Le reflet de la lune

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Au pied des saules, petit ruisseau s’activait. Depuis que les pluies froides s’abattaient sur son vallon, il tentait de combler le retard accumulé ces derniers mois. Le clapotis se faisait à nouveau entendre sur les pierres polies et l’eau se faufilait entre les joncs, ramenant avec elle toutes formes de vie. Petit ruisseau n’avait pas recouvré pleinement sa force, mais, dans le crépuscule qui s’avançait sur le fond de la prairie, il chantonnait sa berceuse joyeuse avant d’aller se perdre un peu plus loin derrière les grandes silhouettes des chênes dépouillés. Petit ruisseau avait aussi rapporté un peu de vigueur à la Noire. En amont, juste après la source, il se divisait pour, d’une part, continuer à courir et, d’autre part, alimenter le réservoir de la Noire.

La Noire, la ténébreuse, cette mare pourtant peu profonde, mais au fond si obscur qu’elle en paraissait maléfique. Tout cet été de canicule, elle avait fait front. Elle avait lutté contre ce roi du ciel, à l’empire incontesté ; des heures durant, il avait tenté de soutirer sa vie, goutte à goutte… Elle avait résisté et, ne pouvant se protéger derrière l’ombre salvatrice d’un des saules trop éloignés, avait exhumé ses propres armes. De sa surface sans ride, de sa vase si sombre, elle avait fabriqué un miroir, à l’éclat dur, froid, sur lequel rien ne venait se refléter, un miroir glacé face aux rayons torrides. Elle avait tenu bon jusqu’à l’automne… jusqu’aux pluies. Petit Ruisseau, lui, avait disparu. La vie autour d’eux s’était presque éteinte. La source, elle-même, s’était tarie et le temps avait ralenti. Tous, aux alentours, s’étaient mis en position d’attente. Durant de longues semaines… Seule la Noire stagnait dans son trou, continuant la lutte, et, ce soir, sur ses rives, les poules d’eau et les ragondins qu’elle avait protégés s’endormaient paisiblement.

Alors la Noire se métamorphosa et devint la Dorée. Dans ce vallon où contours et couleurs s’étaient noyés sous l’arrivée de la nuit, la mare s’était habillée et brillait, tel un phare, d’un éclat chaud au milieu de la prairie endormie. La nature, profitant d’une nuit exceptionnellement douce, récompensait la ténacité de la guerrière : son bouclier ingrat avait été le meilleur garant d’une harmonie recouvrée.

Là-haut, Séléné, pleine, en toute splendeur, s’était levée entre les cornes du Taureau.

Petit Ruisseau chantait…

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