La neige recouvrait les ruines de la capitale. Le silence avait remplacé les combats. Les hommes tentaient de s’abriter du froid dans les maisons dévastées. Des foyers avaient été installés un peu partout dans la ville pour accueillir les blessés et les arrivants des zones protégées. La milice avait réussi à maintenir l’ordre, essayant de garder les populations calmes et de soigner ceux qui avaient été blessé par la propulsion de blocs de pierre. Plus rien ne bougeait du côté du château.

Le frère d’Ozanne avait émis un hurlement de rage en voyant les chaînes de sa sœur à terre et les barreaux ouverts. Une fois sa haine passée, il s’était raisonné. La folie d’Ozanne avait créé cette situation. Maintenant, protéger les habitants était sa priorité.

- Lieutenants, nous effectuons une expédition sur l’île secondaire. Le commandant en chef veut que vous veniez avec lui. Nous allons vous aider à marcher.

Il acquiesça et aidé de quelques soldats, ils se dirigèrent vers un petit groupe de miliciens, lourdement armé. Avant de partir, le commandant voulut s’entretenir seul avec lui.

- Je veux que vous nous accompagniez, quitte à nous ralentir. Vous avez un lien avec ce monstre.

Le lieutenant hocha la tête à contrecœur et ils se mirent en route. La montée n’était pas aisée. Les escaliers étaient instables. Certaines parties s’étaient écroulées obligeant les soldats à escalader des façades abruptes. Le blessé se faisait soulever par une solide corde accrochée à ses hanches. Le commandant repéra un pont qui lui paraissait encore assez solide pour être traversé. Ils parvinrent à l’atteindre au bout de quelques heures de durs efforts. Les soldats franchirent une porte éparpillée en morceaux de bois par terre. Une fois à l’intérieur de la demeure dévasté, les miliciens se séparèrent. Le commandant, le frère d’Ozanne et cinq féroces guerriers se dirigèrent, décidés, vers la salle du trône. Avant de franchir l’entrée, le commandant s’arrêta pour observer son groupe. Il passa sa main sur son épaisse barbe avec un air gêné. L’un des soldats s’inquiéta :

- Qu’y a-t-il commandant ?

- J’aimerais vous prévenir, soupira leur chef. Peu importe qui a gagné le duel, celui qui sera assis sur le trône sera désormais notre roi. Nous nous abaisserons devant lui et jurons de le servir. Compris ?

Tous acquiescèrent avec inquiétude et ils entrèrent dans la salle du trône. L’endroit était dévasté. Le toit était éparpillé sur le sol. Le ciel sombre surplombait la pièce et la neige recouvrait les environs. À travers les courants d’air, les soldats traversèrent la salle et s’arrêtèrent devant un gigantesque animal. Sa respiration se faisait lente. Sa queue tapait furieusement sur le carrelage et des grognements raisonnaient dans la salle. Edgard écarquilla les yeux et les guerriers qui les accompagnaient tremblaient devant l’impressionnante créature. Le commandant les força à avancer. Le dévoreur de démon voulut se retourner brusquement pour attaquer les nouveaux arrivants, mais de puissants liens l’en empêchaient. Bartolomé avait-il gagné ?

Sur le trône, une forme frêle se dessinait. Le lieutenant observa attentivement tout ce qui l’entourait. Les débris de pierre avaient écrasé une partie du mobilier. Les tableaux et étendards étaient déchirés. Les pots de fleurs de terre cuite avaient été renversés. Des racines en sortaient et parcouraient la jointure des carrelages. Certaines branches s’étaient fortement rassemblées pour maintenir le dévoreur de démons attaché.

Le frère d’Ozanne en fût parcouru de frissons. L’image de l’arbre en fleur lui revint. Au loin, les soldats s’étaient agenouillés face à leur nouvelle Reine. Une maigre démone, des morceaux de bois emmêlés dans ses cheveux et ses iris bleutés recouvrant sa pupille, posa son regard sur les guerriers. Sa voix enjouée traversa la salle :

- J’en veux d’autres ! Des graines ! Des arbustes ! Des fleurs ! Des arbres. Trouvez en plus, mes amours !