36 · Le moment qu'elle redoutait
Eldria perçut d’abord des sons lointains, indistincts, comme étouffés par un voile épais. Des éclats de couleurs défilaient au ralenti devant ses yeux mi-clos, donnant l’impression que le monde se mouvait sans elle. Un claquement bref résonna – une porte que l’on refermait peut-être – suivi de bruits plus proches, des déplacements. Autour d’elle. Sur elle. Elle avait la sensation étrange que ses membres s’agitaient sans qu’elle en soit à l’initiative.
Puis la douleur revint, fulgurante, irradiant de sa tempe comme une brûlure vive. Pendant un temps qu’elle n’aurait su estimer, cette souffrance intenable éclipsa tout le reste, engloutissant ses autres sens.
Au prix d’un effort titanesque, elle parvint enfin à émerger de ce brouillard. Elle reprit conscience de son corps, de l’air dans ses poumons, de son environnement immédiat. Elle comprit qu’elle avait perdu connaissance... mais pour combien de temps ? Autour d’elle, elle reconnut bientôt la chambre familière où elle rencontrait Dan chaque semaine. Ébranlée, elle ignorait quand et comment elle était arrivée là.
La mémoire lui revint par à-coups, et son cœur s’emballa. Elle voulut se redresser d’un bond, mais découvrit aussitôt que ses poignets étaient solidement ligotés à la tête du lit. Sa mâchoire, elle, était forcée par un bâillon humide qui lui entaillait les commissures et s’enfonçait dans sa bouche.
Ses pupilles s’écarquillèrent sous l’effet d’une terreur foudroyante. Haletante, elle balaya frénétiquement la pièce du regard. Il était là. Le soldat blond se tenait debout à ses côtés. Apparemment, il venait de retirer son armure, qu’il avait soigneusement déposée au sol, près de son épée, pour se retrouver vêtu d’une simple tunique légère à l’étoffe écarlate, assortie à des bas beiges.
– Ah, tu es enfin réveillée, dit-il d’un ton calme, presque cordial. Cela m’aurait ennuyé que tu ne sois pas consciente.
D’un mouvement vif, il ôta ses bas, les plia aussi méticuleusement qu’il avait rangé son armure, et les déposa à côté. En dessous, il ne portait rien. Son sexe hirsute, qu’Eldria apercevait malgré elle pour la quatrième fois, reposait, encore flasque.
– Le jour où toi et ton amie blonde êtes arrivées, reprit-il comme si de rien n’était, j’ai tellement regretté de ne pas avoir davantage profité de toi... Mais le capitaine s’est fait vertement réprimander pour avoir touché aux captives hors des horaires prévus, alors l’occasion ne s’est jamais représentée. Quel gâchis, si tu veux mon avis ! Heureusement, maintenant qu’ils sont pratiquement tous partis, nous allons prendre le contrôle de ce poste avancé, et faire les choses à ma façon.
Son regard balaya le corps étendu d’Eldria, au travers de sa robe nacrée. Une lueur de lubricité étincela au fond de ses pupilles ténébreuses.
– Bordel... que tu es excitante. Depuis tout ce temps, tu n’as pas cessé de m’obséder.
Sans la moindre gêne, il prit son sexe en main et commença à se masturber, exactement comme il l’avait déjà fait devant elle.
Eldria, impuissante, se mit à sangloter. Comment tout avait pu basculer si vite ? En l’espace d’une fraction de seconde, tout s’était effondré quand Dan et elle étaient tombés dans cette embuscade, qu’il leur avait diaboliquement tendue.
Elle eut une autre pensée confuse pour la pauvre Naïs. L’adolescente avait, selon toute vraisemblance, été contrainte de révéler ce qu’elle savait du plan d’évasion dont Eldria avait dû, à contrecœur, lui faire part la veille. Rien qu’imaginer ce qu’ils avaient dû lui infliger pour la faire céder la fit frémir d’horreur. Et son cœur se serra davantage en se remémorant les derniers mots du blond à l’adresse de son sbire : « Débarrasse-t’en ». Devait-elle s’attendre au pire ?
