Chapitre 11

7 minutes de lecture

Août 2015

Assis l’un en face de l’autre, nous nous regardions par-dessus nos assiettes et la main de Paul ne quittait pas la mienne, nos bras tendus en travers de la table. Il caressait le dos de ma main, tout en mangeant de l’autre.

J’ai ôté ma tong, la posant sans bruit au sol, et avancé mon pied avec précautions : je ne voulais pas lui donner un coup dans le tibia ! Le regard de Paul quand il a senti mes orteils nus contre sa cheville, étonné, un peu gêné, valait tout l’or du monde.

« Pardon… » a-t-il marmonné en rabattant ses jambes sous sa chaise, baissant le regard, les joues rouges.

Je me suis retenue – de justesse – de soupirer ou d’éclater de rire : j’avais failli faire les deux. Puis j’ai tendu ma jambe un peu plus loin. Cette fois, j’ai effleuré le dessus de son pied avec le dessous du mien, reproduisant la caresse de sa main sur la mienne. Il s’est figé une seconde, avant de se remettre à respirer, et j’ai arrêté de le torturer. Je ne voulais pas le mettre mal à l’aise. Je suis restée sage jusqu’à la fin du repas, et on a rapidement lavé la vaisselle, puis il m’a proposé des sablés en guise de dessert, et on s’est installés sur le canapé. Il a porté à ma bouche un biscuit, et j’ai réussi à toucher ses doigts de mes lèvres au passage, m’amusant de son trouble.

J’ai joué à l’allumer, jusqu’à ce qu’il ferme les yeux en renversant la tête contre le dossier du canapé :

« Bon sang, tu veux me tuer, ou quoi ? » a-t-il grogné.

« Non, seulement te faire succomber. » ai-je rétorqué, mutine, assise sur ses genoux, me penchant vers son visage.

« Arrête. » Sa voix était tendue, le ton, brusque et presque froid. Je me figeai, n’osant plus bouger, pas même pour m’asseoir correctement à côté de lui.

Paul soupira, et prit mes mains dans les siennes pour les porter à ses lèvres.

« Désolé, je ne voulais pas être aussi brutal. C’est juste… tu me rends dingue, Louise. »

J’avais une boule dans la gorge, comme envie de pleurer, et il dut le lire sur mon visage car il cueillit ma joue dans sa main aux longs doigts fins, et m’attira à lui pour poser ses lèvres sur les miennes. Il les caressa, les mordilla, les lécha doucement, jusqu’à ce que j’aventure ma langue à la rencontre de la sienne, et je n’ai plus pensé à rien pendant un très, très long moment.

Quand j’ai voulu bouger, il m’en a empêchée, me maintenant par les hanches.

« Reste. » a-t-il demandé contre ma bouche. Je suis restée. Je suis restée sage, me contentant de l’embrasser, mes mains posées sur son torse ou passées dans ses cheveux, mais pas déboutonnant sa chemise comme j’en rêvais…

Puisqu’il jouait la vierge effarouchée, je l’ai laissé faire. Vierge il ne l’était plus, pourtant, nous avions eu l’occasion d’en parler, mais je commençais à me rendre compte que Gauthier avait vu juste en me disant que Paul n’était pas un rapide…

Quand on s’est mis à bailler à qui mieux mieux, je me suis blottie contre lui pour demander, le nez dans son cou : « Je peux dormir avec toi ?

_ Si tu n’essaie pas de me violer pendant mon sommeil, d’accord.

_ Aurais-tu peur pour ta vertu ? » le taquinai-je, et il se contenta de sourire en secouant la tête. Il me prêta un T-shirt et me laissa la salle de bain pour me changer, puis je me glissai dans son lit, m’enivrant de son odeur dans l’oreiller. Il me rejoignit peu après, ferma la porte de la chambre, et un aboiement rauque suivi d’un grognement sourd et profond me fit bondir hors du lit.

« Non, n’ouvre pas ! » criai-je pour l’en empêcher. Il resta interdit, la main à quelques centimètres de la poignée de la porte.

« Recule un peu, s’il te plait. » lui demandai-je, avant de hausser la voix pour m’adresser à Attila, dont les grognements n’avaient pas cessé. « Til ? Sage ! Tout va bien, mon chien… » dis-je en ouvrant la porte, et il se précipita sur moi, debout, les pattes posées sur mes épaules. Je le tenais contre moi et le caressais en lui parlant.

« Là, mon loup, ça va… Sage, Tilou. Assis. »

Je m’assis moi aussi, près de lui, et sans cesser mes caresses je me tournai vers Paul pour lui expliquer : « Il n’a jamais dormi dans une autre pièce que moi… Et il ne supporte pas de me voir enfermée avec un homme. Ça date de… de quand j’étais ado. » terminai-je en baissant les yeux. Et sans que j’en dise plus, Paul comprit que je parlais du mec de ma mère.

