Chapitre 18 - Gauthier

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Le lendemain, en fin de matinée, ils s’arrêtèrent pour déplier la carte IGN et tenter de se repérer : le chemin était mal balisé, ils n’étaient plus certains d’être sur le bon sentier. Nicolas et Gauthier n’étaient jamais venus à cet endroit, et Louise encore moins.

« Mais si, je te dis qu’on est par là !

_ C’est impossible, on n’a pas pu monter tout ça ! Je te dis qu’on a bivouaqué dans ce secteur-là ! » …

Louise les laissait faire, adossée à un rocher elle profitait de ce répit pour regarder le paysage. Attila était assis près d’elle ; depuis la veille et l’incident du torrent, il ne la quittait plus d’une semelle.

« Regardez, qu’est-ce que c’est, là-bas ?

_ Tu crois qu’on a le temps de regarder les marmottes ? » lança Gauthier sans quitter la carte du regard.

Nicolas leva les yeux vers sa sœur, et suivit la direction qu’elle indiquait du bras : un peu plus haut, on apercevait une construction délabrée.

« Ça doit être un ancien refuge, ou une bergerie… Voyons si on trouve quelques chose qui y ressemble, sur cette fichue carte… »

Ils se remirent en marche peu après, rassurés sur leur position et sur la direction à suivre. Le terrain était très rocailleux, le chemin quasiment inexistant, ils devaient sans cesse regarder où poser les pieds entre les pierres.

« Ça va, Lou ? » s’inquiétait parfois Nicolas.

« Oui oui. » répondait invariablement Louise, jusqu’au moment où elle ajouta : « On s’arrête bientôt ? J’ai faim...

_ Tu crois vraiment que c’est le moment ? » bougonna Gauthier. « Je ne vois pas où on pourrait s’installer pour manger…

_ S’il te faut une aire de pique-nique avec une table et un banc, tu pouvais rester en bas ! » répliqua-t-elle vivement.

Ils finirent par trouver un endroit où s’installer le temps de se restaurer. Louise, qui n’avait pas oublié la façon dont Gauthier l’avait traitée un peu plus tôt alors qu’elle leur montrait la bergerie en ruine pour les aider, répliquait du tac au tac à ses taquineries, d’un ton mordant.

« Vous ne pouvez pas arrêter cinq minutes ? » soupira Nicolas en se levant : « On vient pour passer quelques jours au calme, et vous passez votre temps à vous engueuler ! Ça commence à bien faire, à la fin… »

Il remit son sac sur son dos et commença à s’éloigner d’un bon pas. Lançant un regard noir à Gauthier, lui mettant ainsi sur le dos tous les reproches de son frère, Louise entreprit de refermer son propre sac : ils portaient les tentes, elle la nourriture.

« Louloute… »

Sans l’écouter ni même le regarder, elle s’élança à la poursuite de Nicolas. Tout en marchant elle arrangeait les bretelles de son sac, tentait de le placer correctement sur son dos et de serrer la ceinture.

« Loulou, attends ! » Elle accéléra encore le pas pour empêcher Gauthier de la rattraper. « Ne cours pas, c’est dangereux ! »

Au même moment Louise posai le pied sur une pierre, et la sentit rouler sous sa semelle. Elle essaya de se rétablir et de reprendre son équilibre, mais n’y parvint pas. Le sac à dos n’arrangeait pas les choses, son poids l’entrainait, et elle se sentit tomber. Elle tendit les bras devant elle, par réflexe, en se sentant basculer vers l’avant dans le sens de la pente. Gauthier cria encore son prénom, son prénom entier cette fois, en même temps qu’Attila poussait un hurlement paniqué, qui couvrit à peine son cri de douleur.

Aussitôt Gauthier se débarrassa de son sac, et franchit les quelques mètres qui les séparaient. Louise avait trébuché sur le chemin, et roulé un peu plus bas, un mètre ou deux peut-être. Attila était déjà là, et lui léchait la joue en gémissant doucement.

« Nico ! » appela Gauthier. Celui-ci revenait déjà, alerté par les cris.

Attila ne manifesta aucune agressivité quand Gauthier s’approcha de Louise, comme s’il avait compris la gravité de la situation.

