Et d’un coup, tout s’illumina. Deux ou trois clignotements lumineux, puis quatre, cinq, dix, vingt, cent, des milliers vinrent inonder la grande cale du bateau.

Le Capitaine plissa les yeux et, de sa main, se protégea de cette soudaine clarté. Ébahi, il vit que, de façon surnaturelle, toutes ces lumières flottaient dans les airs : des jaunes, des bleues, des rouges, des vertes, des blanches et des oranges. Il n’en crut pas ses yeux, tout lui semblait si magnifique, si… féerique.

Les clignotements stoppèrent, mais reprirent de plus belle, en décalé : les lumières rouges avec les oranges et les jaunes, les vertes avec les bleues et les blanches. Puis toutes ensembles. Puis toutes s’éteignirent encore subitement. Et toutes ces belles lumières se rallumèrent, donnant à la cale du bateau une ambiance unique… magique.

– Alors, satisfait ? demanda la Commandante, un peu inquiète que le Capitaine n'aime pas.

– Oui, oui… je… c’est tellement beau ! concéda le Capitaine, charmé par ce somptueux spectacle.

Séduit, conquis, il en vint à regarder autour de lui : la brume s’était transformée en flocons de neige virevoltants qui vinrent se plaquer sur ses vêtements. Le sol était, quant à lui, déjà recouvert d’une neige abondante, d’un blanc pur et immaculé.

De-ci, de-là, son regard se porta sur ce qu’il avait pris pour des arbres. Il ne s’était finalement pas trop trompé, puisqu’il s’agissait de sapins, présents par dizaine.

– Venez, Capitaine, laissez-moi vous conduire vers le plus beau.

La Commandante se rapprocha, lui sourit et, avec tendresse, lui prit la main. Le Capitaine se laissa guider. Tous deux marchèrent lentement, joyeusement, dans cette neige éclairée par les couleurs vives.

Plus ils avançaient, plus le Capitaine distinguait, au fond, une forme resplendissante. Il se doutait que, comme elle venait de le lui dire, quelque chose de merveilleux allait apparaître.

Et il ne fut pas déçu. La Commandante venait de le guider devant le plus royal, le plus splendide, le plus rayonnant de tous les sapins du monde. Dans le coin de la cale, ce sapin, couvert de boules toutes plus colorées les unes que les autres, trônait avec majesté. Des rubans de couleurs courraient également sur tout sa largeur, sur toute sa hauteur. À son sommet, une imposante étoile, flamboyante et scintillante, le couronnait.

– Je n’ai pas de mot, Commandante. C’est tellement... beau, dit simplement le Capitaine subjugué.

La Commandante se contenta de sourire plus encore. Un sourire sous-entendant qu’elle était ravie que tout cela plaise au Capitaine. D’un geste de la main, elle lui indiqua une direction.

Le Capitaine tourna alors la tête et vit arriver la Générale accompagnée de huit rennes.

– Bonjour, Capitaine. Je me présente enfin à vous. Je suis heureuse de voir que tout cela vous enchante. Nous ne nous sommes donc pas trompées vous concernant.

– Mais… je… je…

– Vous êtes perdu, c’est normal, Capitaine, le rassura la Générale.

– Je ne comprends pas… qu’attendez-vous de moi ? questionna-t-il un peu bêtement.

– Capitaine, nous venons d’un monde magique et enchanteur. Votre monde à vous est triste et souvent injuste. Nous voulons que l'équité y règne, et que le bonheur y rayonne. Nous souhaitons donc instaurer, chaque ving-cinq décembre, une tradition visant à récompenser les enfants qui ont été sages et gentils tout au long de l’année. Nous vous choisissons, vous, pour aller les couvrir de cadeaux, lui expliqua alors la Générale.

– Mais... mais… pourquoi moi ? Je ne suis pas spécialement un saint, répondit-il, surpris qu’il ait pu être élu pour une telle mission.

La Générale insista et révéla toute la subtilité :

– Justement, un homme trop bon gâtera tous les enfants. Un homme trop bon donnera des cadeaux à tout le monde. Vous, vous saurez être droit ! Nous sommes pour la justice. Comme vous l'a dit la Commandante, certains nous qualifient de "méchantes", car nous ne voulons pas récompenser les enfants insupportables. Mais il est juste qu’il y ait des règles.

– S’il vous plaît, acceptez Capitaine, le supplia la Commandante.

Le Capitaine réfléchit, très brièvement, et déclara, honoré, d’une voix forte :

– J’accepte.

La Commandante et la Générale sautèrent de joie et poussèrent quelques piaillements enthousiastes. Une fois calmées et l’excitation un peu redescendue, la Générale reprit la parole :

– Voici pour vous, ce que vous avez d'ailleurs pris pour un cheval, huit rennes pour vous satisfaire et vous aider dans votre mission.

– Alors c’était eux qui me tournaient autour. Petits chenapans, va, les blâma-t-il gentiment.

– Tout comme moi, ils vous ont jugé apte, lui révéla la Générale.