Le désespoir l’écrasa de tout son poids. Tout était perdu. Elle était seule, désormais, et condamnée à subir les conséquences de son échec.
– Ton ami a eu de la chance de te fourrer toutes les semaines, reprit le responsable de ses malheurs, la main s’agitant toujours sur sa verge.
Il cracha au sol avec dédain. Eldria repensa aussitôt à Dan, et pria pour que le coup qu’il avait reçu ne lui avait pas été fatal. Où qu’il fût, elle se raccrocha à l’espoir qu’il reprendrait peut-être bientôt connaissance, comme elle.
– Tu t’imagines peut-être qu’il viendra encore à ta rescousse, comme la dernière fois ? lança-t-il, ricanant. Que ce petit minet viendra jouer les héros à ton chevet ?
Son rire gras emplit la pièce.
– Ne te fais pas d’illusions. Mes hommes s’occupent de lui. À l’heure qu’il est, il est probablement déjà mort. Pas besoin de chevaliers au grand cœur dans notre nouvelle organisation.
Eldria se mit à pleurer pour de bon.
En moins d’une trentaine de secondes, le phallus du blond, gonflé de sang frais, se dressait déjà sous ses doigts avides.
– Bon, assez de blabla.
Il se pencha sur elle et, d’un mouvement ample, remonta la robe qui la recouvrait encore jusqu’au-dessus de sa poitrine. Ses yeux s’attardèrent avec un sifflement appréciateur.
– Vraiment pas mal...
Sans se gêner, il empoigna son sein gauche et le palpa à loisir, comme l’avait fait le vieux noble Eriarhi quelques semaines auparavant. La honte submergea Eldria, qui sentit son visage s’embraser.
– Tu n’auras plus besoin de ça, ajouta-t-il avec mépris en agrippant sa culotte de dentelle fine, qu’elle avait enfilée plus tôt dans la salle de bain.
Avec une poigne disproportionnée, il tira sur la délicate lingerie, lui lacérant cuisses et fesses. Eldria voulut crier, mais son bâillon étouffa sa protestation dans un gémissement à peine audible. Après quelques secondes d’une résistance héroïque, l’étoffe fragile se déchira net entre les doigts puissants de son tourmenteur.
Dans un ultime sursaut de pudeur, Eldria serra les cuisses de toutes ses forces, mais son agresseur sauta aussitôt au pied du lit et les écarta sans effort. Ses intentions ne laissaient plus de doute.
– Je vais d’abord te prendre, souffla-t-il d’une voix soudain fébrile, et j’aviserai ensuite de ton sort. Si tu as de la chance, je te choisirai comme esclave personnelle.
Accablée d’angoisse, Eldria regretta amèrement de ne pas être restée évanouie plus longuement. Cette fois, rien ne semblait pouvoir empêcher son bourreau d’assouvir son funeste dessein. L’abominable cauchemar qu’elle avait fait quelques nuits auparavant, semblable à une lugubre prophétie, paraissait sur le point de se réaliser. Elle poussa un nouveau hurlement désespéré, qui ne fut hélas guère plus sonore que le précédent.
Le blond, quant à lui, s’était avantageusement avancé entre ses genoux écartés, qu’il avait aisément bloqués contre lui, comme il l’avait déjà fait dans la réserve. Ainsi campé, il cracha dédaigneusement sur sa victime. La salive s’écrasa sur le bas-ventre d’Eldria, à la frontière de son duvet pubien. Elle interpréta d’abord cet acte abject comme un signe d’avilissement, mais réalisa rapidement qu’elle se trompait : son but, bien plus prosaïque, était tout autre. Il fit en effet glisser sa main sur son propre crachat abondant, puis l’étala vers le bas. Sur la zone la plus sensible de sa proie.
Eldria rougit davantage en sentant des doigts rugueux s’approprier son intimité, sans une once de délicatesse. Instinctivement, elle tenta de remuer le bassin pour se soustraire à ces attouchements ignobles, mais l’emprise de son bourreau la clouait sur place. Alors il insista, couvrant son sexe entier de cette mixture poisseuse, avant d’oser présenter un doigt aux portes de sa vulve effarouchée.
