Le mirador

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Je suis de ce pays. De ce pays noir où le vent claque les portes au nez des étrangers. Je suis né d’ici, de ce royaume où mord le vent. Le si bien nommé Morvan.

Mon père a pris racine sur les pentes froides, a hissé des branchages épineux au-dessus du granit sombre et m’a donné le jour dans la scierie proche. Je suis son fils, son âme, le produit de sa sève. À peine né, j’ai pris place dans le Parc Naturel, tout près de Saint-Brisson, à l’orée de la forêt du Breuil.

S’il est un endroit plus magique que Brocéliande, plus secret, abritant de vieux dolmens moussus près desquels les enfants deviennent sérieux, comme si les druides anciens agitaient dans un grand cérémonial le houx et le gui sacré, un lieu où bêtes et hommes trouvent refuge, tels ces maquisards de la dernière guerre, remplacés aujourd’hui par des amoureux de la nature qui repartent toujours avec dans le cœur cette force que l’endroit leur offre en signe de paix, si cet endroit existe, il s’agit bien du Breuil.

Et moi, je me tiens là, à demi caché par les branches basses des chênes fiers, offrant asile à qui s’invite dans mes hauteurs à la recherche du calme et d’un poste d’observation.

Souvent, un couple d’adolescents s’approche dans le soir, grimpe silencieusement mes marches en sapin et s’installe sur ma plate-forme, serrés l’un contre l’autre. Ils se tiennent presque immobiles et attendent.

Leurs respirations adoucies, la magie de la forêt opère. Un chevreuil sort du sous-bois et profite de la fraîche pour se restaurer d’herbes grasses, bientôt suivi d’un autre, parfois d’une chevrette accompagnée de son petit se mettant alors à téter sans crainte. Un renard cherche un mulot sans les déranger. Quelques corneilles volent dans le couchant, annonçant que la barrière entre les bêtes et les hommes vient d’être levée.

Il faut rester silencieux, être complice sans le montrer, et toute la vie sauvage peut passer à mes pieds, à quelques mètres, pour le plus grand bonheur de ce que mes amoureux appellent un retour aux sources vives.


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