Manon

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Si nous n'avions pas prévu cette grossesse, nous n'avions rien fait pour qu'elle n'arrive pas. Trois semaines seulement après notre mariage j'avais eu une aménorhée surprise. Un test bandelette et cinq minutes plus tard, nous étions fixés : j'étais enceinte.

C'est l'heure. Je ressens les premières contractions dans la nuit. Tout est prêt. À six heures, je réveille Guillaume pour l'avertir que c'est le moment de partir pour la maternité. Il bâille et me fixe le regard encore embué de sommeil. Je dépose un tendre baiser sur ses lèvres et me lève en attendant qu'il fasse de même.

Pour le petit déjeuner, rien ne me fait envie, pas même un verre d'eau. Mon mari avale un café en vitesse et nous partons. Je ne suis qu'impatience. Sur le trajet, je surprends ses regards mi-fiers mi-affolés en direction de mon ventre lorsque je retiens mon souffle. Contrairement aux recommandations, je n'ai pas minuté le temps entre les contractions, mais je sens que le moment est proche. Enfin je vais pouvoir rencontrer notre fille. Nous nous touchons parfois, mais je n'ai pu que l'imaginer. Comment sera-t-elle ?

Nous nous garons enfin. Guillaume m'aide à m'extraire de la voiture. Il me soutient jusqu'à l'entrée de la clinique. J'ai tout juste le temps d'arriver dans le hall qu'une vague secoue mon ventre et déferle entre mes jambes. Tant pis pour les formalités. Nous devons filer en salle d'accouchement. Dans le couloir, on entend les hurlements d'une femme que l'on déchire. C'est ce qui m'attend. Mais je ne crie pas. Je n'en ressens pas le besoin. Mon regard cherche celui de mon époux. Je n'ai besoin que de lui, de sa présence à mes côtés pour y arriver. Il est sérieux, concentré, un peu perdu mais à l'écoute. Un sourire se dessine sur ses lèvres tandis que nos yeux s'accrochent.

Les sage-femmes s'affairent autour de nous, j'entends des choses dont je tente de tenir compte, mais je fais abstraction de l'agitation. C'est un moment privilégié dont je n'aurais de souvenirs que dans ma mémoire. Je fixe les couleurs, les odeurs et les sons.

  • Ça y est, la tête est sortie. C'est presque fini.

Ma douleur s'évanouit à mesure que ma fille s'extirpe de mon ventre. Je suis les instructions de l'équipe médicale en serrant la main de mon compagnon.

  • Monsieur, vous voulez couper le cordon ?

Il refuse, c'est au-dessus de ses forces. Au dessus des miennes aussi. Soudain un cri. Notre fille est née, elle est en pleine forme. On la pose sur mon ventre. Elle est si petite. Ses yeux sont fermés, son corps fragile recroquevillé est recouvert d'une serviette. Elle se repose. Après quelques minutes, son nez entre en action. Elle sent. Elle me sent. C'est mignon. Puis tout son corps se meut. on dirait qu'elle cherche à monter vers mon sein. Je la mène précautioneusement à son objectif et ses petits poings ensèrent mon corps.

Je sens le regard bienveillant de son père sur nous. Il sourit, béat. Ma main libre vient chercher les siennes. Désormais nous serons trois.

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