Eldria ne retira aucun plaisir de ce contact digital imposé. C’était le tout premier homme qui la touchait en cet endroit privé, et cette seule pensée faillit la faire défaillir. Mais le pire restait à venir car, bientôt, le blond retira sa main gluante de là où elle n’avait jamais été invitée pour enduire son propre sexe de cette même salive. Sa verge veineuse, gonflée d’une convoitise effrayante, s’érigeait, prête à accomplir son sinistre office.
Les yeux écarquillés, Eldria souffla par les narines, tentant désespérément de se calmer. « Ce n’est qu’un mauvais moment à passer », s’efforçait de répéter la petite voix intérieure qui, jour après jour, l’empêchait de sombrer dans la folie. « Tu ne vas pas en mourir. Pense à autre chose. » Mais cette voix perdait de plus en plus son emprise sur son esprit brisé.
Inévitablement, ce qui devait arriver... arriva. Le blond saisit son pénis par la racine, et l’orienta vers le bas, l’approchant de sa cible grande ouverte. Son gland brûlant déflora les lèvres, souillées de salive moite, normalement faites pour l’accueillir. La nature était ainsi faite, mais, dans ce cas précis, Eldria abhorra la sensation de cet intrus à même sa peau. Elle serra le périnée avec la force du désespoir... consciente que cela ne servirait à rien.
Après ses doigts indélicats, ce fut maintenant son gland luisant qu’il fit glisser le long de sa fente.
– Putain, que c’est bon, lâcha-t-il, yeux clos, bouche grande ouverte, savourant sans retenue les sensations que cela devait lui procurer.
De honte, Eldria détourna le regard. Épuisée, elle cessa de se débattre, s’abandonnant à son triste sort. Elle avait perdu.
Après quelques allées et venues, il s’interrompit aux portes de son vagin, estimant sans doute que la lubrification était suffisante. Puis, inévitablement, il poussa méthodiquement du bassin pour se frayer un chemin entre ses cuisses. En elle.
Eldria sentit, dans la douleur, l’imposant corps étranger forcer ses parois. Elle gémit faiblement, priant pour que ce supplice soit bref.
– Tu es si serrée... Ça me plaît.
Ne s’interrompant pas pour autant, son large membre continua de s’insinuer, tout doucement, dans son antre intime. C’était bien plus douloureux que la fois où elle y avait elle-même inséré trois doigts à la fois. Des larmes de désespoir vinrent lui obstruer la vue. C’en était fini : on venait de lui voler son honneur dans l’horreur.
Bientôt, ce gland impétueux serait entré en elle, tel un funèbre intrus qu’on ne voudrait inviter chez soi sous aucun prétexte. Le reste de cet organe viril, moins large, pourrait alors s’introduire dans son entièreté, jusque dans ses entrailles, et commencer les mouvements de va-et-vient dont elle avait déjà été témoin. Aurait-t-elle mal ? Ou pire, ressentirait-elle, sans le désirer le moins du monde... du plaisir ? Combien de temps son calvaire allait-il durer ? S’oublierait-il en elle ?
Ces questions l’assaillirent, lourdes comme des pierres accrochées à ses jambes, alors qu’elle sombrait dans l’abîme d’un océan de désespoir sans fin.
Un bruit discret retentit. Eldria, égarée dans ses pensées, le perçut à peine. Quelque chose fut percé. Puis du sang. Beaucoup de sang.
Il coula sur elle.
Mais ce n’était pas le sien.
Le temps se figea. Penché sur elle, les pupilles écarquillées par la stupeur, son agresseur fixait, désemparé, son propre ventre. Une pointe acérée en surgissait. Une épée. Sa propre épée.
Il comprit, mais c’était trop tard. Ses orbites se révulsèrent, puis il chuta mollement sur le côté, au sol, le pommeau de l’arme sortant de son dos. La mort, soudaine, brutale, inattendue, venait de le faucher.
Au pied du lit, une silhouette élancée se dressait, droite et résolue. Ses vêtements d’un blanc nacré et sa crinière dorée étincelèrent au travers des larmes d’Eldria.
– Eldria... souffla une voix douce-amère.
Annotations