Chapitre 36 - Nicolas

5 minutes de lecture

Nicolas en sortant de la douche trouva sa sœur et son meilleur ami dans le salon. Louise dans un fauteuil, et Gauthier assis au sol, ils partageaient les écouteurs du baladeur MP3. Il y avait un canapé vide de l’autre côté de la table basse, mais Gauthier était assis par terre, comme le chien. Chacun d’un côté. C’était presque drôle ! Nicolas aurait ri, si ça n’impliquait pas que Louise ne se sentait pas assez en confiance avec Gauthier pour s’asseoir dans le même siège que lui… Pourtant, quelque chose était différent. Elle semblait plus consciente de Gauthier et de ses regards, et lui ne la lâchait pas des yeux, il n’essayait plus de se cacher, de se faire discret. Parfois, même, Louise laissait ses doigts effleurer les cheveux de Gauthier. Si ce n’était pas un geste tendre, ça…

Nicolas était content pour eux. Sa sœur grandissait, se posait, faisait confiance. Restait à voir la réaction de Virgile à son retour…

Nicolas sentit son frère bouillir une bonne partie de la soirée, alors que Louise et Gauthier s’étaient finalement assis tous les deux dans le canapé. Elle semblait plus à l’aise, aussi proche de lui, lorsqu’ils n’étaient pas seuls dans la pièce. Il croisa les doigts, tout au long du repas et des moments suivants qu’ils passèrent à discuter de tout et de rien, espérant que Virgile ne provoquerait pas un clash avec Louise. Ou avec Gauthier. Il était foutu de faire une crise de jalousie ! Mais la soirée passa calmement, jusqu’au moment où Gauthier prit congé, en même temps que Louise descendait avec Attila lui faire faire un tour jusqu’au square du coin de la rue.

Virgile s’approcha de la fenêtre pour les surveiller.

« Sérieux, Nico, t’as rien vu ?

_ Hein ?

_ Louise ! Et Gauthier !

_ Et ben ? » Il n’allait pas lui faciliter la tâche… Tiens, ça lui faisait penser à la façon de faire de Louise. Nicolas sourit à cette idée : Virgile aurait une bonne raison de s’énerver, au moins…

« Elle était limite assise sur ses genoux ! Et ils passent leurs journées ensemble !

_ Ouais, elle parle à quelqu’un d’autre que nous, quel scandale, hein ! C’était tellement mieux quand personne pouvait l’approcher, à peine la regarder…

_ Non, mais… Roooh, tu vois très bien ce que je veux dire, Nico !

_ Ce que je vois, Virgile, c’est que Louise va mieux. Elle n’a plus peur de tout et de tout le monde, elle parle avec nos amis et plus seulement avec nous, elle est suffisamment à l’aise avec eux pour se détendre en leur présence. Ça ne te fait pas plaisir ?

_ Qu’est-ce qu’il cherche, ton pote ? Il sait qu’elle est mineure ?

_ Alors aux dernières nouvelles, c’était aussi ton pote, mon vieux. Et Louise aura dix-huit ans le mois prochain.

_ Mais il en a vingt-quatre !

_ Ouais, comme moi.

_ Merde, Nico, tu le fais exprès ? Après ce qu’elle a vécu, j’ai pas l’intention de laisser un mec lui faire du mal !

_ Respire, vieux. Louise sait se défendre. Si elle n’avait pas voulu que Gauthier s’assoie aussi près d’elle, elle l’aurait envoyé chier, et tu le sais très bien. C’est toi qui l’emmènes au judo, tu sais qu’elle est capable de le repousser. Et Attila lui aurait sauté à la gorge, si Gauthier l’avait touchée sans sa permission. Ils se sont rapprochés depuis quelques mois, et franchement c’est plutôt reposant de ne plus les entendre se chicaner à longueur de temps. Mais toi, forcément, tu vois rien de tout ça… »

Virgile sembla encaisser sa tirade comme un coup au ventre.