« Est-ce que… si on allait lui chercher sa couverture, ça irait peut-être mieux ? » proposa-t-il timidement. Je me levai en souriant et l’embrassai rapidement sur la joue : « Bonne idée, j’y vais. »

Je remis ma robe et pris mes clés. Trois minutes plus tard, Attila était couché sur sa couverture, et sa gamelle d’eau était dans un coin de la cuisine. Quant à moi, je me lavai les mains et ôtai ma robe pour la seconde fois, enfilant cette fois ma nuisette que j’avais ramenée par la même occasion. De couleur ivoire, elle m’arrivait à mi-cuisses. J’avais gardé mon shorty de dentelle, mais pas le soutif. Je laissai la porte de la chambre entrouverte pour que mon chien puisse me voir, et me faufilai sous les draps où Paul m’attendait. Un bisou sage, et on s’est couchés.

On a encore discuté un peu, à mi-voix dans le noir, puis je me suis endormie, blottie contre son torse nu – il m’avait demandé s’il pouvait ôter son T-shirt, si ça ne me gênait pas. Je l’avais regardé faire passer le vêtement par-dessus sa tête, et le poser sur la chaise avec ses autres fringues, détaillant au passage son torse mince, les traces de bronzage laissant la marque du T-shirt, les quelques poils clairs sous son nombril, qui disparaissaient dans la ceinture de son caleçon… Il s’était dépêché de se recouvrir de la couette, me privant du spectacle…

Le radioréveil indiquait 8h10 quand j’ouvris les yeux. Paul dormait encore à poings fermés, moi c’était mon heure. Je n’avais jamais été adepte des grasses-matinées, et je ne parviendrais pas à me rendormir, je le savais. De plus, Attila allait certainement demander à sortir… Je me levai sans faire de bruit pour laisser Paul finir sa nuit, enfilai ma robe et mes tongs, et regagnai mon appartement avec mon chien et ses affaires. Après une bonne balade un peu sportive avec Attila qui demandait à courir et à se dépenser, je mis mes vêtements au lavage – qu’est-ce que ça pouvait se remplir vite, un panier à linge sale ! – et pris une douche. Une fois propre et sèche, j’enfilai mon joli soutien-gorge et le second shorty assorti (j’avais bien fait d’écouter Julia qui me conseillait d’en prendre deux), un short en jean et un corsage blanc à manches courtes et bouffantes. Je me suis démêlé les cheveux, et les ai attachés en une queue de cheval un peu haute derrière la tête. Puis j’ai rempli les gamelles d’Attila, et après une dernière caresse je l’ai laissé manger. J’ai verrouillé ma porte, et ouvert celle de Paul avec le trousseau que je lui avais emprunté, tentant de faire le moins de bruit possible. Une forte odeur de café – beurk – m’accueillit quand je suis entrée dans la pièce principale, il était accoudé à la table, regardant fixement sa tasse.

« Alors, on déjeune sans m’attendre ? » demandai-je en posant près de lui le sachet de viennoiseries que j’avais prises à la boulangerie en rentrant de ma balade matinale.

Paul se retourna, et me lança un regard empli d’incompréhension.

« Tu… tu es là ? » murmura-t-il, tendant la main vers moi sans oser me toucher, comme s’il avait peur de se trouver face à un fantôme.

Je m’approchai de lui, et il entoura ma taille de ses bras, posant son front contre moi, entre mes seins en fait. Je lui caressais la nuque, le serrant contre moi. Il m’avait attirée à lui, entre ses jambes alors qu’il était toujours assis, et ne me lâchait pas.

« Tu étais partie, et tes affaires, et…

_ J’ai sorti Attila, et j’ai ramené les croissants. » murmurai-je, conciliante. « Je suis désolée Paul, je pensais revenir avant ton réveil, je ne croyais pas que tu aurais le temps de t’inquiéter. Je crois que… j’ai trop l’habitude de vivre seule… »

Il leva vers moi des yeux chavirés, et je dus me pencher un peu pour déposer un bisou sur son front.

« Ton café va être froid.

_ Oui, tu as raison… Tu veux du thé ? J’en ai acheté l’autre jour ! »

Il s’anima tout d’un coup pour sortir les sachets de thé, un bol et des couverts supplémentaires.

Après avoir dévoré les croissants et la moitié de la baguette viennoise, il m’entraina dans sa chambre. Ma nuisette était là, chiffonnée entre les draps, et je la lui jetai gentiment au visage :

« Et ça, c’est quoi ? Tu crois vraiment que j’aurais disparu en te laissant ma chemise de nuit ? »

Il rougit, et je me jetai sur lui pour le chatouiller. Il se défendait plutôt pas mal, à mon grand étonnement, et on a fini par s’écrouler l’un à côté de l’autre, essoufflés et morts de rire.

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