Chapitre 18

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Septembre 2015

Je fêtai dans la semaine mes vingt-trois ans, une soirée en amoureux avec Paul qui m’invita au restaurant pour l’occasion. Nicolas m’avait appelée en fin de journée, et Virgile pendant sa pause-déjeuner, après un SMS le matin dès son réveil. Nous ne faisions pas grand-chose tepous les trois poour les anniversaires, surtout depuis la mort de Mathie.

Deux jours plus tard, je croisai Gauthier en rentrant chez moi après avoir fait quelques courses à la supérette du quartier. Il traversa la rue entre deux voiture, non sans se faire klaxonner et injurier copieusement, pour venir me rejoindre.

« Salut ma Loulou ! Donne-moi ça, je vais le porter. » dit-il en me claquant une bise sur la joue, avant de s’emparer du sac plein de produits ménagers et de croquettes pour Attila.

Il me raccompagna jusqu’à chez moi, et en apprenant que Paul n’était pas là du week-end, proposa de se faire une soirée DVD : « Allez, Louloute, s’il te plait ? Passer un peu de temps ensemble, ça ne te dit pas ? J’ai pas trop envie de rester tout seul chez moi, ce soir...

_ Tu ne veux pas sortir ?

_ Bof... »

Je lui ai jeté un regard en coin : il était bizarre, ce soir... Et il me regardait, de l’espoir plein les yeux, et j’ai fini par accepter. Après avoir rangé mes courses, j’ai repris mon éternel sac à dos que je trimballais partout, mis sa laisse à Attila, et on est allés se promener avant de rentrer chez Gauthier. Til a eu ses croquettes dans sa gamelle de voyage – une vieille boite en plastique - et pour nous on a commandé une pizza.

On a choisi un DVD et mangé devant la télé, comme deux ados. On regardait le film tout en faisant des commentaires débiles, on discutait d’autres choses parfois, bref une soirée régressive à souhait ! On était avachis sur son canapé, il avait passé son bras autour de mes épaules.

« J’ai pas envie de bouger. » a-t-il soupiré en regardant défiler le générique de fin. « On enchaine sur un autre DVD ?

_ Pour ce qu’on a regardé celui-là, c’est peut-être pas la peine... » ai-je pouffé. « Tu ne veux pas qu’on discute juste ? »

Gauthier a éteint la télé, mis de la musique, et est revenu s’asseoir à côté de moi.

« Au fait, Paul t’a fait des massages ? Il est doué ?

_ On n’a pas trop eu le temps, cette semaine, à vrai dire... »

Vu qu’on avait passé la moitié de la semaine à se disputer.

« Qu’est-ce qui se passe, Louloute ?

_ Pfff... Il est parti fâché... Il voulait m’emmener chez ses parents. Au bout de même pas un mois, quoi ! »

Il avait essayé l’argument ‘mais ça fait bien plus longtemps en fait, on se tourne autour depuis le mois de juillet’, mais je l’avais rembarré : c’était vraiment quand ça l’arrangeait, ça ! Je me souvenais d’un jour où il avait refusé qu’on couche ensemble sous prétexte que c’était le premier soir...

Gauthier s’est marré, avant de se lever :

« Tiens, j’ai commandé des trucs pour le cabinet, ça te dit de tester ma nouvelle crème de massage ? J’ai besoin d’un cobaye… Ça te ferait du bien, en plus, tu as l’air tendue. »

Heu... Était-ce raisonnable ? Correct ?

« De quoi t’as peur ?

_ J’ai pas peur !

_ Hé hé, je te préfère comme ça ! »

Il a installé une grande serviette de plage sur son lit. « Allez, à poil !

_ Mais bien sûr !

_ Bon, tant pis, j’aurais essayé... » Je secouai la tête en souriant. Gauthier et ses bêtises... Je m’étendis sur la serviette après avoir ôté mon short et mon débardeur, et fermai les yeux en sentant ses mains se poser sur mes épaules. Il a massé, malaxé, tous les muscles de mon dos, et en passant sur le point sensible découvert par Paul le week-end précédent, mais que lui connaissait depuis des années, il m’a arraché un petit gémissement.

« Attention, Louloute, je pourrais imaginer des choses...

_ Dans tes rêves, mon vieux ! » ai-je répliqué, retenant tant bien que mal un grognement de bien-être sous ses doigts magiques.

Je ne pouvais pas nier le fait qu’il me plaisait, physiquement parlant, et que penser à autre chose que ses mains sur moi, et son attention entièrement tournée vers moi, mon corps et mon bien-être, était plutôt dur pour le moment. Pour autant, j’avais déjà, deux ans auparavant peut-être, songé à l’éventualité de se remettre ensemble, et... quelle horreur ! J’aurais eu l’impression de coucher avec mon frère ! Non, Gauthier et moi, c’était bien fini.

Mais son massage divin m’a ramenée six ans en arrière, lorsque j’étais une petite bête sauvage, une ado rebelle et complexée, farouche, qu’il avait dû apprivoiser. Au début, je le laissais à peine me toucher, et il lui avait fallu des trésors de patience et de tendresse, d’amour sincère mais pas empressé, ainsi qu’une bonne dose de masochisme sans doute, pour parvenir à gagner ma confiance et m’avoir dans son lit, abandonnée comme je l’étais ce soir. Cinq fois, dix fois, vingt fois, nous avions failli, commencé et tout arrêté, moi en panique et lui frustré. Mais il ne me l’avait jamais reproché. A chaque fois, il souriait tendrement, me caressait la joue, le dos, les seuls endroits que je lui accordais alors, et me proposait un massage. C’est ainsi qu’il m’avait fait baisser ma garde. Par des massages, chastes et décontractants, pendant lesquels nous parlions ; il me rassurait et parfois j’arrivais à lui ouvrir un peu mon cœur. Il avait fallu plusieurs mois de patience, plusieurs flacons d’huile pour qu’enfin, un dimanche pluvieux où nous étions seuls chez lui, on saute le pas.