« Je te jure que s’il lui fait du mal…

_ Respire, V. J’ai parlé à Gauthier.

_ Hein, tu… mais quand ?

_ La semaine dernière.

_ Alors… »

Nicolas posa les mains sur les épaules de son frère : « Laisse-la vivre, Virgile. On est là, il ne lui arrivera rien de mal. Gauthier est bien mordu, il ne cherche pas à s’amuser.

_ Je sais… Mais si…

_ Laisse-la vivre. » l’exhorta Nicolas. « Laisse-la grandir, elle en a besoin.

_ J’ai peur pour elle, Nico…

_ Je sais, V. Moi aussi. C’est pour ça que j’ai mis Gauthier en garde.

_ Tu lui as dit… ?

_ Non. Mais il est pas con, il avait compris… »

Jamais ils ne parlaient ouvertement de ce que Louise leur avait confié. C’était toujours à demi-mots, avec des regards douloureux qui disaient mieux que des phrases à quoi pensait l’autre.

« Elle lui en parlera quand elle sera prête, et avec ses mots à elle. C’est pas à nous de le faire. On est là pour surveiller ses arrières, et botter le cul de Gauthier s’il joue au con, mais discrètement, d’accord ? »

Virgile hocha la tête. « Mais ça me plait pas, Nico. Je te jure, ça me plait pas.

_ Je vois ça… Mais tu crois vraiment qu’elle va te laisser l’enfermer dans sa chambre ?

_ Nan…

_ Par contre, tu tiens un moyen de pression pour qu’elle foute la paix à Julia. »

Virgile releva un sourcil, perplexe.

« Réfléchis : elle va bien sentir que t’es pas enthousiaste. Et comme elle non plus ne l’est pas vis-à-vis de ton couple, peut-être que vous pourriez passer un marché ?

_ Un pacte de non-agression, tu veux dire ?

_ Quelque chose comme ça, ouais…

_ Pas con. » fit Virgile, songeur.

A son tour, Nicolas jeta un coup d’œil par la fenêtre du salon, qui donnait sur la rue. Il vit Louise et Attila, un peu plus loin, et Gauthier qui s’apprêtait à montrer dans sa voiture. Il avait dû les accompagner jusqu’au square le temps de la balade du chien, et revenir avec eux. Ils discutaient tranquillement, Louise paraissait souriante et détendue, même si elle était un peu loin pour le dire avec certitude. Nicolas vit son ami se baisser pour déposer une bise sur la joue de Louise. Elle n’avait pas l’habitude d'embrasser les gens pour les saluer, à part Mathie qui tenait à son bisou du soir et du matin. Sinon, entourée de gars, Louise avait pris leurs habitudes et, comme eux, échangeait des checks en guise de salutations. Deux ans plus tôt, elle ne supportait pas qu’on la touche, qu’on l’approche, se pencher sur elle pour lui faire la bise la figeait en statue ou la faisait fuir. Cogner son poing fermé contre un autre poing fermé ne durait qu’une fraction de seconde et n’impliquait pas de contact rapproché. C’était bien plus simple à gérer pour la petite Louise terrorisée. Et puis l’habitude était restée.

Alors une bise, même chaste, de Gauthier ? C’était quasiment une révolution ! De même que voir Louise installée sur le canapé près de Gauthier, et non pas à l’autre bout derrière une pile de coussins.

Nicolas sourit en repensant à eux, plutôt proches un peu plus tôt, à leur façon d’écouter la musique en partageant les écouteurs. Ils avançaient à leur rythme, selon leurs propres règles, et tant que Louise était heureuse ça lui convenait. Elle était à peine majeure et Gauthier avait six ans de plus, certes. Mais quoi qu’en dise Virgile, quoi que puisse en penser leur père, Mathie, le monde entier, lui serait du côté de Louise. Du côté de son bonheur.

Annotations

Vous aimez lire Miss Marple ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0