« Louise ? Tu m’entends ? Ouvre les yeux, Loulou. »

Elle souleva difficilement les paupières, le regarda en grimaçant, face contre terre.

« Ça va ? Comment tu te sens ?

_ … mal… » gémit-elle entre ses dents serrées.

« Où ça ?

_ … bras… »

Elle ne pouvait pas bouger son poignet gauche tant il la faisait souffrir.

« OK… Tu as mal ailleurs ? La tête ? Le dos ? »

Il tentait de ne pas paniquer. Louise n’avait pas perdu connaissance, et ne semblait pas s’être cogné la tête, on pouvait sans doute écarter le risque de traumatisme crânien.

« Ne bouge pas, Louise. » Il tentait d’éloigner le chien qui gémissait en la léchant, la poussant de sa truffe pour qu’elle se relève. Nicolas arriva à ce moment près d’eux.

« Lou ! »

Il avait le regard fou d’angoisse, il ne manquait plus que ça… Gauthier n’était pas certain d’arriver à gérer Louise et ses blessures, plus Nicolas en panique, plus le chien qui ne valait pas mieux. Il ferma les yeux un instant, souffla longuement pour trouver en lui le calme dont il avait besoin.

Louise, allongée sur le ventre, la joue sur une pierre inconfortable, geignait, à moitié écrasée sous son sac à dos.

« Attends, Louise, ne bouge pas, surtout. » Il glissa un vêtement sous sa tête, à la place de la pierre. Le premier principe, en cas d’accident, était de ne pas bouger le blessé, il le savait.

« Mais aidez-moi à me relever, bordel ! J’ai mal au poignet, je peux pas m’appuyer dessus ! » réclama Louise. Les deux garçons se regardèrent, pas certains de la conduite à tenir. Elle insista, commença à bouger malgré la douleur, et ils n’eurent d’autre choix que de l’aider pour lui éviter de se blesser d’avantage. Débarrassée du sac qui pesait sur son dos, elle parvint à s’asseoir en maintenant son bras gauche serré contre elle.

« Laisse-moi voir, Louise ? » demanda Gauthier en tendant la main. Il palpa doucement le poignet, et fit la moue. Il ne voulait pas lui faire peur, mais ça semblait cassé.

« A part ça, tu as mal où ? » demanda-t-il à nouveau.

Elle avait les mains, les avant-bras, les genoux égratignés à travers le pantalon, à cause des cailloux sur lesquels elle était tombée, une joue éraflée de la même manière, mais le plus grave était sans conteste son poignet. Nicolas, agenouillé aux côtés de sa sœur, était blême. C’était le premier accident qui survenait pendant une randonnée. Jusque-là, ils n’avaient été confrontés qu’à des broutilles sans gravité, coups de soleil ou piqûres d’insectes… Gauthier et lui se regardèrent à nouveau, se comprenant sans parler. Ils étaient au milieu de nulle part, et si du secours devait venir jusqu’à eux, ce serait par voie aérienne. A supposer qu’ils parviennent à capter du réseau ici pour appeler les pompiers, et à leur expliquer assez clairement leur position… La solution la plus simple était encore de marcher jusqu’à la route la plus proche, en espérant trouver une bonne âme disponible pour venir les chercher en voiture. Ou appeler une ambulance.

D’un vêtement, ils attachèrent le bras de Louise en écharpe. Puis, malgré les réticences de Nicolas, elle insista pour se relever. Il la soutenait, tandis que Gauthier portait son sac à dos en plus du sien. Elle fit quelques pas en grimaçant, les dents serrées, boitillant dans les cailloux.

« Non, ça va pas le faire. » trancha Nicolas. « Tu ne peux pas marcher là-dedans, Lou.

_ Si ! ça va aller, je peux marcher jusqu’à la route. On ira moins vite, c’est tout. »

D’après la carte qu’ils venaient de consulter à nouveau, ils n’étaient qu’à quelques encâblures d’une petite route de montagne. Soucieux, Gauthier regardait Louise qui marchait lentement, posant son pied droit avec hésitation et s’appuyant le moins possible dessus. Elle souffrait manifestement, mais pas un son ne franchissait ses lèvres. Elle serrait les dents, se mordait la langue peut-être, à chaque pas qu’elle faisait. Attila était collé à elle, tellement proche qu’il l’empêchait quasiment de marcher.

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