– Je les aime déjà, déclara un Capitaine ravi.

– Je suis sûre qu’ils vous aiment aussi, lui assura la Générale.

– Et peut-être pas qu’eux, avoua une Commandante rougissante.

Le Capitaine se rapprocha d’elle et, sans réfléchir, dans l’impulsion du moment, la prit dans ses bras. Il s’en suivit une tendre bise sur la joue. La Commandante en frissonna de bonheur.

Après une ou deux minutes à les laisser ainsi enlacés, la Générale interrompit ce moment si émouvant en annonçant :

– Capitaine, vos rennes sont magiques, ils vous permettront de voler au-dessus de toutes les maisons. Ainsi, vous pourrez aisément distribuer les cadeaux aux gentils enfants.

– Oh, des rennes volants. Je me doutais bien qu’ils avaient quelque chose de spécial. Je crois que maintenant plus rien ne me surprend, mon esprit est totalement ouvert, s’extasia le Capitaine avant de se mettre à rire.

La Générale, la Commandante, sans oublier les huit rennes, se mirent à rire tous en cœur avec lui.

– J’oubliais, Capitaine… annonça la Générale.

– Oui ? demanda-t-il un tout petit inquiet qu’il y ait un piège.

La Générale se dirigea sous le sapin et en sortit un paquet emballé :

– Voici pour vous.

Le Capitaine le saisit, déchira le papier cadeau avec empressement et l’ouvrit. Il découvrit un superbe costume.

– Est-ce pour moi ? Réellement ? J'en suis… c’est… tellement beau, ne sut-il encore que dire.

– Oui, c'est pour vous, réellement. Avouez qu’il vous faut bien un costume pour votre mission. Allez donc l'essayer, ordonna affectueusement la Commandante.

Le Capitaine, tout de même un peu prude, alla se changer derrière le grand sapin. Il ressorti vêtu : d’un pantalon rouge, retenu par une grosse ceinture noire, d’un manteau rouge, bordé de blanc, et d’un bonnet rouge, orné d’un pompon blanc.

– Il me va si bien.

– Il vous va si bien, reprit la Générale, convaincue d’avoir fait le bon choix.

– Il vous va si bien, reprit la Commandante… admirative.

Tous sourirent encore, puis rire et s’enlacèrent.

– Mais n’oublions pas la touche finale, dit la Commandante.

Elle mit la main dans sa poche et en sortit un foulard tout jaune qu’elle tendit au Capitaine :

– À l’image de nos couleurs, pour que jamais vous ne preniez froid.

– Merci, merci de cette si charmante attention.

Il le prit, toujours souriant et les yeux pétillant d'émotions, et le noua autour de son cou.

– Au fait, Capitaine, lança la Générale.

– Oui ?

– Comment vous appelez-vous ?

– Capitaine, répondit-il très bêtement.

– Non, votre vrai nom, voulais-je dire, le gronda-t-elle pour de faux.

– Je m’appelle, Noël.

– Alors vous serez maintenant le Père Noël, le baptisa la Générale.

N'oubliant pas la Commandante, la Générale s’adressa à elle :

– Et, à moins que je ne me trompe, Commandante, ne souhaiteriez-vous pas devenir "Mère Noël" ?

– Oui, je le veux, enchaîna-t-elle rapidement et instinctivement.

– Oui, je le veux aussi. Madame..., répondit précipitamment le Capitaine, sans terminer sa phrase, car il s'aperçut qu'il ne connaissait pas son prénom.

– Mademoiselle ! Encore pour quelques temps, le tança-t-elle amicalement. Mademoiselle… Noëlle m’irait déjà bien.

Et c'est ainsi qu'est né le vrai Père Noël, et qu'il se maria avec Mademoiselle Noëlle. Pour ceux qui en doutent, bien-sûr que les contes de fées existent !

Le Père Noël et la Mère Noëlle eurent beaucoup d’enfants. Tous deux vivent heureux au fin fond du pays magique d’où ils ne sortent que chaque vingt-quatre et vingt-cinq décembre.

Et que font leurs enfants ? Ils les aident à distribuer tous les cadeaux, aux toujours plus nombreux, enfants sages !

La morale, mes p’tits pirates, soyez gentils et obéissez à vos parents tout au long de l’année, car le vrai Père Noël, celui avec un foulard jaune autour du cou, ne distribue les cadeaux qu’à ceux qui le méritent. Soyez sages !

Mais j’vais vous révéler un secret, mes p’tits pirates, entre nous, avec le temps, le Capitaine s’est assagi et a tendance à voir de la bonté chez tous les enfants du monde.

Et ne lui dites pas, mais au fil du temps, sa barbe est devenue toute blanche ! Ahahah.

Sommes-nous à Noël ? Peut-être. Alors joyeux Noël à vous les enfants !

Et, joyeux Noël à vous tous qui avez parcouru cette histoire.

Ce n'est pas Noël ? Est-ce vraiment si grave ?