », haussa les épaules en réponse au regard interrogateur de son garde du corps, ramassa l’alarme qui traînait sur la table et la mit dans sa poche. L’allusion à la première victime avait fait naître la défiance.

L’homme déposa, sur la table de la terrasse, une carafe de thé dans lequel flottaient des glaçons ainsi que deux verres qu’il remplit. , puis se retira. Marina déplaça sa chaise, de façon à ce que la table se trouve entre son interlocuteur et elle, avant de s’asseoir.

« Que me voulez-vous ?

— Vous emmenez voir mon père à Abou Simbel.

— Soyez clair, qui est votre père ?

— Ange Morelli.

— Ange Morelli a été assassiné en 1980, auriez-vous quarante ans ?

— J’ai trente-deux ans et mon père est toujours vivant !

— Un…

— Permettez-moi de vous expliquer ?

— Je suis tout ouïe.

— Pardon ?

— Je vous écoute.

— Le 3 avril 1980 vers quatre heures, ma mère Meriam, surnommée Sherry, allait rejoindre sa chambre après une répétition. En passant devant le bungalow d’Ange, elle entendit un vacarme inhabituel, étonnée elle frappa à la porte – père dit toujours en riant qu’il s’agissait de jalousie et non d’étonnement. Pour seule réponse, elle entendit la chute d’un corps, ouvrit la porte, et vit Ange, nu sur le sol. Il se tortillait comme un ver, frappant le sol de ses pieds. Des deux mains, il tentait d’arracher ce qui était accroché à son cou. »

Ibn Almalak s’interrompit, but longuement son verre de thé ; Marina, se contenta d’une gorgée de Blue Champagne.

« Mère s’approcha de lui, et découvrit avec stupeur une main de momie qui l’étranglait. Elle essaya de saisir un doigt, impossible, ils étaient trop crispés autour du cou de père. Fouillant dans son sac elle trouva son couteau suisse équipé d’une scie à bois. En moins d’une minute, elle arracha le pouce à moitié scié. La main tomba, mais Ange ne respirait plus. Elle appela son père. Mon grand-père était colonel du Gihaz al-Mukhabarat al-Amma, elle lui exposa la situation et entama la réanimation d'Ange. »

Il se désaltéra à nouveau, Marina, qui écoutait les yeux fixés sur le Nil demanda l’air lointain.

« Le Gihaz al-Mukhabarat al-Amma, c’est quoi ?

— L'équivalent de votre DGSI.

— Ha ! je vois.

— Trois minutes après, les réanimateurs, de Qasr El Eyni hôspital, prenaient le relais. Deux mois plus tard, mon père serait mort, car cet hôpital – situé sur l’île de Rhoda à moins huit cents mètres du club Med – a été fermé et le bâtiment détruit, en prévision de la construction du nouveau. Dans le quart d’heure suivant, c'est mon grand-père et son équipe qui arrivaient. Est-il nécessaire de développer comment mon père a été exfiltré, comment a été mise en scène sa mort, et la suite ?

— Non, comme tout le monde j’imagine les procédés de ce genre de services. Mais quel est le rapport avec les doigts de Sethnakht

***

Chapitre écrit par scifan

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