Il avait massé longuement tout mon corps, en commençant par mes pieds, sans oublier le côté face. Il avait mis de la musique, du blues et de la soul, cette musique qu’il aimait tant et qu’il m’avait fait découvrir, et j’avais fermé les yeux, me laissant bercer par les voix de Sam Cooke, Aretha Franklin, Muddy Waters, de tant d’autres artistes. Je fermais les yeux et suivais le chemin des doigts de Gauthier sur ma peau. Je fermais les yeux et repensais à des récits érotiques que j’avais lus un peu par hasard, la veille, en cherchant des fanfictions sur internet. J’avais passé la soirée sur l’ordinateur, fascinée par ces mots parfois crus, ces phrases décrivant des orgasmes, ces étreintes passionnées dépeintes en de longs paragraphes. J’y avais passé la moitié de la nuit, et là, sous les caresses de Gauthier dont les mains s’étaient faites plus douces, je sentais mon corps se préparer. Même si je ne le savais pas encore. Lui avait deviné, ressenti un changement en moi, et avait osé masser mes fesses qu’il évitait jusqu’alors, effleurer mes seins lorsqu’il redescendait le long de mes flancs après avoir étiré ma colonne vertébrale des reins jusqu’aux cervicales... Et je ne l’avais pas fui.

Il avait été très doux, très prévenant, s’assurant à chaque instant que j’étais toujours d’accord. Gauthier m’avait caressée délicatement, lentement, tandis que je m’accrochais aux draps et à sa voix. Et c’est seulement après m’avoir donné du plaisir avec ses doigts qu’il m’avait demandé de me retourner.

Il s’était allongé près de moi, nu, et j’avais osé tendre la main pour caresser son membre raidi par le désir.

« Ça va faire mal ? » avais-je demandé d’une toute petite voix. Il avait pincé les lèvres et grimacé :

« Je ne sais pas, Loulou. Je vais essayer de ne pas te faire mal. Dis-moi si tu veux que j’arrête, surtout, si quelque chose te gêne... »

Je l’avais fait taire d’un baiser, un vrai avec la langue comme il m’avait appris, et comme j’aimais de plus en plus : à chaque fois que nos langues dansaient l’une contre l’autre, je sentais mon ventre se réveiller, ce qui jusque-là me faisait un peu peur. Mais ce jour-là je me sentais ivre de ce désir que je ne savais pas encore nommer, de ces sensations nouvelles qu’il me faisait découvrir. Je l’avais embrassé, et attiré sur moi, nichant mon front contre son épaule pour lui cacher ma grimace de douleur lorsqu’il était entré en moi.

« Tu dors, Louloute ? » La voix de Gauthier me tira de mes souvenirs. « A quoi tu penses ?

_ A nous. A... la première fois... » Il ne répondit pas, il quittait la chambre pour aller se laver les mains. Il est revenu quelques instants plus tard et s’est assis près de moi qui avais remis mon T-shirt mais pas encore mon short.

« Tu sais Gauthier, je crois que je ne te l’ai jamais dit, mais... merci, pour tout ce que tu as fait pour moi, c’était... Je ne sais pas. Tu as fait ce qu’il fallait, quoi. C’est nul que ça n’ait pas collé entre nous, parce que pour ma première fois, et les suivantes, vraiment, je n’aurais pas pu rêver mieux. »

Je n’osais pas trop le regarder en lui avouant ça, et il ne répondit rien, me serrant simplement dans ses bras avant de m’entrainer en arrière sur le lit.

« Reste là, cette nuit... »

J’étais bien, je n’avais pas envie de partir. Je suis restée. On a parlé encore longtemps dans le noir avant de dormir.

« Alors, t’as quelqu’un en ce moment ?

_ Mmmh, pas vraiment, non…

_ Un plan cul, alors ? Ou quelqu’un en vue ? » insistai-je.

« Ouais, on peut dire ça. Mais… je ne sais pas trop où j’en suis à propos de ça, en fait… Je me pose plein de questions…

_ Comme toujours. » ai-je souri.

Je l’ai senti sourire aussi, à côté de moi dans le noir.

« Peut-être, oui…

_ Allez Gauthier ! » Je lui mis un coup de coude dans les côtes. « Bouge-toi ! T’es amoureux ?

_ Je crois bien que oui.

_ Et elle ?

_ … C’est pas ça le problème… On est tellement différents que…

_ Eh ! Tu crois que je ressemble à Paul ? Et je parle même pas de toi !

_ On voit où ça nous a menés, hein… » rétorqua-t-il, un brin sarcastique.

« Ben quoi ? On a passé de bons moments ensemble, malgré tout. On a de beaux souvenirs, même si ça n’a pas marché.

_ Hmm. »

Je n’avais pas rêvé, l’après-midi, en croyant lire une certaine tristesse dans ses yeux. Ce manque de réactions ne lui ressemblait pas. Je tentai d’attaquer par un autre côté :

« Bon, en tout cas, si tu as besoin de conseils pour l’emballer, fais-moi signe.

_ Pourquoi tu dis ça ?

_ Parce que si tu dragues toujours aussi mal qu’à l’époque, t’es pas rendu !

_ Hey ! Si tu crois que c’était facile ! Entre ton caractère de chien, ton chien justement, et tes frangins... J’avais toutes les chances de finir étripé ! »

J’ai ri : il n’avait peut-être pas entièrement tort...

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